Saleuscex

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Saleuscex (ou Salaussex) est une ancienne tour de guet de forme carrée construite probablement au Xe siècle au sommet du Cubly ou Cubli (alt. 1157m.) dominant la ville de Montreux.

[modifier] Histoire

En 1620 Gabriel de Blonay vendit à ses sujets du Châtelard le grand bois de Cubli, où la tour avait été bâtie, pour le prix de 25 000 florins. Il n’en reste aujourd’hui que les fondations. Saleuscex signifie le Scex ou le Rocher de Sales. Sales est un des villages qui constitue la ville de Montreux.

[modifier] Légende de La Dame de Saleuscex[1]

Au-dessus du golfe de Montreux, s'élève le Cubly, dont les pentes boisées et les parois rocheuses dominent cette rive admirable. Du haut de ce sommet de modeste élévation (1200 mètres), on voit s'étaler, à l'occident et au sud, la nappe bleue du Léman et la vallée du Rhône que commandent la dent du Midi et les glaciers de la chaine du Mont Blanc. Du côté du levant, l'œil se repose sur des pentes riantes et fertiles que couronnent les rochers de Naye et la dent de Jaman. Au nord et au nord-ouest, le regard embrasse une succession de plateaux et de collines qui se perdent au loin, jusqu'au lac de Neuchâtel et au Jura, dont les lignes moelleuses se dessinent a l'horizon en teintes bleues ou grises. De toutes parts, dans les environs immédiats, des villages en grand nombre, -on en compte plus d'une quarantaine, -laissent voir, au milieu des champs, des noyers et des châtaigniers qui les entourent, leurs toits bruns, leurs clochers ou leurs châteaux. La poésie de ce site, jusqu'ici trop peu visité, prend quelque chose de plus romantique encore par la présence de vieilles ruines: ce sont celles d'un manoir ou refuge dont l'histoire est muette, mais qui aurait eu pour premier propriétaire la famille de Blonay.

Jadis, une tour très haute et de forme carrée, sorte de donjon protecteur semblable à celui de Gourze, élevait vers le ciel ses murs solides, épais de cinq pieds et longs de vingt. Cet abri ou plutôt ce poste d'observation était protégé de trois côtés par de fossés secs et, dans la direction du lac, par les escarpements de rochers à pics.

Lorsque cette tour, plus vieille que Chillon et que le Châtelard, se dessinait autrefois sur l'horizon, lorsque quelques arbustes ou buissons en tapissaient seuls les abords, quand, le soir surtout, la lune en éclairait les créneaux, son profil devait donner à la contrée un cachet de poésie qu'on aimerait a lui rendre. Elle devait apparaitre là-haut, comme un nid d'aigle posé sur un rocher. Aujourd'hui, il ne reste de ce vieux donjon aux pierres chancelantes que trois pans de mur et... une légende.

La tradition raconte qu'à minuit, quand le vent pleure dans les sapins, une femme voilée apparait souvent près de ces ruines, en faisant entendre de douloureux soupirs. Un homme de haute taille, au regard farouche, la suit parfois dans la forêt, avec des éclats de rire diaboliques.

Ceux qui prétendent savoir l'histoire de cette femme disent qu'elle fut la fille du redouté Archibald d'Aigremont, qui vivait au temps de la reine Berthe, et qu'elle n'eut, durant toute sa vie, qu'à souffrir de la barbarie et des cruautés de son père. Celui-ci, après avoir été assiégé dans son castel des Ormonts, obtint de dame Isabelle de Blonay de pouvoir se réfugier avec sa fille Eléonore dans le donjon de Saleuscex. Ce fut là qu'il reçut de celle-ci les soins les plus dévoués. Pendant qu'Eléonore entourait son vieux père de ses tendresses, Berthold de Blonay, son cousin, venait souvent la voir. De ces visites répétées, il résulta entre les deux jeunes gens une affection profonde, qui fut pour Eléonore, dans ses jours de tristesse et d'isolement, une source de joie et de consolation. Mais, lorsque le farouche Archibald vint à s'apercevoir que ces relations pourraient aboutir au mariage et par conséquent au don de sa fille unique, il ne songea qu'à lui et entra dans une fureur terrible. Berthold dut s'enfuir de Saleuscex.

Cependant, sous l'empire des remords, on vit peu à peu le seigneur d'Aigremont tomber dans une grande angoisse et se livrer, en vue d'obtenir son salut, à toutes les pratiques de la plus ardente piété. «Je vais mourir, dit-il un jour a sa fille. Je vois plus que jamais se dresser devant moi tous mes crimes... Mon enfant ! jure-moi que, pour sauver mon âme, tu consacreras le reste de tes jours a prier pour moi dans une des demeures des saintes filles qui se vouent au Seigneur. »

La lutte dans le cœur d'Eléonore fut longue et douloureuse. Mais, en entendant les supplications réitérées de son père, en le voyant un jour au moment de rendre l'âme, elle promit d'accéder a ses désirs. Une fois seule, elle quitta la tour et entra dans un monastère, ou elle termina sa mélancolique existence dans la prière et dans les larmes. Dès lors, son âme revient, dit-on, errer près des ruines de Saleuscex, dans ces bois témoins de ses plus douces émotions, mais aussi de ses plus rudes combats. Voilà pourquoi son regard est si triste et pourquoi les solitudes du Cubly retentissent aujourd'hui de si douloureux soupirs.

[modifier] Références

  1. Alfred Cérésole (1842-1915), Légendes des Alpes vaudoises, 1885. Les récits de l'ouvrages proviennent de témoignages oraux recceuillis par le pasteur Alfred Cérésole.