Tabaimo

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Tabaïmo, née en 1975, est une artiste japonaise

[modifier] Quelques repères :

  • en 1999 elle se voit décerner le Kirin Contemporary Award.
  • en 2001, elle est la plus jeune artiste invitée à la triennale de Tokyo. Elle entame ensuite une carrière internationale.
  • l'exposition à la fondation Cartier à l'automne 2006 est sa première exposition personnelle en Europe.

Les moyens d'expression de Tabaïmo sont multiples : le dessin (parfois même directement appliqué sur les murs), l'animation, et l'installation (comprenant en général une animation et un fond sonore).

Tabaïmo travaille sur la mise en abîme, et filme parfois les spectateurs en train de regarder ses installations, afin de les rediffuser lors d'expositions suivantes sous forme d'autres installations, dont la spécificité est alors que les écrans diffusent les installations précédentes avec leur mise en situation.

Les animations présentent la plupart du temps différents plans ou scènes s’enchaînant, où l’on trouve des images ou des codes visuels étroitement liés à la culture japonaise, mais la plupart du temps détournés pour créer un malaise.

[modifier] Exemples d'animation :

  • des sumos combattent très brièvement avant de s’embrasser et qu’un des 2 protagonistes disparaisse, comme avalé par l’autre,
  • une femme en costume japonais traditionnel s’accroupit pour faire ses besoins naturels , qui prennent la forme du drapeau japonais…
  • pendant qu’un homme manie le sabre, un autre dont la gorge a été tranchée se recoud la gorge,
  • dans un train de banlieue des événements étranges arrivent dans l'indifférence générale
  • Une ville déshumanisée génère les émanations fantomatiques de ses habitants

Tous les films semblent faire passer le même message, dans l'esprit « il y a quelque chose de pourri au pays du soleil levant ». Peut-être que le téléscopage d’une tradition culturelle ancienne et encore très prégnante et d’un mode de vie moderne dans un pays où l’évolution industrielle et technologique a été énorme depuis quelques décennies a créé des traumatismes que Tabaimo essaye d’exorciser ?

[modifier] Oeuvre : “Japanese Commuter Train, 2001“ :

  • film de 8 minutes passé en boucle sur 6 écrans.
  • ces 6 écrans sont disposés en 2 parties de chaque côté du couloir, avec un effet de perspective accentué dû à leur positionnement
  • la projection reconstitue l’intérieur d’un train de banlieue, où la réalité déraille… le cadre est très réaliste, mais des événements fantastiques s’y produisent (les bras de passagers tombent, une dame s’envole par la fenêtre etc.) et ce, dans l'indifférence générale.
  • l’animation semble découpée en plusieurs saynètes différentes, entrecoupées à chaque fois par l’apparition d’un drapeau japonais où un message s’affiche (titre de la scène à venir ?) comme : n’importe qui peut être une bonne matière ; tenez-vous à la poignée ; sectionnement de queue de lézard ; n’oubliez pas de descendre à votre station ; etc.
  • la musique d’ambiance est également japonaise, mais semble également victime d’une détournement puisque certaines mélodies sont diffusées à l’envers.


Dans cette univers ultra-quotidien « métro-boulot-dodo », il peut advenir n’importe quoi, à vous ou votre voisin, et finalement tout le monde s’en moque. Tabaïmo semble pointer ici de son crayon la naissance d’une forme d’aliénation, d’une indifférence extrême à “l’autre“, dues à un quotidien ultra-balisé et casanier, où il n’y a plus de place pour les sentiments.

A la fin de cette animation, un employé d’une société de nettoyage vient passer le balai, et toute l’animation, pièce par pièce, se « froisse » pour finir sous son balai et laisser les murs blancs. Encore une fois le quotidien (par le biais de la représentation de cet employé) a dévoré l’outil de communication, le témoignage du malaise.


Une autre installation intègre dans une pièce semi-circulaire un casque (à mettre sur les oreilles pour avoir la musique ambiante), ainsi qu'une caméra diffusant un film sur le mur incurvé, en mouvements latéraux de gauche à droite, puis de droite à gauche. Le film montre d'abord une ville, avec ses détails architecturaux, puis les personnages habitant ce quartier, sous la forme de silhouettes vivant chez eux. Nous nous transformons pour l’occasion en voyeurs, et le film étant projeté sous forme d’une image circulaire, c’est comme si nous observions par le bout d’une lorgnette, de jumelles, ou le zoom d’une caméra ou d’un appareil photo. Cela renforce énormément cette impression de voyeurisme. Évidemment cette mise en scène fait irrésistiblement penser au classique d’Alfred Hitchcock Fenêtre sur cour“, où un photographe (joué par James Stewart) cloué sur son fauteuil roulant pour cause de fracture de la jambe, observe les voisins de sa cour d’immeuble par l’objectif de son appareil photo, pénètre leur intimité, et devient ainsi voyeur du quotidien de ses voisins, avant de penser que l’un d’eux a commis un meurtre.

Sur l’animation de Tabaïmo, pas de meurtre, mais sur l’image apparaissent maintenant en saccades, au dessus des bâtiments, comme une sorte de projection holographique, incertaine mais géante, des personnages que l’on observait tout d’abord à l’intérieur des immeuble. Le procédé les fait paraître flous, incertains, comme d’immenses ectoplasmes surplombant la ville. Leur attitude semble triste et résignée, figée dans les gestes du quotidien, comme s’ils n’étaient plus que des fantômes désincarnés, dernière émanation de figures déshumanisées.

Cette œuvre (comme la plus grande partie de son travail) est évidemment une critique sociale du japon, où le modèle économique jadis cité en exemple fait apparaître depuis des années déjà les laissés pour compte, ceux qui n’on pas pu prendre “l’ascenseur“ social. (Sans compter que pour ceux qui ont réussi, la pression professionnelle est incroyablement forte.)

Tous semblent avoir perdu leur âme, qui s’envole au dessus de la ville sous forme de spectres incertains, du moins c’est ce que Tabaïmo semble nous montrer.