Serve the servants

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Serve the servants est le 1er titre de l'album In Utero du groupe Nirvana ; il dure 3 minutes 39 secondes.

Loin de ressembler à une expérience sur les limites sonores du punk, Serve the servants est l'un des titres les plus rock'n'roll que Nirvana ait jamais enregistré.

Enfourchant un riff lent et solide que n'aurait pas renié le Crazy Horse de Neil Young, Kurt Cobain, qui semble songeur et malicieusement réservé, offre quelques commentaires affûtés sur l'ascension de son groupe vers les sommets de la pop.

Dans Serve the servants, il professe une vision plus ironique et détachée des critiques, des fans et de lui-même. Cobain s'attaque aussi aux « juges autoproclamés », à tous ceux qui trouvent normal de les critiquer, lui et le groupe, sans jamais se demander ce que ça peut être de prendre soi-même un quelconque risque.

Bien que Kurt Cobain se fût lassé des feux des médias et eût feint de ne plus s'intéresser à ce que l'on disait de lui, il se tenait au courant presque maladivement de cette couverture médiatique.

Loin d'être un punk blasé, Kurt Cobain était toujours au fond de son coeur le garçon sorti d'un petit bourg qui n'arrivait toujours pas à croire que son nom apparaissait dans les journaux des grandes villes.

« J'ai essayé de l'empêcher de lire les articles qui le concernaient. Je ne lui achetais plus de magazines. Mais il se les procurait en douce. Il était accro. Chaque remarque, chaque caricature, chaque référence... C'était quelqu'un qui ne pouvait pas supporter d'être mal paraphrasé, alors être la référence culturelle pour tous les putains de truc qui existaient... Et c'était quelqu'un qui était passé inaperçu presque toute sa vie. Il voulait être populaire, il voulait plaire. », expliqua Courtney Love dans Rolling Stone, lors d'une interview en 1994

Pour protester contre le traitement dont Courtney Love avait fait l'objet dans la presse, Kurt Cobain se servit dans les paroles de Serve the servants de l'image de la chasse aux sorcières (ce qu'il ferait également dans Frances Farmer will have her revenge on Seattle).

Un vers du premier couplet fait référence à la pratique du bain public, par laquelle la femme suspectée d'être une sorcière était mise à l'épreuve. Parce que l'on croyait que les sorcières étaient faites de bois, on supposait qu'elles flotteraient à la surface de l'eau, alors qu'une femme se contenterait de se noyer. C'était un peu comme l'épreuve d'un procès journalistique : on ne pouvait pas gagner.

Dans les vers les plus personnels de la chanson, Kurt Cobain parle d'une enfance douloureuse, durant laquelle il voulait son père, mais n'eut qu'un papa. Immédiatement après, Kurt Cobain s'adresse directement à son père, Don Cobain, auquel la chanson dit : « Je ne te hais plus ». Comme le texte semble l'indiquer, il ne s'agissait pas tant d'une relation mouvementée que d'une relation inexistante. Kurt Cobain avait vécu avec la nouvelle famille de son père après le divorce de ses parents, et n'y avait pas trouvé sa place.

Après son départ, père et fils étaient devenus des étrangers. Don se tint au courant de la carrière de son fils et, après sept ans de séparation, reprit contact avec Kurt à Seattle, après un concert humanitaire auquel Nirvana participait. Tous deux eurent une conversation courte et cordiale, et Don rencontra Courtney et Frances Bean. Il ne revit jamais son fils après ce soir-là.

Dans une interview de 1994, David Fricke demanda à Kurt Cobain si la partie concernant le père dans Serve the servants avait un rapport avec des inquiétudes que Kurt Cobain pouvait avoir au sujet de sa propre paternité.

« Non, ça ne m'inquiète pas le moins du monde. Mon père et moi sommes totalement différents. Je sais que je suis capable de faire preuve de beaucoup plus d'affection qui lui ne le pouvait... Je ne laisserais jamais Courtney et moi nous placer dans une situation où il existerait de mauvaises vibrations entre nous deux devant Frances. Ce genre de choses peut vraiment faire du mal à un enfant, mais la raison pour laquelle ça arrive est que les parents ne sont pas très malins. », répondit Kurt Cobain.

Même si la chanson affiche un certain mépris pour ceux qui, d'après lui, s'étaient chargés de le juger, il écarte par ailleurs l'idée que ces juges pouvaient au départ avoir été attirés vers lui par quelque mystique.

« Le divorce proverbial est si fatigant », soupire-t-il dans le refrain, à l'évidence las de voir son enfance analysée en détail dans une recherche systématique d'un sens profond. (extrait de Nirvana l'intégrale de Chuck Crisafulli).