Sacrifice dans la religion grecque antique

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Le sacrifice doit se comprendre dans une perspectique structuraliste comme un acte qui à la fois institue une différence entre sacré et profane, divin et humain et relie les deux pôles. La critique moderne humaniste, même chrétienne (et dieu sait que le christianisme a historiquement insisté sur la notion de sacrifice, sacrifice vicaire et expiatoire du Christ) ne saurait nous introduire à une compréhension exacte de ce qu'il reprmsente. Seule l'étude de la mentalité sacrificielle à partir d'une lecture bienveillante des mythes d'institution du sacrifice nous permettra de le faire. Toute critique extérieure à la pratique sacrificielle en particulier celle de René Girard, ne pourra conduire qu'à une mécompréhension aggravée par la réduction du religieux au sociologique.

Le sacrifice suppose une organisation de l'espace : celui-ci se répartit entre espace sacré et espace profane. L'espace profane (de pro = devant et de fanum = temple) étant, par étymologie devant le temple comme l'indique la succession de parvis et de cours hypostyles ou à ciel ouvert dans les temples égyptiens ou dans le second Temple de Jérusalem. Cette structuration de l'espace s'entend comme une représentation de l'espace cosmologique. Selon le degré de pureté ou de sainteté, l'impétrant pourra s'avancer plus ou moins avant dans le bâtiment et y présenter lui-même son offrande ou, s'il est étranger et/ou réputé impur, il devra la remettre à un autre.

L'espace sacré peut s'étendre à celui où évolue la communauté de croyants. Tel est le sens du sillon qui scelle l'espace où s'étendra la ville dont il marque les fondations.

[modifier] Le mythe de Prométhée

Prenons comme exemple le mythe grec de l'insitution du sacrifice tel que nous le rapporte Hésiode.

Hésiode, Théogonie, 536-557 (trad. A. Bonnafé)

"Il faut dire qu’au jour où se réglaient les différends entre dieux et humains, À Mékônè, ce jour-là, donc, après avoir, d’un grand bœuf, fait de bon cœur les parts, il [Prométhée] les déposa devant tous en cherchant à berner l’esprit de Zeus : pour l’un, la viande et les abats riches en graisse – mais... il les disposa dans la peau de la bête, enveloppés, cachés dans la panse du bœuf; pour les autres, les os blancs du bœuf – mais... (c’est le savoir-faire rusé) il les disposa de belle façon, enveloppés, cachés dans la graisse luisante. Alors le père des hommes et des dieux lui dit : «Ô fils de Japet [càd Prométhée], remarquable entre tous les maîtres et seigneurs, quelle partialité, mon bon, dans ta répartition des lots !» Ainsi parlait, d’un ton railleur, Zeus qui ne connaît que desseins impérissables. Mais, de son côté, Prométhée aux pensées retorses répliqua, avec un petit sourire et sans oublier le savoir-faire rusé : «Ô Zeus très glorieux, le plus grand des dieux éternels, mais choisis donc, de ces deux lots, celui que ton cœur dans tes entrailles, te dit de prendre !» Voila ce qu’il disait, n’ayant que ruse en tête. Zeus, qui ne connaît que desseins impérissables, reconnut – il fut loin de la méconnaître ! – la ruse; et il prévoyait en lui-même les maux qui attendaient les humains mortels : ceux qui, justement, allaient se réaliser. Mais, à deux mains, il souleva et prit pour lui la blanche graisse – et la rage lui serra les entrailles, la bile de la colère envahit son cœur, quand il vit les os blancs du bœuf (et le savoir-faire rusé). C’est depuis lors que, pour les immortels, les tribus des humains de la terre font brûler les os blancs, sur les autels odorants."

Au départ, l'indistinction. Dieux et hommes faisaient table commune, mangeant la même nourritre dans une convivialité naturelle. A l'arrivée, la confusion surmontée. les Dieux, célestes se nourrissent de la bonne hodeur des chairs brûlées, fumet insaisissable qui correspond à leur nature immortelle et subtile. Les hommes, terrestres, mangent bouilli, une nourriture qui se consomme en eux et qui, périssable, correspond à leur nature mortelle. La plus belle part en apparence, réservée aux hommes, se transforment en un piège qui signe leur condition mortelle, alors que la part la moins agréable, celle que Prométhée destine au Dieux, en cherchant à les tromper en la recouvrant d'une belle graisse odorante, est en fait la bonne part qui institue et consacre la supériorité divine. Prométhée veut tromper Zeus, mais Zeus ne se laisse pas faire tout en jouant le jeu de son adversaire. Tel est pris qui croyait prendre.... Mais d'autre part, le sacrifice n'institue pas seulement une séparation entre les Dieux et les hommes. Il institue surtout un rapport une relation possible, entre eeux. Les hommes sont subordonnés aux Dieux comme ceux qui ont charge de les nourrir par la fumée des sacrifices, mais les Dieux ont besoin des hommes car ils ont besoin de ces sacrifices.

Ici se pose inévitablement la question: les Dieux peuvent-ils exister sans les hommes, de même que les hommes ne peuvent exister sans les Dieux? La réponse à cette question est résolument "non", aussi scandaleux que cela puisse paraître à une raison humaine qui pose d'autant volontiers les Dieux comme puissances absolues et indépendantes pour mieux postuler le caractère absolu et indépendant de l'homme en fin de compte.