Mémoires d'Hadrien

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Mémoires d'Hadrien est un roman de l'écrivain français Marguerite Yourcenar, publié en 1951. Cette autobiographie imaginaire de l'empereur romain Hadrien rencontra immédiatement un extraordinaire succès international et assura à son auteur la plus grande célébrité.

Sommaire

[modifier] Le roman

Écrit dans un style dense témoignant d'une grande érudition, ce roman philosophico-historique est une méditation de l'empereur à la fin de sa vie : il retrace les principaux événements de son existence qui fut le plus libre et le plus lucide possible. Le projet initial de Marguerite Yourcenar, alors qu'elle n'avait qu'une vingtaine d'années, était d'écrire un texte sur l'empereur Hadrien dont l'énonciateur aurait été son favori Antinoüs. Les différentes versions de cette première ébauche ont été détruites par la future académicienne après les refus de plusieurs éditeurs. Quand elle reprend, un quart de siècle plus tard, son projet de jeunesse, la perspective s'est inversée : c'est Hadrien qui tient le stylet et qui raconte sa vie et sa passion pour le jeune Bithynien, à travers le filtre de la douleur imposée par le suicide de celui-ci.

[modifier] Le contexte d'écriture

Marguerite Yourcenar a indiqué qu'une citation de la correspondance de Gustave Flaubert était à l'origine de son désir de réécrire ce livre :

« Les dieux n'étant plus et le Christ n'étant pas encore, il y a eu, de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l'homme seul a été. »

L'auteur dit aussi avoir hésité un moment entre les mémoires de l'empereur romain Hadrien et ceux du poète et mathématicien Omar Khayyam. En fait Hadrien, Omar Khayyam ou le héros Zénon de L'Œuvre au noir se présentent comme des personnages lucides, tolérants et désabusés tant sur la condition humaine que sur les illusions dont l'humanité semble ne pouvoir se passer.

[modifier] Un roman historique ?

Marguerite Yourcenar explique le long travail d'érudition et de romancière qu'elle a mené pour écrire les Mémoires d'Hadrien, dans le carnet de notes qui accompagne la plupart des éditions, et explique qu'elle a cherché à se rapprocher le plus possible du personnage et de l'ambiance historique : "Si j'ai choisi d'écrire ces Mémoires d'Hadrien à la première personne, c'est pour me passer le plus possible de tout intermédiaire, fût-ce de moi-même". Elle est cependant consciente des écueils : "Quoi qu'on fasse, on reconstruit toujours le monument à sa manière. Mais c'est déjà beaucoup de n'employer que des pierres authentiques".

[modifier] Jugement d'historiens

  • Selon André Chastagnol, « Le portrait que trace de lui Marguerite Yourcenar correspond sans aucun doute à ce que les sources nous apprennent »[1]
  • Pour Paul Petit, « M. Yourcenar a déployé pour le peindre des trésors de psychologie et une bonne connaissance des sources sans prétendre à la vérité historique »[2]

[modifier] Autres avis

L'écrivain américain Gore Vidal, auteur en 1964 de Julien, mémoires de l'empereur Julien l'apostat, a porté en 2006 un jugement comparatif sévère sur l'œuvre de Yourcenar : « Yourcenar a fait toutes les erreurs possibles pour un roman historique. D'abord, elle transforme Hadrien en Mme Yourcenar. [...] Elle a tout surdécoré avec de la pensée moderne.»[3]

[modifier] Citations

  • Premières lignes de l'œuvre
Mon cher Marc,
Je suis descendu ce matin chez mon médecin Hermogène, qui vient de rentrer à la Villa après un assez long voyage en Asie. L'examen devait se faire à jeun : nous avions pris rendez-vous pour les premières heures de la matinée.
  • Je voulais que l'immense majesté de la paix romaine s'étendît à tous, insensible et présente comme la musique du ciel en marche ; que le plus humble voyageur pût errer d'un pays, d'un continent à l'autre, sans formalités vexatoires, sans dangers, sûr partout d'un minimum de légalité et de culture ; que nos soldats continuassent leur éternelle danse pyrrhique aux frontières ; que tout fonctionnât sans accroc, les ateliers et les temples ; que la mer fût sillonnée de beaux navires et les routes parcourues par de fréquents attelages ; que, dans un monde bien en ordre, les philosophes eussent leur place et les danseurs aussi. Cet idéal, modeste en somme, serait assez souvent approché si les hommes mettaient à son service une part de l'énergie qu'ils dépensent en travaux stupides ou féroces ; une chance heureuse m'a permis de le réaliser partiellement durant ce dernier quart de siècle.

Marguerite Yourcenar - Mémoires d'Hadrien (page 197) - Éditions Gallimard, 1951

[modifier] Notes

  1. en page 9 de son introduction sur la vie d’Hadrien, Histoire Auguste, traduction de André Chastagnol, éditions Robert Laffont, 1994, (ISBN 2-221-05734-1)
  2. p 160 de son Histoire générale de l’Empire romain de Paul Petit, Seuil, 1974, (ISBN 2020026775)
  3. interview [1] au Monde des Livres du 5 mai 2006