Musica ficta

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On parle de musica ficta, par opposition à la musica recta, dans le cadre de la théorie des hexacordes et de la solmisation décrite par Guido d'Arezzo

Sommaire

[modifier] les deux définitions de la musica ficta

Yssandon permet des muances assez libres : les sauts d'octave, de quintes et de quartes justes sont chantées en restant sur la même syllabe de solmisation. Si l'on veut rester dans les notes permises par le gammut de Guido d'Arezzo, on ne peut utiliser cette règle systématiquement que depuis un hexacorde naturel. En effet en montant d'une quinte juste depuis Dsolré chanté sol, on se retrouve sur a qui ne peut se chanter que la, mi, ou . Si on chante sol sur a, en descendant l'hexacorde en chantant fa puis mi, on devra donc chanter un demi-ton entre G et F, ce qui nous fera chanter un F dièse. On entre dans le domaine de la musica ficta (musique fausse ou feinte)

Ce terme connaît deux définitions qui se recoupent parfois :

  • premièrement, on a parlé de musica ficta lorsque les chanteurs ajoutent des altérations non écrites sur les partitions (par exemple, des b bémol) pour "éclairer la mélodie". Ceci pour éviter les tritons ou tout simplement pour faire plus "jolie". Cela peut être le cas tout en restant dans le cadre de la main guidonienne. Il faut aussi ajouter que si l'altération est dans la portée, c'est le compositeur qui l'a écrite, et si l'altération est au dessus de la portée, cela signifit que c'est le retranscripteur qui la suggère.
  • deuxièmement, la musica ficta concerne la musique chantée sur des syllabes ou des hauteurs de notes qui n'apparaissent pas dans la main guidonienne. Le terme s'oppose alors à la musica recta, qui reste sur les syllabes permises par la main.

Nous allons voir plus précisément dans quel cas la musica ficta a été rendue nécessaire par l'évolution de la musique au Moyen Âge et à la Renaissance.

[modifier] De la musica recta à la musica ficta

L'étude des tablatures d'orgue et de luth montrent un emploi de plus en plus fréquent des altérations à travers les siècles. Voyons ici quels sont les cas dans lesquels l'échelle générale provenant de l'enseignement de Guido d'Arezzo est dépassée par les compositeurs et les interprètes.

[modifier] Cas mélodiques

[modifier] transposition du gammut

On rencontrer souvent jusqu’à deux altérations "à la clé" dans le cadre de la musica recta, dans le cas où l'on transpose complètement toute la main. En effet si le gamma de départ est situé une quinte au dessus ou une quarte en dessous pour des questions de tessiture par exemple, on chantera des F sur la syllabe mi, mais en montrant dans la main la note B bécarre. La même logique se retrouve avec les bémols si l'on transpose le gammut une quinte plus bas ou une quarte plus haut.

[modifier] le chromatisme

au XVIe siècle, Josquin des Prés, Willaert, et Costeley écrivent des pièces inhabituelles et expérimentent l'écriture chromatique. Pour pouvoir les chanter, il faut alors transposer les hexacordes en commençant sur d'autres notes que les C, F et G habituelles

[modifier] Cas harmoniques

Le développement de la polyphonie à la fin du Moyen-Âge multiplie les occasions d'utiliser des altérations, notamment pour éviter des dissonances entre les voix ou pour améliorer les sonorités des cadences.

[modifier] mi contra fa

Il n'est pas possible de chanter fa dans une voix pendant que l'autre voix chante mi. Cette règle fait l'unanimité du XIIIe siècle au XVIe siècle siècle malgré la diversité des théories. Elle est énoncée notamment par Yssando. Cela permet, entre deux voix indépendantes, qui ne chantent d'ailleurs pas forcément dans le même hexacorde, d'éviter les tritons et les quintes diminuées.

[modifier] les tierces picardes

L'habitude de terminer les œuvres par une tierce majeure plutôt que mineure a conduit à employer des altérations supplémentaires.

[modifier] les cadences

Les cadences sont constituées de la succession d'une consonance imparfaite et d'une consonance parfaite, comme par exemple tierce mineure/unisson, tierce majeure/quinte, sixte majeure/octave, comme on le trouve pour la première fois dans le traité musica speculativa de Johannes de Muris en 1323. Cela revient à terminer une section avec un demi-ton dans une voix pendant que l'autre voix fait le mouvement contraire d'un ton.

[modifier] Comment étaient choisies les altérations ?

Les copistes du Moyen Âge, connaissant les règles des hexacordes, ne trouvaient généralement pas utile de noter les altérations devant les B ou les altérations qui permettaient des cadences plus belles. L'étude des tablatures montre que les B pouvaient être joués bémol ou bécarre, et les cadences de différentes façons (en abaissant la note supérieure ou en élevant la note inférieure) suivant les interprètes, les époques et les lieux. Les notations n'ont été fixées que tardivement, et sous la pression d'une musique pratiquée de plus en plus par des amateurs dont l'interprétation des partitions étaient moins sûre. Les auteurs Nicola Vicentino (L'antica musica ridotta alla moderna prattica, 1555) et Aaron (Trattato della natura e cognizione di tutti gli toni di canto figurato (1525)) notamment, insistent pour que les compositeurs notent précisément leurs altérations accidentelles afin de rendre la lecture plus fiable et de ne pas risquer la trahison de l'effet demandé.

[modifier] bibliographie

Gaston Allaire, The Theory of Hexachords, Solmization and the Modal System: A Practical Approach, Musicological Studies and Documents 24 , (American Institute of Musicology, 1972)

Gaston Allaire, Ph. D. - Site consacré à ses recherches sur la musica ficta : http://www.allairefictamusic.com/