Théorèmes de Dini

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En topologie, les théorèmes de Dini énoncent des conditions sous lesquelles la convergence simple implique la convergence uniforme. Ce théorème porte le nom du mathématicien italien Ulisse Dini (14 novembre 1845 - 28 octobre 1918)

Sommaire

[modifier] Énoncés des théorèmes de Dini

Les espaces de fonctions réelles peuvent être munis de topologies différentes, à lesquelles sont associées des notions différentes de convergence de fonction, dont la convergence simple et la convergence uniforme :

  • La convergence simple et la convergence uniforme ne nécessitent aucune structure particulière sur l'ensemble de définition. La convergence simple est en général plus facile à obtenir que la convergence uniforme. Malheureusement, elle ne préserve pas la continuité : la limite simple de fontions continues définies sur un espace topologique n'est pas continue en général.
  • La convergence uniforme se définit pour des suites de fonctions définies sur un espace quelconque, à valeurs dans un espace métrique (ou plus généralement, dans un espace uniforme, comme un groupe topologique). Plus difficile à prouver, la convergence uniforme offre l'avantage de préserver la continuité : la limite uniforme de fonctions continues à valeurs dans un espace métrique est continue.

La convergence uniforme implique la convergence simple, mais l'inverse est faux dès que l'espace de départ est infini. Les théorèmes de Dini donnent des conditions sous lesquelles la convergence simple d'une suite de fonctions réelles implique sa convergence uniforme. Ce sont donc des outils très efficaces en pratique pour prouver qu'une suite de fonctions converge uniformément. Les théorèmes de Dini demandent que l'espace de départ possède une structure particulière, et que l'espace d'arrivée soit \R.

Le premier théorème de Dini peut être vu comme une version pour les intégrales de Riemann du théorème de convergence monotone.

[modifier] Premier théorème

Le premier théorème s'énonce :

La convergence simple d'une suite monotone de fonctions définies et continues sur un espace topologique compact vers une fonction continue implique sa convergence uniforme.

Formellement, on dispose d'un espace topologique X, d'une suite de fonctions (f_n:X\rightarrow \R), et on fait les hypothèses suivantes :

  1. Continuité : Les fonctions fn et la fonction f sont continues sur X ;
  2. Monotonie : la suite (fn) est soit croissante (\forall n\in\N, \forall x\in X, f_n(x)\leq f_{n+1}(x)), soit décroissante (\forall n\in\N, \forall x\in X, f_{n+1}(x) \leq f_n(x)) ;
  3. Compacité : X est compact et donc de tout recouvrement ouvert de X on peut extraire un sous-recouvrement fini.
  4. Convergence simple : Pour tout x de X, la suite de réels (fn(x)) converge simplement vers f(x).

On en déduit alors que la suite (fn) converge uniformément sur X vers f.

[modifier] Deuxième théorème

Le deuxième théorème de Dini s'énonce ainsi :

La convergence simple d'une suite de fonctions réelles d'une variable réelle définies et croissantes sur un intervalle [a,b] de R vers une fonction continue sur [a,b] implique la convergence uniforme.

Formellement, on dispose d'un intervalle [a,b] de \R et d'une suite (f_{n})_{n \in \N}\, de fonctions (non-nécessairement continues) de [a,b] dans \R . On fait les hypothèses suivantes :

  1. Continuité : La fonction f est continue ;
  2. Monotonie : Pour tout entier n et pour tout couple (x,y) tel que a\leq x\leq y\leq b, on a : f_n(x)\leq f_n(y) ;
  3. Convergence simple : Pour tout x de [a,b], la suite de réels (f_{n}(x))_{n}\, converge simplement vers f\,(x).

On en déduit que la suite (f_{n})_{n}\, converge uniformément sur [a,b] vers la fonction f\,.

[modifier] Convergence uniforme des fonctions de répartitions

Le deuxième théorème de Dini possède un corrolaire précieux en probabilités et en statistique:

Une suite de fonctions de répartition qui converge simplement sur R vers une fonction de répartition continue F, converge uniformément vers F sur R.

En conséquence, la convergence uniforme des fonctions de répartitions a lieu dans le cas du théorème de la limite centrale, où la fonction de répartition limite est celle de la loi normale, et est, à ce titre, continue. Cela a des conséquences non anecdotiques en probabilités et statistique, comme, par exemple, le théorème de la limite centrale pour la médiane, ou bien le théorème de la limite centrale pour les processus de renouvellement.

[modifier] Démonstrations

Les démonstrations proposées reprennent les notations introduites ci-dessus.

Bien que connu sous le nom de deuxième théorème de Dini dans l'enseignement francophone, il semble qu'en fait ce théorème soit dû à Pólya[1].

[modifier] Du premier théorème

Supposons la suite (fn) croissante (si elle est décroissante, on se ramène au cas croissant en remplaçant les fonctions fn et f par leurs opposées). La croissance implique que pour tous entiers n<m et pour tout point x de X, on a f_n(x)\leq f_m(x). Par passage à la limite simple dans les inégalités, on obtient :

\forall n\in\N, \forall x\in X, f_n(x)\leq f(x).

Fixons un nombre réel ε > 0 et considérons les ensembles V_n(\epsilon)=\{x\in X,\ f_n(x)>f(x)-\epsilon\}. Par continuité des fonctions fn et f, ces ensembles sont des ouverts (en fait il suffirait de supposer les fn semi-continues inférieurement et f semi-continue supérieurement). La convergence simple de (fn) vers la fonction f se traduit par :

 
X \subset \bigcup_{n \in \N} V_{n}(\epsilon)

Comme X est compact, on peut extraire un sous-recouvrement fini ; il existe donc un entier Nε tel que :

 
X \subset \bigcup_{n \leq N_\epsilon} V_n(\epsilon)

Par monotomie, la suite Vn(ε) est croissante. Il vient donc :

X=V_{N_\epsilon}(\epsilon)

A nouveau en utilisant l'hypothèse de monotonie,

\forall n\geq N_\epsilon, f_n(x)\geq f_{N_\epsilon}(x)\geq f(x)-\epsilon.

Donc la convergence de fn(x) vers f(x) est uniforme en x.

[modifier] Du deuxième théorème

Soit un réel ε > 0. La fonction f est non seulement continue et bornée (par hypothèse) mais aussi croissante (comme limite simple de fonctions croissantes). En choisissant

k>{f(b)-f(a)\over\epsilon},

il existe une subdivision

a_0=a< a_1<\dots< a_{k-1}<b=a_k

de I telle que

\forall i=0,\ldots,k-1, f(a_{i+1})-f(a_i)<\epsilon.

Pour tout x\in I, soit i tel que a_i\leq x\leq a_{i+1}. La croissance de f et des fn et le choix de la subdivision impliquent (pour tout entier n)

f_n(x)-f(x)\leq f_n(a_{i+1})-f(a_i)<f_n(a_{i+1})-f(a_{i+1})+\epsilon

et

f_n(x)-f(x)\geq f_n(a_i)-f(a_{i+1})>f_n(a_i)-f(a_i)-\epsilon.

Par convergence simple, il existe un entier Nε tel que \forall n\geq N_\epsilon,\forall i=0,\dots,k, |f_n(a_i)-f(a_i)|<\epsilon.

Les inégalités précédentes donnent alors : \forall n\geq N_\epsilon,\forall x\in I, |f_n(x)-f(x)|< 2\epsilon.

Donc la convergence de fn(x) vers f(x) est uniforme en x.

[modifier] De la convergence uniforme des fonctions de répartitions

Notons (Fn)n la suite de fonctions de répartition qui converge vers F. Pour x\in]0,1[, posons, par exemple:

g(x)=\tan(\pi(x-{1\over 2})),

puis

f_n(x)=F_n\circ g(x),
f(x)=F\circ g(x).

Posons aussi:

f_n(0)=f(0)=0,\,
f_n(1)=f(1)=1.\,

Ainsi

  • fn est croissante sur [0,1], parce que Fn et g sont croissantes (sur \R et ]0,1[, respectivement) ;
  • fn converge simplement vers f sur ]0,1[, parce que Fn converge simplement vers F sur \R ;
  • par propriété des fonctions de répartition, et comme la limite de g en 0 (resp. en 1) est -\infty (resp. +\infty), on en déduit que f est continue en 0 et en 1 ;
  • f est continue sur ]0, 1[ comme composée des fonctions continues F et g.

Ainsi fn converge uniformément vers f en vertu du deuxième théorème de Dini. La convergence uniforme de Fn vers F en découle.

[modifier] Notes et références

  1. Pólya-Szegö, Problems and Theorems in Analysis

[modifier] Voir aussi