William Zeckendorf

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William Zeckendorf
William Zeckendorf

Salvador William Zeckendorf, à Paris (Illinois, États-Unis et décédé le 30 septembre 1976 à New York est un promoteur immobilier américain.

Il a régné pendant près de trente ans sur New York, quand la ville était celle de toutes les ambitions. Il en connaissait tous les recoins. Il sut en exploiter avant tout le monde les ressources cachées. À la force de quelques spectaculaires réalisations architecturales, il porta New York vers les sommets du genre. La ville, telle qu'elle est aujourd'hui, lui doit beaucoup.

En 1946, le très redouté magazine Life lui tressait une dithyrambe telle qu'il eut lui-même l'impression, d'être déjà mort. On pouvait lire : "Jamais depuis que Napoléon III avait entrepris en 1850 la transformation de la ville de Paris, personne n'avait eu de projet aussi grandiose que celui de cet américain de Manhattan nommé William Zeckendorf... L'essence de ce qui fait de Zeckendorf un promoteur tout à fait unique n'est pas facilement saisissable. Peut être est-ce le résultat de ces quatorze années passées à expérimenter l'art difficile du conciliateur dans des négociations réputées serrées avec les hommes d'affaires les plus durs de la ville... Toujours est-il qu'il est peu de personnalités capables comme lui à la fois de penser à des vitesses supersoniques, d'anticiper sur l'avenir aussi justement et de donner aux plus simples transactions des allures de chefs d'œuvres aussi aboutis."

Vingt années plus tard, en plein milieu des années 1960, William Zeckendorf apprendra, quasiment par hasard, qu'il est ruiné. Ainsi en allait-il souvent dans cette Amérique joueuse, qui brûlait, toujours avec une certaine cruauté, les idoles qu'elle avait le plus adorées. William Zeckendorf fut de ces idoles absolues. Il fut un visionnaire si immense qu'aujourd'hui encore, longtemps après sa mort, New York se transforme selon ses plans et lui doit de ne pas succomber totalement à l'asphyxie qui guette les mégalopoles. Il fut un découvreur si obstiné de talents que les plus grands architectes d'aujourd'hui ont travaillé pour lui. Un jour que Le Corbusier était invité d'honneur de la Colombia University et qu'on le pressait de faire un discours il commença à dire : - " Est ce que William Zeckendorf est dans cette salle ? ". Une main se leva et l'on entendit : - "Je suis ici Corbu." Le montrant du doigt, Le Corbusier dit alors devant l'éminente foule rassemblée : - "Voici l'homme qui a fait plus que quiconque pour l'architecture en Amérique."

Très peu connu en Europe, William Zeckendorf est né, quasiment avec le siècle - en 1905 - dans une petite ville de l'Illinois (États-Unis) au nom narquois : Paris. Arrivés avec la vague d'émigrés du nord de l'Europe en 1870, les grands parents Zeckendorf, originaire d'Allemagne, firent partie des premiers légendaires pionniers de l'Ouest. Proche des Indiens au point de vivre sous un tipi pendant plus de dix ans, le grand père Zeckendorf n'en fut pas moins une des hautes figures de son temps enrôlé dans le combat qui força Géronimo à la réédition en 1886. À un journaliste qui demandait un jour au jeune William s'il était sûr de ne pas avoir de sang Apache dans les veines, il répondit : - " Je suis absolument certain que non, mais je me demande jusqu'à quel point les Indiens Apache n'ont pas du sang Zeckendorf dans les leurs". William Zeckendorf avouait volontiers devoir beaucoup à ce grand père aventurier et fantasque qui fut à la fois directeur d'un des tout premiers journaux américains (The Weekly Arizonan), fabricant de chaussures dans un temps où l'Amérique en consommait beaucoup, cow boy héroïque, commerçant florissant qui imprimait sa propre monnaie (The Zeckendorf Dollar indexé sur le dollar national) pour finir propriétaire d'une inépuisable mine de cuivre.

C'est dans l'atmosphère étourdissante du Long Island d'avant guerre que le jeune William apprit, très vite que dans la jungle aucun animal ne songe à attaquer le lion. Il décida coûte que coûte d'en devenir un. Un oncle au nom prédestiné (Uncle Sam) lui permit de se lancer à corps perdu dans l'aventure spéculative immobilière des années 1920. Intelligent, rapide, et relativement intègre, William assimila rapidement les règles du jeu. De commissions en coups de bourse malins, il accumula un confortable pécule que la dépression de 29 fit fondre en un claquement de doigt. En fait, il accumula surtout une expérience du marché immobilier et une connaissance de la ville que rien ne pourrait venir remettre désormais en cause. Vingt-six années de patient travail, de défis incessants et de délires urbanistiques rarement atteints allaient transformer le jeune lion de Long Island en une de ces légendaires figures de l'Amérique dont le cri de guerre devant chacun des terrains vierges qu'ils venaient d'acquérir était : «J'aime bâtir».

Ses œuvres ? : la quasi intégralité du projet de la cité X qui allait devenir - après maints bouleversements - la cité des Nations unies avec les légendaires Twin Towers, le Roosevelt Fields dans Long Island dont il fit le plus révolutionnaire centre commercial des États-Unis, le développement de Park West Village et la conception - tout à fait avant-gardiste - de Kips Bay. Ceci pour ne parler que de New York et de ses projets réalisés. Mais au-delà, Zeckendorf étonne par son futurisme visionnaire. Ainsi avait-il projeté de transformer Staten Island en immense port et de donner à New York un quatrième aéroport conquis sur l'Hudson River. En leur temps ces deux projets furent unanimement traités de « mégalomaniaques émanant d'un homme dont on pouvait se demander si, malgré l'immensité de l'œuvre qu'il avait accompli, il avait conservé toute sa raison. » Depuis, on songe périodiquement à les reprendre.

Le talent de William Zeckendorf tient aussi dans le rapport privilégié qu'il entretint en tant que promoteur avec les architectes. Un rapport de forces complexes dont la fibre essentielle échappe encore aujourd'hui à toute espèce d'analyse. À quelqu'un qui lui demandait un jour : « Laissez-vous beaucoup de liberté à vos architectes ? » Il répondit : « Laissez-vous votre secrétaire vous dicter vos lettres ?! »

C'est pourtant bien le même homme qui donna sa première chance à un jeune inconnu, I. M. Pei, devenu, depuis, la star internationale que l'on sait. Le premier travail qu'il lui confia fut la réalisation de son incroyable " bureau - igloo " en teck chez Webb Knapp. Les conditions dans lesquelles la rencontre entre les deux hommes s'est faite valent d'être racontées : « La première fois que j'ai rencontré Pei, je ne savais rien de lui, mais j'ai eu un coup de foudre. Je ne lui ai pas dit ce que je voulais qu'il construise, je l'ai pris avec moi en voiture et je le l'ai trimbalé dans la ville en lui montrant ce que je ne voulais surtout pas qu'il me construise."

Leur collaboration devait durer des années et valoir à Zeckendorf l'admiration indéfectible de Pei. Il était loin d'être le seul. On citera, entre autres, l'immense et réputé peu commode Frank Lloyd Wright. Un jour, pour conclure un débat télévisé auquel ils avaient été tous deux invités et qui devait être houleux - Zeckendorf tenant le rôle du vilain promoteur et Wright celui du génial architecte brimé - ils se mirent à chanter en duo, au grand désespoir de l'animateur du débat, la célèbre chanson de Cole Porter " Manhattan " ! Très lié aux hommes les plus influents du moment, intime des grands de ce monde, l'homme garda sa vie durant, une bonhomie, une jovialité et un appétit de vivre qui lui firent traverser, avec une sérénité presque mystique, les pires épreuves. Il paya ses talents de visionnaire d'une très injuste banqueroute mais il aura laissé sur l'architecture américaine une empreinte si définitive qu'elle est désormais historique. Et même si beaucoup d'autres personnalités ont participé à la construction de l'Amérique, William Zeckendorf reste un des seuls à avoir participé à ce point à la construction du rêve américain.

À Montréal, Zeckendorf est à l'origine du vaste projet de Place Ville-Marie qui, au tournant des années 1960, a lancé le renouveau du centre-ville montréalais.

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