Tevildo

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Tevildo est le nom d'un personnage particulier dans l'œuvre de Tolkien : Le Livre des contes perdus. Il s'agit d'un récit aléatoire et différent de l'histoire de Beren et Luthien présentée dans le Silmarillion, qui fait intervenir des personnages supplémentaires.

« Maintenant Tevildo était un chat puissant – le plus puissant de tous – et possédé par un esprit maléfique, comme le disent certains, et il était constamment dans la suite de Melko (…) Il était un chat (…) noir comme le charbon et maléfique à voir. Ses yeux étaient longs et très étroits et bridés, et luisaient et de rouge et de vert, mais ses grandes moustaches grises étaient épaisses et acérées comme des aiguilles. Son ronronnement était comme un roulement de tambours et son grognement comme le tonnerre, et quand il hurlait de colère il glaçait le sang. » (LCP, p301-302)

Sommaire

[modifier] L'histoire selon les Contes perdus

Tevildo apparaît dans l'histoire de Beren et Luthien, couple fameux engagé dans la quête d'un Silmaril incrusté dans la couronne de fer du Valar du mal : Melkor. Un humain, Beren, pour conquérir la main de la fille du roi elfe Thingol, qui n'est autre que Luthien, a promis dans un élan de bravoure de revenir avec l'un de ces trois joyaux pour lesquels se battent les elfes depuis des siècles ; depuis que, conduits par Fëanor, ils ont quitté le royaume des dieux pour la Terre du Milieu.

Or Beren n'a pratiquement aucune chance de réussir sa quête seul. Il est vite capturé par les orcs de Sauron et enfermé dans une sombre tour. Luthien pressent que son amant est en danger et conçoit de la peine à le savoir prisonnier par amour pour elle. Elle quitte alors son royaume pour le délivrer et y parvient avec l'aide d'un chien géant, Huan, chef d'une meute en guerre contre les orcs et leurs alliés... les chats.

Les trois compagnons poursuivent leur route vers le palais de Melkor (ou Morgoth), loin dans le nord. Sur leur chemin se dresse la demeure des chats, alors bien plus grands et puissants que nos chats domestiques. Tevildo et deux de ses congénères, Oikreroi et Miaüle, accueillent Luthien, venue seule leur annoncer qu'elle a vu leur ennemi juré, Huan, blessé dans un bois. Trop heureux de se débarrasser de lui, les chats donnent dans le piège et sont vaincus. Tevildo, acculé en haut d'un arbre dans l'allégorie d'une scène que nous connaissons bien, révèle sous la contrainte à Huan la formule magique à l'origine de la force des chats, œuvre de Melkor, et qui une fois prononcée par Huan fit régresser les pauvres félidés jusqu'à une taille négligeable. De cette époque date la supériorité physique des chiens sur les chats... mais ils grimpent toujours aux arbres.

Il est possible que Tevildo, lui, ait gardé son ancienne apparence et que seuls les chats de son armée aient régressé. En effet, si Tevildo est un Maiar, comme certains l'affirment (« esprit maléfique ayant pris les traits d’un chat »), il n'a besoin d'aucun sortilège pour son apparence.

À la suite de cet épisode abandonné par Tolkien, les trois compagnons continuèrent leur route jusqu'au palais de Melkor. Ils réussirent à l'endormir et à lui ravir le Silmaril grâce aux pouvoirs envoûtants de Luthien, au son de sa flûte. Mais il fut arraché, avec la main de Beren, par le gardien du palais : le loup Carcharoth.

[modifier] Le symbole chez Tolkien : la perversion maléfique

Cet épisode s'insère dans une logique fort manichéenne de J.R.R. Tolkien : l'opposition entre les forces du mal et celles du bien. Mais il ne conçoit le mal que comme une dégénérescence, une corruption des œuvres de la nature.

Ainsi, chez Tolkien, tout est histoire de corruption. Les Orcs sont les formes corrompues des Elfes, les Gobelins des Nains, les Trolls des Ents, les Dragons auraient été créés à partir d'aigles (du moins pour les volants), les loups et loups-garous seraient des formes corrompues et maléfiques des chiens, Golum est celle des Hobbits. Les Balrog eux-mêmes sont des Maiar corrompus par la force de persuasion de Melkor. Seuls les Humains possèdent les deux natures et sont corruptibles sans avoir à changer d'apparence.

Dans ce cadre, il est possible de penser que Tevildo et ses congénères sont issus de la corruption des chats. En effet, leur taille imposante et leur force font plutôt penser à des lions. Or on sait, en lisant Le Seigneur des Anneaux, que les terres du sud (Mordor, Harad et Khand) restent profondément soumises à l'influence du mal. Ces terres symbolisant l'Afrique (Oliphant), on conçoit aisément l'idée de l'auteur : les lions subsistent, mais dans les terres encore corrompues par le mal. Au nord de la Terre du milieu, ils ont disparu ou plutôt ils sont redevenus des chats.

Il n'en reste pas moins l'idée que les chats gardent leur côté sournois et maléfique, même inoffensifs. Le chat reste dans l'imaginaire collectif un animal inquiétant, rusé, magique. Il accompagne les sorcières, porte parfois malheur, sort de préférence la nuit. Ses griffes rétractables symbolisent la persistance de cette double nature, au moins autant que leur contact privilégié avec les humains, pour lequel la concurrence demeure avec les chiens.

[modifier] Le prédécesseur de Sauron ?

L'idée de Tolkien s'enracine donc dans cet imaginaire collectif, populaire, qui sert si bien l'ensemble de son œuvre. Mais nous ne saurons jamais si Tevildo aurait gardé toute sa place dans l'œuvre inachevée de Tolkien, qu'il n'a pas eu le temps de reprendre.

Or, il est possible que le personnage de Tevildo ait souffert de l'irruption d'un personnage autrement plus important : Sauron. La version du Silmarillion nous montre la lutte engagée entre Huan et Sauron, métamorphosé en un horrible loup-garou. Vaincu mais toujours en vie, Sauron s'enfuit rejoindre son maître.

Certains critiques de l'œuvre de Tolkien pensent que Tevildo devait être une forme anciennement pensée par l'auteur du fidèle second du prince du mal. Mais le chat cadrait mal avec l'histoire du Seigneur des Anneaux, qui sort du conte pour enfants, et nécessitait un être maléfique mais à forme humaine (du moins au Second Age) afin de séduire les elfes qui fabriquèrent les anneaux. Et de toute façon, un chat ne peut porter un anneau pour des raisons pratiques...

Précurseur de Sauron? Peut-être. Mais rien ne semble toutefois empêcher la coexistence de ces deux personnages dans une version réactualisée que, malheureusement, Tolkien ne put mener à bien. Cela laisse aux lecteurs le soin d'imaginer cette version.

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