Paul Didier

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Paul Didier (Carcassonne, 15 novembre 1889Paris, 22 mai 1961) fut le seul magistrat français à refuser de prêter serment de fidélité à la personne du Maréchal Pétain.

Sommaire

[modifier] Origine familiale

Paul Didier est issu d'une famille républicaine à la fibre patriote. Ses ascendants paternels, lorrains, refusent en 1871 le rattachement de leur région natale à l'Allemagne, consécutif au traité de Francfort. Ils s'établissent en Languedoc. Ferdinand Theron, le grand-père paternel de Paul Didier, est membre du parti radical-socialiste; il sera conseiller municipal de Carcassonne, conseiller général du canton de Capendu, et député de l'Aude. Le père de Paul Didier, docteur ès sciences, est professeur au lycée de Carcassonne; examinateur au concours d'entrée à Saint-Cyr, il est révoqué en 1892 pour motif politique.

[modifier] Carrière judiciaire

En 1940, Paul Didier est sous-directeur à la Chancellerie, en charge des naturalisations[1]. Il en est écarté en août, ses prises de position précédentes quant aux naturalisations étant en opposition frontale avec les mesures xénophobes que s'apprêtaient à prendre par le Vichy, et est affecté, en guise de punition, comme simple magistrat au sein du tribunal de la Seine. Un an plus tard, il est révulsé par la création des sections spéciales, mises en place après l'attentat du colonel Fabien: l'occupant avait exigé que des juridictions françaises condamnent à mort communistes et anarchistes. Quand les actes constitutionnels d'août 1941 exigent que les magistrats prêtent serment de fidélité à la personne du Maréchal, Paul Didier s'y refuse. Il est d'abord suspendu, puis révoqué. Après plusieurs mois d'internement au camp de Châteaubriant, il est assigné à résidence dans son village natal, à Moux. Il rejoint la Résistance et participe à plusieurs actions dans les Corbières. À la Libération, il est vice-président du Comité de Libération de Moux.

Il réintègre la magistrature et siège à la Cour d'appel de Paris.

Quand il termine sa carrière, il est Président de chambre à la Cour d'appel de Paris.

[modifier] Hommage

Le 16 septembre 1961, à l'audience solennelle de rentrée de la Cour d'appel de Paris, l'avocat général Lambert, lui aussi révoqué par Vichy, prononçait l'éloge funèbre de Paul Didier:

«  (...) Et maintenant, Messieurs, nous devons nous recueillir avec une ferveur particulière, car nous allons évoquer la mémoire d'un magistrat qui fut, comme naguère un écrivain célèbre[2], "un moment de la conscience humaine".
Septembre 1941 ! il y a vingt ans ! Notre pays au fond de l'abîme. La presse de Paris, contrôlée par l'ennemi, annonçait ce jour-là que, sur une place de notre capitale, une musique militaire (dont point n'était besoin de préciser la nationalité) jouerait un hymne à la gloire de la Germanie victorieuse.
Mais dans cette atmosphère, dans ce climat, ces mêmes feuilles ne pouvaient cependant dissimuler que, la veille, venait de s'accomplir un des hauts faits de l'histoire de la magistrature française : le Président Paul Didier, à cette époque juge au Tribunal de la Seine, avait refusé le serment imposé par "l'Ordre nouveau". Le lendemain, il était arrêté et devait être bientôt dirigé sur ce camp d'internement de Châteaubriant qui a laissé de si dramatiques souvenirs.
Peu de temps avant la rentrée judiciaire de 1941, les juristes de la Résistance avertis de la prochaine obligation du serment, avaient sollicité les instructions de ceux qui dirigeaient la lutte clandestine. devait-on répondre par des démissions massives ? laisser se démasquer ceux qui étaient déjà engagés dans l'action secrète contre l'occupant ?
Gardez vous en bien, fut-il répondu, mais il serait bon, néanmoins, que l'un de vous assumât cette forme de résistance ouverte.
C'est alors que Paul Didier décida que, s'il devait n'y en avoir qu'un, "il serait celui-là".
Messieurs, le souvenir du Président Didier nous a conduit à rappeler une des périodes les plus sombres de notre histoire, mais qui fut fertile en actes de courage de d'abnégation. Le geste de Paul Didier fut l'un d'eux (...).  »

[modifier] Distinctions

[modifier] Notes et références

[modifier] Notes

  1. Source: Procès Touvier: le silence est levé in Sud Ouest Dimanche, 11 décembre 1997. Consulté en ligne le 5 mai 2008.
  2. Anatole France dit d'Émile Zola:« Envions-le : il a honoré sa patrie et le monde par une œuvre immense et un grand acte. Envions-le, sa destinée et son cœur lui firent le sort le plus grand. Il fut un moment de la conscience humaine ». Source: culture.fr, consulté le 5 juin 2008.

[modifier] Références