Théorie des mécanismes

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On entend par théorie des mécanismes un ensemble de méthodes qui permettent d'étudier les mécanismes et les structures, en vue de les comprendre, de les améliorer ou de les concevoir. Ces méthodes reposent essentiellement sur deux branches de la mécanique, la statique et la cinématique, et cet article n'en abordera que les principaux aspects.

Le but de la théorie des mécanismes n'est pas d'établir une construction intellectuelle de plus, mais de donner aux techniciens et ingénieurs un outil de travail efficace. On ne s'étonnera donc pas de voir associées, aussi souvent que possible, des considérations pratiques avec des notions beaucoup plus abstraites.

Sommaire

[modifier] Définitions préliminaires

  • On appelle pièce tout sous-ensemble rigide faisant partie d'un mécanisme ou d'une structure, quelle que soit sa réalisation.
  • Une liaison résulte de la mise en contact de deux pièces par l'intermédiaire de surfaces fonctionnelles appropriées. On attend d'une liaison qu'elle transmette certains efforts d'une pièce à l'autre, ou qu'elle interdise certains mouvements d'une pièce par rapport à l'autre. On dit bien « interdise » et non pas « autorise ».
  • Les mécanismes et les structures résultent de l'agencement d'éléments rigides liés les uns aux autres ; ils comportent donc un nombre entier de pièces et un autre nombre entier, généralement différent, de liaisons. On trouve des systèmes dans lesquels certains éléments peuvent se mouvoir, une boîte de vitesses par exemple, et des agencements purement statiques comme l'ossature d'un bâtiment ou d'un ouvrage d'art, ou encore le montage qui immobilise une pièce en vue de son usinage sur une machine-outil.
  • Dans un mécanisme formé de p + 1 pièces, on appelle généralement socle ou bâti celle qui sert de référence pour étudier, par la statique ou la cinématique, le comportement des p autres pièces.

[modifier] Hypothèses et limites de l'étude

  • Les pièces sont parfaitement indéformables : la distance de deux points quelconques A et B appartenant à une même pièce est donc rigoureusement invariable. On néglige ici l'élasticité, en déduisant immédiatement qu'un ressort ne doit jamais être considéré comme une pièce.
  • Les surfaces fonctionnelles par lesquelles les pièces viennent en contact sont géométriquement parfaites. On néglige cette fois les tolérances de forme et d'état de surface.
  • Les liaisons créées entre les pièces sont parfaites, c'est-à-dire qu'elles sont réalisées sans jeu, ni serrage, ni frottement. Les ajustements et l'usure sont exclus de l'étude.

[modifier] Liaisons simples

Pour des raisons pratiques, les surfaces utilisées pour réaliser des liaisons sont le plus souvent des cylindres, des plans ou des sphères.

Les cylindres peuvent être réalisés très facilement et avec une bonne précision sur une large gamme de machines-outils, ce sont les surfaces les plus économiques et il faut bien sûr les utiliser aussi largement que possible. Les plans sont nettement moins faciles à réaliser, surtout s'ils ont une surface importante, mais ils restent d'un coût raisonnable. Les sphères sont les surfaces les plus onéreuses, surtout si l'on veut imposer à la fois un diamètre précis et des tolérances de forme et de rugosité très faibles. On les évite donc autant que possible en tant que telles, mais leur usage est indispensable pour obtenir certaines fonctions particulières ; dans ce cas, on essaie de trouver des solutions de substitution, ce qui est très souvent possible.

En associant deux à deux ces surfaces, on obtient six combinaisons qui correspondent aux six liaisons simples bien connues :


association liaison
plan et sphère appui ponctuel, encore appelé « appui simple »
plan et cylindre appui linéaire rectiligne, ou parfois « appui linéaire » tout court
plan et plan appui plan
cylindre et sphère appui linéaire annulaire, ou « anneau », ou encore « gouttière », ce dernier terme relevant d'une anecdote que peu de gens connaissent et qui mériterait d'être contée
cylindre et cylindre pivot glissant ou « verrou »
sphère et sphère rotule ou « liaison sphérique »


On ne s'attardera pas sur la liaison nulle, ni sur la liaison complète.

Chacune des liaisons simples possède des particularités qu'il convient de connaître par cœur si l'on veut utiliser efficacement la théorie des mécanismes. D'autres liaisons seront ajoutées par la suite et considérées comme des liaisons simples, moyennant certaines précautions.

[modifier] Liaisons ponctuelles, linéiques et surfaciques

  • contact ponctuel : en faisant se toucher une sphère et un plan, le contact théorique se résume à un point. En pratique, si la liaison doit transmettre des efforts, ce contact va s'écraser quelque peu et devenir une petite surface, sans quoi la pression serait infinie. L'appui ponctuel est cependant la plus précise de toutes les liaisons et la seule qui permette de localiser le contact réel dans une toute petite zone de l'espace. On ne s'en servira guère pour transmettre des efforts, sauf sous forme de contact roulant, en revanche on l'utilisera à chaque fois que l'on aura besoin de précision : transmission d'une information de position, construction d'appareils de mesure, montages de premier ueinage, etc.
  • contact linéique : on le rencontre dans les deux appuis linéaires, rectiligne et annulaire. Il supporte davantage d'efforts que le contact ponctuel, mais les imperfections des surfaces font que l'on ne connaît jamais avec précision les zones réelles dans lesquelles se font les portées entre les pièces.
  • contact surfacique : on le trouve dans l'appui plan, le pivot glissant et la rotule. Pour l'obtenir, il faut deux surfaces complémentaires présentant des courbures opposées. En pratique les efforts transmis sont beaucoup plus importants que pour les contacts ponctuel et linéiques, tandis que les zones réelles de portées sont toujours très mal déterminées. Ces liaisons seront donc refusées s'il faut transmettre des informations et au contraire recherchées pour transmettre des puissances.

[modifier] Liaisons unilatérales et bilatérales

Une liaison unilatérale transmet certains efforts ou interdit certains mouvements dans un seul sens. Une liaison bilatérale qui transmet un effort transmet aussi l'effort opposé et de même, si elle interdit un mouvement, elle interdit également le mouvement opposé.

Les trois liaisons qui comportent un plan, c'est-à-dire l'appui ponctuel, l'appui linéaire rectiligne et l'appui plan, sont des liaisons unilatérales. Au contraire, l'appui linéaire annulaire, le pivot glissant et la rotule sont des liaisons bilatérales.

Une liaison unilatérale transmet les efforts dans un seul sens, et elle le fait alors sans jeu. Si les efforts changent de sens, elle n'existe plus. Une liaison bilatérale subsiste lorsque les efforts transmis changent de sens, mais le jeu se rattrape alors d'un côté ou de l'autre et les positions relatives des pièces ne sont plus déterminées avec une grande précision.

On raisonne souvent comme si les liaisons unilatérales étaient en fait bilatérales. Après tout, loger une sphère, un cylindre ou un « bloc » entre deux plans parallèles n'est pas vraiment plus difficile que d'ajuster deux sphères l'une à l'autre pour former une rotule.

[modifier] Actions directes, efforts de liaison

Lorsque l'on étudie l'équilibre d'une pièce, il faut commencer par l'« isoler » et faire l'inventaire de tous les efforts extérieurs qu'elle subit. On s'aperçoit alors que ces efforts sont de deux sortes :

  • les actions directes, appliquées autrement que par les liaisons et a priori connues ; on compte dans cette catégorie les forces de volume (poids, attractions électrique et magnétique), certaines forces de surface (pression d'un fluide, poussée du vent...), et celles que l'on applique volontairement (couple moteur, traction d'un ressort...),
  • les efforts de liaison, qui sont les forces et les couples appliqués par les diverses pièces liées à celle que l'on étudie. Ces efforts sont a priori en partie inconnus.

[modifier] Références centrées, degrés de liaison, degrés de liberté

Le mouvement d'une pièce P totalement libre dans l'espace par rapport au bâti peut être défini en un point par une vitesse linéaire et un taux de rotation. De même, une pièce totalement liée au bâti peut lui transmettre une action mécanique définie en un point par une force et un moment. Dans un cas comme dans l'autre, le mouvement et l'action mécanique peuvent prendre toutes les valeurs imaginables et pour les exprimer analytiquement, il faut six nombres algébriques dont chacun peut ne pas être nul. Dans le premier cas, tous les mouvements sont possibles, ce qui ne veut pas dire qu'ils aient effectivement lieu, c'est pourquoi on parlera de mouvements relatifs autorisés de P par rapport au bâti. Dans le second, tous les efforts peuvent être transmis, mais ils n'existent pas forcément, on parlera donc d'efforts transmissibles de P sur le bâti.

[modifier] Références centrées

On prend maintenant pour exemple un mécanisme constitué d'une tige cylindrique montée dans un alésage du socle, donc liée à celui-ci par un pivot glissant.

On comprend facilement, compte tenu des hypothèses posées précédemment, que les particularités des mouvements autorisés et des efforts transmissibles par cette liaison ne dépendent ni de la longueur du cylindre selon lequel se fait le contact, ni de son diamètre, ni de sa position longitudinale, ni du fait que ce cylindre puisse être morcelé en plusieurs parties. On parle bien ici des particularités, pas des valeurs numériques. Pour les exprimer, il faut se référer à l'axe commun aux deux cylindres, qui constitue la référence centrée du pivot glissant.

Les références centrées sont en quelque sorte les « squelettes » des liaisons :

liaison références centrées
appui ponctuel la normale commune aux deux surfaces, et pas seulement le point de contact comme on le pense généralement à tort
appui linéaire rectiligne le plan normal aux deux surfaces qui passe par la droite de contact, et pas seulement cette dernière
appui plan n'importe quelle normale aux plans, donc propriétés identiques dans tout l'espace !
appui linéaire annulaire l'axe du cylindre ET le centre de la sphère
pivot glissant l'axe commun aux deux cylindres
rotule le centre commun aux deux sphères


On doit toujours garder cette liste présente à l'esprit !

Un système d'axes, un ensemble de notations, ne sont que des outils, qu'il faut choisir avec discernement, et seulement si l'on en a vraiment besoin. En les choisissant mal, on complique les problèmes d'une manière redoutable et l'on finit par échouer avec panache ! S'il faut utiliser un système d'axes, on ne le placera pas n'importe comment, on l'appuiera au contraire sur les références centrées des liaisons pour que les efforts ou les mouvements puissent être exprimés de la façon la pus simple possible.

[modifier] Degrés de liaison, degrés de liberté

On prend ici le pivot glissant comme exemple ; il peut être étudié en statique ou en cinématique, peu importe, mais souvent il faut faire les deux études car on a besoin des ensemble de valeurs numériques qui définissent les efforts et les vitesses.


en statique en cinématique
Par hypothèse, la tige T doit rester en équilibre par rapport au bâti. Si nous lui appliquons une force dirigée suivant l'axe du pivot glissant ou un moment parallèle à cet axe, nous la faisons bouger ... et nous ne sommes plus en statique. Toutes les actions directes ne sont donc pas transmissibles au bâti et les inconnues sont les efforts de liaison. L'étude cinématique des mécanismes fait toujours apparaître la solution banale du repos complet : toutes les vitesses sont nulles. Reste à savoir s'il existe une possibilité de mouvement de la tige T compatible avec les liaisons ; on cherche donc les 6 inconnues qui caractérisent le mouvement de la tige T par rapport au bâti.
Les forces dont les lignes d'action sont perpendiculaires à l'axe (on dit bien perpendiculaires, pas orthogonales) peuvent être transmises de la tige au socle sans engendrer de mouvement. Il en va de même pour tous les moments orthogonaux à l'axe.

L'ensemble des deux efforts transmissibles, force et moment, correspond à quatre valeurs algébriques indépendantes. Dans un problème de statique, ces quatre valeurs correspondent à quatre inconnues distinctes. Il existe par ailleurs deux valeurs algébriques correspondant à des actions directes qui doivent être nulles pour que l'on reste dans le domaine de la statique, la liaison n'est donc pas complète.

Le pivot glissant autorise la rotation de la tige autour de l'axe, de même que la translation de la tige selon ce même axe. Ces deux mouvements sont indépendants et chacun peut donc prendre n'importe quelle valeur, ce qui ne fait guère avancer les choses, mais on sait que la liaison n'est pas complète.

En revanche, il est impossible de faire tourner la tige autour d'une direction orthogonale à l'axe, et de même les points de l'axe de la tige ne peuvent avoir aucun mouvement de translation perpendiculaire à celui-ci. Ces interdictions correspondent à 4 conditions imposées aux vitesses par 4 équations.

On peut donner les deux définitions provisoires suivantes :
  • degré de liaison = inconnue statique indépendante
  • degré de liberté = condition indépendante imposée aux actions directes

En écrivant l'équilibre de la tige par rapport au socle, on aurait 6 équations. Comme il n'existe que 4 inconnues, il y a donc 2 équations non principales qui doivent être rendues compatibles avec le système, sinon celui-ci est impossible ... on n'est plus en statique.

On peut donner les deux définitions provisoires suivantes :
  • degré de liberté = paramètre cinématique indépendant
  • degré de liaison = relation indépendante imposant un mouvement

Avec 4 équations seulement, il est impossible de déterminer les 6 inconnues qui pourraient définir le mouvement de la tige. Il existe donc 2 inconnues non principales qui, n'étant pas imposées par les équations, deviennent de simples paramètres pouvant prendre n'importe quelle valeur.

Il y a donc ici ns = 4 degrés de liaison et nc = 2 degrés de liberté.

Pour toutes les liaisons simples, on trouve toujours ns + nc = 6.


Il faut toujours garder à l'esprit les valeurs caractéristiques des diverses liaisons simples !

liaison ns nc
appui ponctuel 1 5
appui linéaire rectiligne 2 4
appui plan 3 3
appui linéaire annulaire 2 4
pivot glissant 4 2
rotule 3 3

[modifier] Nouvelles définitions, familles de mécanismes

  • lorsque deux pièces sont liées par au moins deux liaisons simples, on parle de liaison composée. Exemples : une roue folle montée sur une portée cylindrique et en appui contre un épaulement, un vilebrequin de moteur lié au bâti par 5 paliers, etc.


schéma d'une liaison simple et d'une liaison composée


  • une chaîne continue ouverte est une succession de pièces dont chacune est liée à la précédente par une liaison simple. On a donc, en décomptant le bâti, p pièces reliées par a = p liaisons. Exemples : un bras de pelle mécanique, un doigt par rapport à la main, etc.
  • une chaîne continue fermée est constituée de manière analogue, sauf que les pièces forment une boucle. Toujours en décomptant le bâti, on trouve p pièces et a = p + 1 liaisons. Cette disposition est très fréquente dans les systèmes de transformation de mouvement, on trouve par exemple p = 2 et a = 3 dans le cas d'un réducteur de vitesse comportant un carter, un arbre lent et un arbre rapide.


schéma d'une chaîne continue ouverte et d'une chaîne continue fermée


  • un mécanisme complexe comporte un ensemble de pièces liées de façon plus compliquée que dans les cas précédents. Schématiquement, en considérant l'ensemble carter + vilebrequin à 5 paliers + bielles + pistons d'un moteur à 4 cylindres, on trouve par exemple p = 9 pièces et a = 13 liaisons simples ou composées.

[modifier] Notion d'isostaticité ou de « non surabondance »

Pour immobiliser une pièce A par rapport à un bâti B, ou pour transmettre tout type d'effort de A à B, ce qui revient au même, on peut penser qu'il faut créer entre A et B une liaison composée telle que la somme Ns des degrés de liaison introduits par les liaisons simples qui la composent soit égale à 6

Il existe beaucoup de solutions, comme :

  • un pivot glissant et un appui linéaire rectiligne,
  • une rotule associée à un appui linéaire annulaire et un appui ponctuel,
  • trois appuis linéaires rectilignes,
  • etc.

La condition Ns = 6, comme on le verra, est nécessaire mais pas suffisante !

La liaison bien connue « point trait plan » de Lord Kelvin, qui introduit les six degrés de liaison à l'aide de six appuis ponctuels, répond à cette condition.

La sphère 3 repose dans un trièdre creux, ce qui impose la position de son centre par rapport au bâti mais autorise encore les trois rotations de A par rapport au bâti. En appuyant la sphère 2 dans un « vé », on fixe un second point, de sorte que A ne peut plus tourner qu'autour de l'axe passant par les centres des deux sphères. L'appui de la sphère 1 sur un plan achève l'immobilisation.

Il existe donc suffisamment d'appuis, mais pas trop. En rajouter un ne permettrait pas d'avoir une meilleure immobilisation, ou de mieux transmettre les actions directes au bâti, tandis qu'en supprimer un rendrait la pièce A mobile par rapport à B, ou empêcherait de transmettre certains efforts au bâti.

On peut bien sûr vérifier tout cela par le calcul.

du point de vue de la statique du point de vue de la cinématique
L'équilibre de la pièce A par rapport au bâti B donne 6 équations et chaque appui ponctuel transmet une force inconnue ayant pour ligne d'action sa normale, ce qui donne un système « carré » de 6 équations linéaires à 6 inconnues.



Si tout se passe bien, ce système a une solution et les 6 équations imposent les valeurs des 6 inconnues. On en tire deux conclusions :


  • les actions directes sur la pièce A peuvent prendre n'importe quelles valeurs et la liaison de A par rapport à B est complète.
  • toutes les forces d'appui étant déterminées, le système est isostatique.
Les 6 inconnues s'appliquent au mouvement de la pièce A par rapport au bâti B. Chaque appui ponctuel interdit la translation de A par rapport à B dans la direction de sa normale, ce qui se traduit par une équation. Les 6 appuis donneront donc en tout 6 équations, ce qui donne un système « carré » de 6 équations linéaires à 6 inconnues.

Si tout se passe bien, ce système a une solution autre que la solution banale (toutes les vitesses nulles) et les 6 équations imposent les valeurs des 6 inconnues. On en tire deux conclusions :

  • les 6 inconnues sont déterminées, et en l'occurrence nulles, la liaison de A par rapport à B est complète,
  • toutes les équations étant utilisées, aucune liaison ne fait double emploi avec les autres et le système est « non surabondant ».
Du point de vue des mathématiques, on dira avec plus de précision :
On trouve un système de 6 équations linéaires à 6 inconnues avec second membre. Si son déterminant principal est d'ordre 6, son rang est égal à 6, toutes les inconnues et toutes les équations sont principales.

Toutes les équations étant principales, la pièce A est immobilisée, quelles que soient les valeurs des actions directes qu'elle reçoit, la liaison est complète.

Toutes les inconnues étant principales, les 6 forces d'appui sont déterminées, la liaison composée est isostatique.

On trouve un système homogène de 6 équations linéaires à 6 inconnues. Si son déterminant principal est d'ordre 6, son rang est égal à 6, toutes les inconnues et toutes les équations sont principales.

Toutes les équations étant principales, aucune liaison ne fait double emploi avec les autres, de sorte que la liaison n'est pas surabondante.

Toutes les inconnues étant principales, les 6 valeurs définissant le mouvement de la pièce A sont nulles, la liaison est complète.

Un système est dit isostatique, ou non surabondant,

lorsque tous les efforts de liaison sont déterminés, ou lorsqu'aucune liaison ne fait double emploi avec les autres.


On pourrait évidemment trouver des situations où les choses ne seraient pas aussi simples, par exemple si les normales de deux ou plusieurs appuis étaient parallèles, ou si toutes les normales étaient concourantes.

La liaison de Lord Kelvin est intéressante pour positionner des pièces de façon fidèle. Quelle que soit la précision avec laquelle les diverses surfaces ont été réalisées, un instrument de mesure porté par la pièce A reviendra toujours dans la même position, si celle-ci est retirée du socle puis remise en place.

Comme on n'utilise que des liaisons unilatérales, la liaison ne présente aucun jeu, mais certains efforts appliqués sur la pièce A peuvent la déboîter. Il suffit pour éviter cet inconvénient d'ajouter une bride ou un ressort pour la maintenir en place.

Les trois sphères peuvent aussi être appuyées dans trois rainures en forme de V, ce qui donne la liaison de Boys, moins connue et moins utilisée que celle de Lord Kelvin. On peut la réaliser de façon qu'elle présente une symétrie d'ordre 3, ce qui peut être aussi bien un avantage qu'un inconvénient, selon les circonstances.

L'ablocage des pièces en vue de leur premier usinage se fait par six appuis portant sur des surfaces brutes et permettant une immobilisation isostatique. Lors des usinages ultérieurs, on s'appuie sur les surfaces déjà usinées et jamais uniquement sur de nouvelles surfaces brutes. Dans une gamme d'usinage, une « reprise sur brut » conduit toutes les pièces en file indienne droit dans la poubelle !

[modifier] Notion de mobilité, notion d'hyperstaticité ou de surabondance

Au lieu d'utiliser des appuis ponctuels, on envisage maintenant de réaliser la liaison complète d'une pièce A par rapport à un bâti B en associant deux rotules. Chacune d'elles apportant 3 degrés de liaison, cela en fait 6 en tout, donc juste ce qu'il faut ... Il va donc falloir usiner deux sphères sur chaque pièce, puis procéder à l'assemblage.

Ici deux solutions apparaissent, selon que ces sphères seront concentriques ou non. Pour éviter de se trouver tout de suite dans un cas particulier, on peut choisir la solution la plus générale et faire en sorte que les centres ne soient pas confondus :



En statique, l'équilibre de la pièce A fournit 6 équations, tandis que les deux rotules apportent autant d'inconnues qu'il y de degrés de liaison en tout, c'est-à-dire 6.

En cinématique, les deux rotules imposent 6 conditions au mouvement, autant qu'il y a de degrés de liaison en tout, on pourra donc écrire 6 équations qui contiendront 6 inconnues qui correspondent au mouvement général de la pièce A par rapport au bâti B.

On peut bien sûr étudier ce problème de façon entièrement mathématique mais ce n'est sans doute pas nécessaire pour que l'on comprenne très vite qu'il y a un gros ennui. La pièce A n'est pas complètement liée au bâti, elle peut tourner autour d'un axe qui passe par les centres des deux rotules, si on lui applique des actions extérieures comportant un moment parallèle à cet axe. Par ailleurs, on se rend compte aussi que l'assemblage va dépendre de la distance des centres des sphères, qui doit être la même sur les deux pièces (on rappelle que les liaisons sont parfaites, mais ici cela ne suffit pas à permettre l'assemblage, il faut encore voir la cotation de position). Que s'est-il passé ?


point de vue de la statique point de vue de la cinématique
Le système de 6 équations qui traduit l'équilibre de la pièce A par rapport au bâti est tel que 5 de ces équations imposent les valeurs de 5 inconnues ; il existe donc une équation surnuméraire et la sixième inconnue est indéterminée. Pour que le système d'équations ne soit pas impossible, c'est-à-dire pour que l'on reste en statique, la 6e équation doit être compatible avec les autres.

Si ces équations sont correctement écrites, tous les termes où figurent des inconnues sont dans les premiers membres et ceux qui contiennent les valeurs des actions directes dans les seconds membres. La compatibilité de la 6e équation impose une condition aux seconds membres, l'une des valeurs des actions directes est imposée. Ici, tout moment appliqué à la pièce A parallèlement à l'axe qui passe par le centre des rotules doit être nul.

Le système de 6 équations qui traduit l'ensemble des mouvements interdits de la pièce A par rapport au bâti est redondant, autrement dit, l'un des mouvements est interdit deux fois. Il s'ensuit qu'un autre mouvement ne peut plus l'être du tout ; par conséquent, la liaison composée ne peut en aucun cas être complète puisque seulement 5 des 6 inconnues sont déterminées, et en l'occurrence nulles.

On vérifierait facilement que la 6e inconnue, qui correspond au taux de rotation autour de l'axe qui passe par les centres des rotules, ne figure même pas dans les équations.

Il apparaît donc une mobilité puisque si ce moment n'est pas nul, la pièce A tourne par rapport au bâti. Il apparaît donc une mobilité puisque rien n'empêche la pièce A de tourner par rapport au bâti.
La pièce A présente un degré de mobilité par rapport au bâti B,

c'est-à-dire que son mouvement éventuel peut être caractérisé par une valeur numérique indépendante.

Pourquoi parler de mobilité alors qu'existe déjà la notion de liberté ?

Tout simplement parce que les degrés de liberté caractérisent les liaisons et les degrés de mobilité, les pièces.

Il est donc impératif de distinguer ces deux concepts fondamentalement différents par deux termes différents.
L'inconnue non déterminée correspond à un effort transmissible excédentaire, ce qui correspond à une condition géométrique impérative. En théorie, il est en effet rigoureusement impossible d'assembler les deux pièces A et B si la distance des centres des sphères n'est pas strictement identique sur les deux pièces.

En pratique, les miracles n'existent pas et cette identité rigoureuse ne peut jamais être réalisée. Le montage direct des deux pièces ne peut donc se faire que moyennant des déformations d'autant plus importantes que l'écart entre les deux distances est plus important ; bien sûr, ces déformations sont provoquées par des forces opposées dont la ligne d'action n'est autre que la droite qui passe par les centres des rotules. L'une des pièces est « étirée » et l'autre « comprimée », sans que l'on puisse déterminer les valeurs algébriques de ces forces.

L'équation excédentaire traduit le fait qu'un mouvement est interdit deux fois ; il s'agit de la translation de la pièce A par rapport à la pièce B dans la direction de la droite qui passe par les centres des deux rotules.

Cette double interdiction correspond à une condition géométrique impérative. En théorie, il est en effet rigoureusement impossible d'assembler les deux pièces A et B si la distance des centres des sphères n'est pas strictement identique sur les deux pièces.

En pratique, les miracles n'existent pas et cette identité rigoureuse ne peut jamais être réalisée. Le montage direct des deux pièces ne peut donc se faire que moyennant des déformations d'autant plus importantes que l'écart entre les deux distances est plus important.

La liaison composée présente un degré d'hyperstaticité,. La liaison composée présente un degré de surabondance.
Une liaison hyperstatique ou surabondante de degré 1 comporte un degré de liaison de plus que ce qu'il faudrait pour assurer exactement la transmission des efforts au bâti ou pour interdire tous les mouvements relatifs indésirables.

Ce degré de liaison excédentaire correspond à une condition géométrique indépendante qu'il faudra traduire traduire en pratique sous forme de prescriptions chiffrées pour que les pièces puissent être assemblées dans de bonnes conditions. La théorie des mécanismes a donc des conséquences directes sur la cotation de position qui définit, sur chaque pièce, les relations entre les surfaces fonctionnelles.

Les conséquences de l'hyperstaticité ou de la surabondance se font surtout sentir en statique, car en général les efforts indéterminés nuisent gravement à la longévité et à la fiabilité des montages. Pour les éviter, il faut usiner les pièces avec une précision d'autant plus grande qu'elles sont moins déformables ; si c'est impossible, il devient impératif de prévoir des éléments de réglage. Dans les deux cas, cela aboutit à des montages plus coûteux, éventuellement plus lourds et plus encombrants, et toujours plus difficiles à entretenir.

Du point de vue des mathématiques, on dira avec plus de précision :
En écrivant l'équilibre de la pièce A par rapport au bâti B, on aboutit à un système de 6 équations linéaires à 6 inconnues.

Ce système est de rang 5 et comporte donc 5 équations principales qui déterminent les valeurs de 5 inconnues principales.

La compatibilité de l'équation non principale impose une condition sur les seconds membres, c'est-à-dire sur les actions directes. Elle correspond à un degré de mobilité, à savoir la rotation de la pièce A par rapport au bâti B autour d'un axe qui passe par les centres des deux rotules.

L'inconnue non principale correspond à un effort indéterminé, donc à un degré d'hyperstaticité ; il est impossible de connaître la force de serrage qui s'exerce entre les pièces, lors du montage, selon la droite qui passe par les centres des rotules. Il existe une condition géométrique à respecter pour permettre l'assemblage : la distance entre les centres des sphères doit être rigoureusement identique sur les deux pièces.

En écrivant la compatibilité du mouvement de la pièce A par rapport au bâti B, on aboutit à un système homogène de 6 équations à 6 inconnues.

Ce système est de rang 5 et comporte donc 5 équations principales qui déterminent les valeurs de 5 inconnues principales.

L'équation non principale correspond à un mouvement interdit de façon redondante, donc à un degré de surabondance. Il existe une condition géométrique à respecter pour permettre l'assemblage : la distance entre les centres des sphères doit être rigoureusement identique sur les deux pièces.

L'inconnue non principale correspond à un mouvement qui n'est interdit par aucune liaison, donc à un degré de mobilité, à savoir la rotation de la pièce A par rapport au bâti B autour d'un axe qui passe par les centres des deux rotules.

En résumé, la liaison composée de deux rotules dont les centres sont distincts est caractérisée par :
  • un degré de mobilité : la pièce A peut tourner par rapport au bâti B autour d'un axe qui passe par les centres des deux rotules, la liaison est donc incomplète.
  • un degré d'hyperstaticité ou de surabondance : la translation dans la direction de la droite passant par les centres des rotules est interdite deux fois, ce qui rend indéterminées les forces agissant selon cette droite et oblige à respecter une condition géométrique : la distance entre les centres des sphères doit être rigoureusement identique sur les deux pièces.
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Nous avons donc affaire à un pivot hyperstatique d'ordre 1.

Cette liaison peut correspondre, par exemple, au montage d'un arbre sur deux roulements à rouleaux coniques.

[modifier] Définitions, remarques et observations

[modifier] Degrés de liberté

  • On ne doit jamais retrouver les degrés de liberté, sous quelque forme que ce soit, dans les équations d'équilibre en statique ou dans les relations de compatibilité des mouvements en cinématique. Ils ne servent finalement pas à grand chose, c'est pourquoi on peut raconter à leur propos à peu près n'importe quoi (voir la prose journalistique et aussi, hélas, beaucoup de manuels scolaires) sans que cela porte à conséquence.
  • Dans beaucoup d'esprits, le cas du système vis-écrou pose problème. En effet, la vis peut avancer par rapport à l'écrou dans la direction de l'axe et tourner autour de l'axe. Il existe donc deux mouvements relatifs possibles mais ces mouvements ne sont pas indépendants puisque la vitesse de translation et la vitesse de rotation sont toujours liées. La liaison hélicoïdale introduit 5 degrés de liaison et un seul degré de liberté.

[modifier] Degrés de mobilité

  • un degré de mobilité correspond à un mouvement indépendant d'une pièce ou d'un groupe de pièces.

Dans l'exemple ci-dessous, sous réserve évidemment que les liaisons n'arrivent pas en butée, il existe 3 degrés de mobilité : la rotation de la pièce « rouge » autour de l'axe A qui passe par les centres des rotules 1 et 2, la rotation de la pièce « bleue » autour de l'axe B qui passe par les centres des rotules 2 et 3, mais aussi la rotation simultanée des pièces « rouge » et « bleue » autour de l'axe C qui passe par les centres des rotules 1 et 3. Cette dernière rotation subsiste, par exemple, si l'on remplace la rotule 2 par une soudure.



Les trois vitesses de rotations sont absolument indépendantes les unes des autres, elles peuvent prendre n'importe quelle valeurs et se produire séparément ou simultanément.

  • Il est absolument impossible de trouver le nombre des degrés de mobilité des pièces en utilisant les degrés de liberté introduits par les liaisons.

[modifier] Degrés d'hyperstaticité

  • Un degré d'hyperstaticité est nécessairement accompagné d'une condition géométrique correspondante. Imposer une condition géométrique n'a de sens que si on peut la mesurer. Les conditions géométriques complexes se ramènent toujours à deux sortes de conditions géométriques élémentaires dont chacune est relative à une distance ou à un angle. Par exemple, la perpendicularité d'un axe avec un plan représente deux conditions élémentaires, puisqu'il faut vérifier que l'angle de l'axe et du plan est droit dans deux directions différentes. Le parallélisme de deux plans suppose que l'on mesure les distances a, b et c de trois points d'un plan par rapport à l'autre et que l'on vérifie que a = b = c, ce qui fait deux conditions ; si de plus la distance des deux plans est imposée, cela fait une troisième condition. Pour vérifier qu'un point se trouve bien sur un axe, il faut effectuer deux mesures. Et ainsi de suite ...
  • Il est absolument impossible de trouver le nombre des degrés d'hyperstaticité des pièces en utilisant les degrés de liberté introduits par les liaisons.
  • Une liaison en chaîne continue ouverte n'est jamais hyperstatique.
  • Dans une chaîne continue fermée, le degré d'hyperstaticité ne peut pas dépasser 6.

[modifier] Expression des résultats d'une étude

Attention ! On comprend facilement que la température d'un objet ne doit pas dépendre du thermomètre qui a servi à la mesurer. De même, les propriétés d'un mécanisme dépendent de ce mécanisme lui-mêmes et absolument pas de la façon dont on l'a étudié ni des outils que l'on a utilisés pour l'étude.

On ne doit jamais tirer des conclusions du style « la pièce A tourne autour de l'axe Ox », mais par exemple « la pièce A tourne par rapport au bâti B autour de l'axe qui passe par les centres des rotules 1 et 2 », « la pièce A coulisse par rapport à la pièce C dans la direction parallèle au plan de l'appui linéaire rectiligne 1 et à l'axe de la liaison linéaire annulaire 2 », etc.

Il peut en résulter un intéressant exercice de langue française qui, lorsqu'il est réussi, prouve que son auteur a parfaitement compris son sujet.

[modifier] Hypostatisme

Et pourquoi pas « hypercinétisme », tant qu'à faire ?

Pas besoin de faire un long discours, cette « notion » n'a aucun intérêt et l'utiliser ne peut que semer le trouble dans les esprits. Il faut l'éradiquer d'urgence.

[modifier] Généralisation aux mécanismes complexes, formule fondamentale

D'une manière générale, un mécanisme comporte p pièces liées par a liaisons simples ou assimilées introduisant un nombre total Ns de degrés de liaison (ou Nc = 6a - Ns degrés de liberté, mais ce nombre n'a guère d'importance.


étude générale en statique étude générale en cinématique
L'équilibre des p pièces conduit théoriquement à écrire un système de 6p équations linéaires à Ns inconnues. La compatibilité des mouvements des p pièces avec les liaisons conduit théoriquement à écrire un système homogène de Ns équations linéaires à 6p inconnues.
En pratique, les nécessités du paramétrage imposent souvent d'écrire un nombre λ d'équations et d'inconnues supplémentaires, de sorte que l'on a finalement :
  • 6p + λ équations
  • λ inconnues
En pratique, les nécessités du paramétrage imposent souvent d'écrire un nombre µ d'équations et d'inconnues supplémentaires, de sorte que l'on a finalement :
  • Ns + µ équations
  • 6p + µ inconnues
En statique comme en cinématique, les degrés de liberté introduits par les liaisons ne correspondent ni à des équations, ni à des inconnues, mais à de simples paramètres mis hors jeu par leur nature même.
Le rang du système d'équations est rs, il y a donc :
  • rs équations principales, qui permettent de tirer rs inconnues principales.
  • d = 6p + λ - rs équations non principales qui doivent être rendues individuellement compatibles avec le système.
  • h = Ns + λ - rs inconnues non principales.
Le rang du système d'équations est rc, il y a donc :
  • rc équations principales, qui permettent de tirer rc inconnues principales.
  • h = Ns + µ - rc équations non principales.
  • d = 6p + µ - rc inconnues non principales.
On trouve forcément les mêmes valeurs pour :
  • d : c'est le degré de mobilité global du mécanisme
  • h : c'est le degré d'hyperstaticité ou de surabondance du mécanisme


d et h ne sont JAMAIS négatifs !!!


On élimine rs entre les nombres d'équations et d'inconnues

rs = 6p + λ - d = Ns + λ - h

d'où h = Ns - 6p + d

On élimine rc entre les nombres d'équations et d'inconnues

rc = Ns + µ - h = 6p + µ - d

d'où h = Ns - 6p + d

On arrive évidemment à la même relation dans les deux cas :


h = Ns - 6p + d


Cette formule générale est un instrument essentiel dans beaucoup d'études de mécanismes. Elle ne remplace pas d'autres outils, dans la mesure où elle permet de compter les degrés mais sans en préciser la nature. Elle est absolument fondamentale dans les processus de création de mécanismes nouveaux.

Il faut aussi noter que pour un mécanisme donné, si le degré d'hyperstaticité varie d'une certaine quantité, le degré de mobilité varie également de la même quantité.



[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • R. Le Borzec, J. Lotterie, Principes de la théorie des mécanismes, Dunod (1975)