Sarcome d'Ewing

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Sarcome d'Ewing
CIM-10 : (ICD-O 9260/3)
Radiographie d'un enfant atteint d'un sarcome d'Ewing du tibia
Radiographie d'un enfant atteint d'un sarcome d'Ewing du tibia

Le sarcome d'Ewing est une forme de cancer des os qui touche principalement les enfants et les jeunes adultes (la moyenne d'âge est de 13 ans). Il concerne 10% des tumeurs osseuses primaires. C'est une tumeur rare touchant 2 à 3 personnes par million d'habitants par an. Les sarcomes d'Ewing extra-osseux sont très rares.

Cette tumeur osseuse de l'adolescent est plus fréquente chez les garçons et beaucoup plus fréquente chez les sujets blancs que chez les noirs. Les cellules responsables sont celles du mésenchyme, un tissu conjonctif qui sert de soutien aux autres tissus[1].

Le risque de métastase est important. Au moment du diagnostic, 25% des patients présentent déjà une dissémination métastatique (40% aux poumons, 30% aux os, notamment la colonne vertébrale, 10% dans la moelle osseuse). Compte tenu de la rareté de cette pathologie et de sa gravité, la prise en charge doit avoir lieu dans un service hautement spécialisé.

Sommaire

[modifier] Historique

C'est en 1921 que James Ewing (1866-1943) décrit cette tumeur en la distinguant des lymphomes et autres types de cancer connus à cette époque. Le terme de "sarcome" est en fait impropre, il s'agit d'une tumeur neuroectodermique primitive (primitive neuroectodermal tumor ou PNET).

C’est à l’Institut Curie qu’a été découverte, en 1984, et caractérisée, en 1992 par l'équipe dirigée par Olivier Delattre, directeur de l'Unité Inserm 830[2], la translocation chromosomique responsable de la synthèse d'une protéine anormale, montrant que cette tumeur était due à un échange accidentel de matériel génétique entre les chromosomes 11 et 22, les deux gènes cassés et recollés de façon anormale aboutissaient à la naissance d'un gène muté dirigeant la mise en place d'un programme aberrant. Cette découverte permit la mise au point, en 1994, d'un test-diagnostic de la tumeur d'Ewing, mais les cellules au sein desquelles se produisait l'échange restaient inconnues (endothéliale, neurale, épithéliale, etc).

En 2007, la même équipe, en collaboration avec l'Inserm de Tours, démontre qu'il s'agit des cellules formant le mésenchyme et réussi à transformer une cellule tumorale en cellule normale. Après avoir mis en culture des cellules de la tumeur, ils réussissent à « forcer » les cellules tumorales à retrouver leur statut d'origine. Ils ont ainsi découvert qu'ils s'agit de cellules souches mésenchymateuses capables de se différencier normalement en cellules soit osseuses, soit graisseuses. Cette découverte ouvre la voie à la création d'un modèle animal pour la recherche d'un traitement[3]. Il va devenir possible de les rendre moins agressives et de s'opposer à leur prolifération.

En trente ans, le traitement a beaucoup évolué. Initialement axé sur la radiothérapie, il passe aujourd'hui par la chimiothérapie et l'exérèse de la tumeur au prix de possibles séquelles motrices.

[modifier] Épidémiologie

Le sarcome d'Ewing est une tumeur rare. Elle est exceptionnelle dans la population d'origine africaine. Elle touche principalement le sujet jeune, avec 90 % des patients de moins de 20 ans et un âge médian de 14 ans. L'incidence est de 3/1.000.000.

[modifier] Étiologie

Le mécanisme physiopathologique du sarcome d'Ewing est maintenant bien connu. Le mécanisme le plus souvent retrouvé est une translocation t(11,22) responsable de l'apparition d'une protéine de fusion nommée EWS-FLI1. Cette anomalie est retrouvée dans 85 % des tumeurs d'Ewing. Pour les 15% restantes, il s'agit d'une translocation t(21;22) donnant lieu à la synthèse d’une protéine anormale EWS-ERG.

Dans les deux cas la protéine anormale entraîne une activation continue du récepteur membranaire IGF-1, responsable de la prolifération cellulaire.

À l'adolescence, au moment de la poussée de croissance, les cellules normales sont soumises à une intense signalisation par l'hormone de croissance et par l'IGF (insuline growth factor). Dans la tumeur d'Ewing, ces cellules perdent leur capacité d'être régulées par l'IGF d'où une prolifération anarchique.

[modifier] Diagnostic

[modifier] Observations cliniques

Les symptômes les plus fréquents sont le gonflement de la zone touchée ainsi que des douleurs.

Les tumeurs peuvent se développer partout dans le corps, mais c'est principalement au niveau des os des membres inférieurs (bassin, fémur, tibia, péroné) à proximité desquels elles apparaissent. Le fémur, suivi du tibia et de l'humérus sont d'autres os particulièrement touchés.

Cette atteinte se traduit par une douleur à la marche et une tuméfaction. Lorsqu'elle est située sur les côtes, le patient se plaint d'une masse douloureuse.

30 % des patients, lorsque le cancer est détecté, présentent déjà des métastases au niveau des poumons et de la moelle osseuse.

[modifier] Imagerie médicale

Le sarcome d'Ewing concerne principalement la diaphyse des os longs. On retrouve des lésions ostéolytiques avec réaction périostée. La radiographie standard est complétée par un CT et/ou une IRM.

[modifier] Anatomo-pathologie

L'analyse anatomo-pathologique du sarcome d'Ewing retrouve une prolifération de petites cellules tumorales rondes sans production osseuse. Il s'agit de cellules indifférenciées à noyaux hyperchromatiques. Il s'agit d'une tumeur neuro-ectodermique osseuse ou extra osseuse. Le terme de sarcome (origine mésenchymateuse) est donc impropre.

L'examen cytogénétique montre :

  • une translocation spécifique t(11 ;22), plus rarement t(21 ;22) ou autres permet de confirmer le diagnostic dans plus de 90% des cas.
  • La protéine synthétisée MIC2 est responsable de la transformation tumorale.
  • Le proto-oncogène c-myc est exprimé dans le sarcome d'Ewing, ce qui n'est pas le cas du neuroblastome.

[modifier] Bilan pré-thérapeutique

Le bilan préthérapeutique est parfaitement standardisé. il comporte :

  • Biopsie chirurgicale pour histologie et biologie moléculaire (voire protocole euro-ewing) ;
  • Deux biopsies ostéo-médullaires et 10 myélogrammes ;
  • Radiographie et IRM de la lésion primitive ;
  • Scintigraphie osseuse (rares localisations secondaires osseuses) ou TEP scan ;
  • TDM si os plat ou lésion pelvienne ;
  • TDM thoracique à la recherche de métastases pulmonaires.

[modifier] Diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel histologique inclut le rhabdomyosarcome, le neuroblastome et les lymphomes.

[modifier] Traitements

La qualité du traitement repose d'abord sur une prise en charge dans un service hautement spécialisé. A tous les stades de la maladie, l'inclusion dans un protocole de recherche permet d'offrir au malade les traitements les plus adaptés. Le traitement se passe généralement comme suit : d'abord une chimiothérapie pour réduire la taille de la tumeur et éviter le risque de multiplication par métastase, puis une chirurgie si la localisation précise de la tumeur est possible. Une intensification thérapeutique avec autogreffe peut être nécessaire. L'intervention est suivie de chimiothérapie préventive ou d'une radiothérapie locale.

[modifier] Méthodes thérapeutiques

[modifier] Chimiothérapies

Les drogues suivantes sont habituellement efficaces dans les sarcomes d'Ewing : vincristine, actinomycine, cyclophosphamide ifosfamide, VP16, adriamycine le protocole EuroEwing compare la toxicité et l'efficacité en entretien de l'ifosfamide et de la cyclophosfamide (VAI vs VAC). VIDE

  • Vincristine 1.5 mg/m² J1
  • Ifosfamide 2 g/m²/j J1 J2 J3
  • Doxorubicine 20 mg/m²/j J1 J2 J3
  • Etoposide 150 mg/m²/j J1 J2 J3

VAI

  • Vincristine 1.5 mg/m² J1
  • Actinomycine 0.75 mg/m²/j J1 J2
  • Ifosfamide 2 g/m²/j J1 J2

VAC

  • Vincristine 1.5 mg/m² J1
  • Actinomycine 0.75 mg/m²/j J1 J2
  • Cyclophosphamide 1500 mg/m² J1

Intensification Busulfan melphalan

[modifier] Stratégie thérapeutique

Le groupe Euro-Ewing définit une prise en charge standardisée à chaque stade de la maladie pour les sarcomes d'Ewing et les PNET (à l'exception des PNET du système nerveux central. Les différentes procédures de prise en charge dépendent du groupe pronostic (défini plus bas). Trois groupes sont définis : groupe 1 : tumeur localisée de bon pronostic groupe 2 : tumeur localisée de haut risque groupe 3 : tumeur métastasée au poumon ou à la plèvre.

Les tumeurs métastatiques ailleurs qu'au poumon et à la plèvre sont de mauvais pronostic; Il n'existe pas d'essai randomisé pour ce stade.

[modifier] Tumeur localisée de bon pronostic (groupe 1)

(...)

[modifier] Pour le futur

La découverte récente de l'équipe de l'unité Inserm 830 va permettre la mise au point de traitements qui selon Olivier Delattre « agiraient par exemple contre la signalisation par l'IGF 1 ». Comme la signalisation de l'IGF 1 est fréquemment altérée dans d'autres tumeurs, l'industrie pharmaceutique pourrait manifester de l'intérêt pour investir dans la recherche de traitements.

[modifier] Pronostic

Le pronostic a été amélioré dans les années 1970 par l’apport de la chimiothérapie. La survie à 5 ans est de 60% pour les tumeurs localisées, alors qu'elle est de 20 % pour les tumeurs métastatiques. La survie après le cancer sans récidive est de 65 à 75 % lorsque la tumeur est traitée avec de la chimiothérapie et éventuellement une exérèse de la tumeur.

[modifier] Facteurs pronostic

Pour les sarcomes d'Ewing métastatiques, le principal facteur de mauvais pronostic est la présence de métastases en dehors du poumon. Pour les tumeurs localisées, on définit deux groupes pronostic en fonction des facteurs pronostics suivants :

  • Importance de la réponse à la chimiothérapie néo-adjuvante. C'est le facteur pronostic le plus important. Une bonne réponse à la chimiothérapie première est définie par un résidu tumoral < 10 %, c’est-à-dire que l'examen anatomo-pathologique de la tumeur après chimiothérapie montre qu'il subsiste moins de 10 % de cellules cancéreuses dans la tumeur.
  • Volume de la tumeur ;
  • Localisation (tronc ou membre) et l'accessibilité à la chirurgie.

Tumeur localisée de bon pronostic :

  • Bonne réponse à la chimiothérapie néo-adjuvante ;
  • Petit volume (<200 ml) mais inopérable, opérée d'emblée ou opérée après radio-chimiothérapie.

Tumeurs localisées de haut risque

  • Bonne réponse à la chimiothérapie néo-adjuvante.
  • Tumeur de gros volume (>200 ml) et inopérable, opérée d'emblée ou opérée après radio-chimiothérapie.


[modifier] Notes et références

  1. Découverte publiée dans Cancer Cell du 5 mai 2007, les chercheurs ont réussi à « forcer » les cellules tumorales à redevenir normales.
  2. Unité Inserm 830 « Génétique et biologie des cancers »
  3. Cancer cell du 7 mai 2007 selon le monde