Zwi Migdal

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La Zwi Migdal est au départ une association de secours mutuel, créée sous le nom de Varsovia le 7 mai 1906 à Avallenada, Argentine. Ses membres sont des anciens sujets de l'empire russe, émigrés, considérés comme impurs par la communauté juive dont ils sont chassés, qui les prive de salut, refusant leur inhumation dans les carrés israélites. C'est pourquoi, dès sa légalisation, la Varsovia dont c'est la raison sociale, achète sa propre part de cimetière.

Les membres de la Varsovia sont des proxénètes et prostituées. Noe Trauman en est le premier président. L'"œuvre" de solidarité de la Varsovia s'étend en réalité de l'inhumation des morts aux intérêts mafieux des vivants:

La Varsovia prête de l'argent aux proxénètes partis en remonte en Pologne, à la recherche de jeunes victimes, bien souvent mineures, qu'ils séduisent sous promesse de mariage et de fortune.

La Varsovia structure en réseau les complicités internationales qui permettent de duper les victimes, en repérant à l'avance et en amadouant leur famille en Pologne , ou pour faire en sorte qu'elles se présentent avec de faux papiers aux fonctionnaires de l'immigration, au Havre ou à BordeauxMontevideo et Buenos Aires enfin. Les rufians préfèrent continuer à user ainsi de ruse et fourberie pour les inciter à se prostituer d'elles-mêmes, de bon gré ou en désespoir de cause; ils recourent à défaut à la violence.

La Varsovia soudoie des douaniers, policiers, inspecteurs de salubrité, juges, qui ferment ainsi les yeux sur ces activités; ils renseignent plutôt les rufians, entrant même en concurrence entre-eux.

La Varsovia organise à Buenos Aires la vente aux enchères des prostituées, à son siège social, aux allures d'une synagogue , sise 3280 rue Cordoba, ou au théâtre Alcazar rue Suipacha, ou encore au café Le Parisien 3184 rue Alvear.

Puissante, la Varsovia comme d'autres organisations mafieuses internationales, doit cependant faire face à la lutte croissante contre la traite des blanches, dévellopée par des états qui durcissent leur lois, sous la pression des associations de protection des femmes, avec le concours de la Société des Nations. Mais la législation argentine en la matière reste peu contraignante.

Le commissaire Julio L Alsogaray est l'artisan de l'audition d'un rufian en 1926, suivie de son arrestation et de sa condamnation seulement en 1928, à cause des protections dont il bénéficiait. En 1927, le président de la Société Israëlite de Protection de la Femme et des Jeunes Filles, Selig Ganopol, porte plainte contre la Varsovia. Le commissaire Martin Perez Estrada, chargé des investigations, protège en réalité les rufians.

En 1929, d'une part une partie des rufians fait scission, fondant la Asquenasum Pelosa, d'autre part le 20 août, la Varsovia change de nom et devient la Zwi Migdal, suite à une plainte de l'ambassadeur de Pologne. La même année, le gouvernement argentin d’Hipólito Yrigoyen durcit sa politique d’immigration.

Le 31 décembre 1929, Raquel Liberman, une prostituée, porte plainte auprès d'Alsogaray: Elle se croyait affranchie de la férule de son mari proxénète,et ayant accumulé un petit pécule, se lançait dans le commerce. C'était sans compter sur la Zwi Migdal, qui dépêche auprès d'elle l'un de ses membres, qui entreprend de devenir son amant, avant de tenter de la contraindre à exercer à nouveau la prostitution. Cette plainte est enfin à l'origine des faits suivants:

Le 11 mai 1930, un journal, La Razon, fait état d’un réseau de prostitution découvert par la police et exploitant 15000 européennes. De fait, le juge Ocampo, avec le soutien de la communauté juive et une rare efficacité, orchestre à partir de ce moment une vaste campagne médiatique contre les rufians.

Le 14 mai, au cours d'une perquisition rue Cordoba, la police s’empare d’une abondante littérature, dont la liste des rufians de l'ex-Varsovia. Le 24 mai, le juge Dr. Manuel Rodriguez Ocampo rédige le mandat d’arrêt général de 442 membres de l'ex-Varsovia, non pour proxénétisme, mais pour association illicite œuvrant de manière à nuire à la moralité de l’Etat.

Du 23 au 26 septembre 1930, en première instance du procès pour association illicite, « dédiée à la corruption », des membres de l'ex-Varsovia, la chambre criminelle et correctionnelle décrète la prison préventive des 108 prévenus. Leurs biens sont saisis. Le juge fait aussi rechercher 334 contumaces.

Le 27 janvier 1931, les 108 sont relaxés collectivement en appel, certes en raison de témoignages insuffisants et au bénéfice du doute pour certains, mais aussi essentiellement parce que l'association était bien légale.

En avril 1931, les autorités promulguent le décret dit « de résidence » qui permet de déchoir les proxénètes arrêtées de leur nationalité d’adoption, de les expulser et de les extrader vers leur pays d’origine ou autre..

Les activités de la Varsovia à Buenos Aires représentent environ 2000 prostibules, 3000 femmes, pour un rendement annuel 108 millions de $ argentins, soit 860 millions de F.

La Varsovia ou la Zwi Migdal, puisque ce nom est resté, comme organisation proxénète juive possède à l'époque des succursales en province, au Brésil , ainsi que des précurseurs, équivalents à New York, Constantinople, Thessalonique, Johannesburg . La New York Independent Benevolent Association a été fondée par Martin Engel et Max Hochstim. A Johannesburg, c’est l' American club fondé par Joe Silver. Le phénomène dépasse le stade du proxénétisme juif "artisanal" à Varsovie , tel qu'il est décrit par Isaac Bashevis Singer, et s'inscrit dans le cadre de l'histoire des flux migratoires, des émigrés, juifs, mais aussi irlandais, marseillais, siciliens etc.., qui ont du et pu fuir la pauvreté, les pogrom et autres persécutions, en cherchant fortune dans un nouveau monde pas encore tout à fait régulé par les lois internationales.

[modifier] Sources

  • Julio L Alsogaray, La prostitution en Argentine ; édition Denoël et Steele, Paris 1935, traduit de:
  • Julio L Alsogaray, trilogia de la trata de blancas, Buenos Aires 1933
  • Albert Londres, le chemin de Buenos Aires, 1927
  • Maxence Van der Meersch, femmes à l'encan, 1946
  • Edward J Bristow, Prostitution and prejudice : the jewish fight against White Slavery 1870/1939, Clarendon Press Oxford 1982
  • The Dearborn independent, 24 Septembre 1921 http://www.jrbooksonline.com/Intl_Jew_full_version/ij53.htm
  • Charles van Onselen, The Fox And The Flies: Joe Silver in the Atlantic world: 1868-1918

[1]

  • Charles van Onselen, jewish police informers in the Atlantic World 1880-1914

[2]

Romans en français sur le thème

  • Isaac Bashevis Singer, le petit monde de la rue Krochmalna (traduit de shoym, en yiddish, scum en anglais) édition Denoël 1991
  • Edgardo Cozarinsky, le Ruffian Moldave (el rufian moldavo) actes sud 2005
  • Roberto Arlt, les sept fous,(los siete locos) edition Belfond 1981

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