Lundi parjuré

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Le Lundi Perdu ou Lundi Parjuré (en néerlandais verloren maandag ou verzworen maandag) est une fête traditionnelle qui se déroule le lundi qui suit l'Épiphanie, c'est-à-dire le lundi qui suit le 6 janvier. Elle reste surtout vivace à Tournai et dans la province d'Anvers. Cette tradition est également présente dans les villes de Lille et de Douai.

Au cours du repas familial, où l'on se doit de manger du lapin, un roi de table est désigné et tous les convives doivent le suivre. Le menu est codifié et traditionnel, petite saucisse en entrée, lapin à la Tournaisienne, salade tournaisienne et galette pour le dessert.

Sommaire

[modifier] Origine

Le lundi perdu est une tradition qui remonte tellement loin dans le temps qu'il est difficile de dire de quel parjure il s'agit exactement. l'origine et le sens de ce mot sont restés quelque peu obscurs. Toutefois,sa plus ancienne mention est celle de Gilles Li Muisis, un chroniqueur tournaisien, en 1281.

Selon un ancienne coutume, les notables et propriétaires terriens organisaient le lundi suivant l'épiphanie des tribunaux extaordinaires. La population était invitée et conviée aux assises judiciaires, aussi appelées plaides généraux, pour dénoncer les crimes qui avaient échappé aux autorités lors de l'année qui venait de s'écouler. Ceux qui avaient connaissance de meurtres, de brigandages, incendies criminels, vols, viols, calomnies, usures, etc... étaient tenus de les déclarer, d'autant plus que serment avait été prété, et qu'on avait, selon l'expression de l'époque, juré sur les saints. A la fin de cette journée, les notables organisaient alors un grand repas auquel les manants étaient invités à participer moyennant un paiement (en monnaie ou en nature). La date de ces assises étaient fixées au lundi qui suivait l'épiphanie et s'appelait, dans certains textes du moyen age, parjure delunds (de dies lunae, jour de la lune).

Dans ce contexte, le terme parjuré peut prendre plusieurs significations. La plus plausible reste celle où la population ne dénonçait pas les crimes malgré le serment fait, d'où le parjure. Une autre explication communemment admise est étymologique: le terme "parjurer" est la contraction du verbe "jurer" et du préfixe "par" qui indique la perfection, le caractère exceptionnel du serment. Une troisième explication plus fantaisiste se rapporte au parjure des Rois mages, qui ne revinrent pas vers Hérode indiquer le lieu de naissance de l'enfant Jésus.

L'origine du nom Lundi perdu est elle, immédiate. Le jour de ces tribunaux, on ne travaillait pas. Pour célébrer la journée, on prenait un congé sans solde. C'était donc une journée perdue sur la fiche de salaire. Le folkloriste néerlandais J. Ter Gouw écrit en 1871: "La philosophie traditionnelle enseignait que tout travail executé ce jour-là était maheureux et perdu, c'est-à-dire sans valeur et inutile". Aujourd'hui encore il existe une superstition qui dit que le lendemain d'un jour de fête passe pour être porteur de mauvaise augure. La conséquence naturelle d'une certaine ivresse du dimanche était une incapacité plus ou moins marquée à se remettre convenablement au labeur le lundi. Ce lundi est donc, en effet, un jour chômé, c'est-à-dire perdue pour les travailleurs.

[modifier] Cérémonial

La coutume était de « tirer les rois » au début du repas. Les billets des rois sont des vignettes gravées sur bois du XVIIIe siècle que l’on trouve encore aujourd’hui aux éditions Casterman. On commence par s'assembler en grande tablées. A chacune des tables, les convives tirent au sort un rôle à tenir. L'ordre du tirage suit l'ordre d'âge décroissant des participants. Parmi ces rôles, sont présents:

  • Le Roi ou la Reine: il(elle) mène les débats et boit toujours bien en évidence.
  • Le Fou du Roi s'assure que la parole du Roi est respectée, et que chacun accompagne le Roi lorsqu'il lève son verre. Et gare à celui qui oublie, car son visage sera noirci à l'aide d'un bouchon brûlé. Gare au Fou s'il ne remplit pas son rôle, c'est lui qui en sera noirci.
  • Le verseur veille à ce que tout le monde ait un verre rempli, pour être en mesure de suivre le Roi.
  • D'autre rôles plus symboliques, à savoir l'écuyer tranchant, le cuisinier, le portier, le médecin, le ménétrier, le laquais, le musicien, le valais de chambre, le messager, le secrétaire, le conseiller, le suisse et le confesseur sont également présents autour de la table.

Cette tradition a longtemps eu un caractère très familial. C’était une fête où se retrouvaient les parents, grands-parents et les enfants. Il ne s’agissait pas d’une fête somptueuse : la plupart des composants étaient des cadeaux reçus en étrenne par différents commerçants (boucher, épicier,…). C’était « jour de grand plucache ».

Il était de coutume de pendre l’animal, en l'occurence le lapin, à l’extérieur pendant quelques jours afin qu’il rassît. C’était aussi un signe de richesse extérieure. Cependant certaines personnes ne pouvaient se permettre d'acheter du lapin. Ils exposaient donc à la place du lapin un chat. Le lapin provenait de l’élevage familial ou du marché matinal mais il pouvait aussi venir d’un prix gagné à un jeu organisé le dimanche précédent (fers ou cartes). Cette coutume-ci n’a pas entièrement disparue.

Ce jour là on voyait aussi des groupes d’enfants (parfois même des adultes), déguisés en rois mages pour demander leur « pardieu », la part réservée au pauvres. Aujourd’hui cette tradition a complètement disparue.

[modifier] Le lundi perdu aujourd'hui

Il faut bien constater qu’aujourd’hui les grands repas en famille se font de plus en plus rares. On préfère la facilité en louant une salle, en allant au restaurant ou en faisant appel à un traiteur. Il n’existe qu’une infime partie de la population tournaisienne qui fête encore le lundi perdu dans l’art de la tradition. En effet, beaucoup plus de personnes se contentent de manger du lapin lors du lundi parjuré mais sans suivre les coutumes misent en place. Certains tournaisiens ne fêtent même plus ce lundi particulier. Le lundi perdu est fêté par deux catégories de personnes, la première représente ceux qui mangent uniquement du lapin, ils se retrouvent en majorité, et la deuxième, hélas minoritaire, envoit à ceux qui font réellement le lundi perdu avec toute la tradition.

[modifier] Le lundi parjuré à travers les chansons

Il existe de nombreuses chansons patoisantes faisant référence aux lapins et chats du lundi parjuré. Ce sujet inspira un grand nombre de chansonniers tels Alexandre Derousseaux ou Achille Viart, Adolphe Prayer, Charles Parthame, Anselme Dachy, Albert Coens et bien d’autres. Ces textes patois font revivre une ambiance d’époque.

[modifier] Menu

La tradition Tournaisienne du Lundi Parjuré recommande le repas traditionnel se composant de trois plats et d'un dessert

  • l'pétite saucisse, une entrée composée d'une petite saucisse servie avec de la compote de pommes ou du choux cuit au saindoux.
  • le lapin aux prunaux et aux raisins constitue le plat principal de ce repas. Il est aussi appelé le lapin à la tournaisienne. Il se déguste accompagné de pommes de terres cuites à la vapeur.
  • Une salade composée est le dernier plat. On la nomme aussi salade tournaisienne. Elle est mangée avec du mutiau ou du jambon.
  • En guise de dessert, la tradition tournaisienne rejoint la tradition de l'épiphanie en tirant les rois autour d'une galette fourrée d'une fève.

Ce repas plantureux singe les tablées des notables d'autrefois. L'abondance doit être bien réelle pour appuyer la symbolique.

[modifier] Ingrédients et recettes

[modifier] Le lapin aux preones et aux raisins

Pour réaliser un lapin à la tournaisienne, les ingrédients suivants s’imposent : pour quatre personnes, il vous faut : 1 lapin, 4 oignons, 2 cuillères à soupe de farine, 10 à 15 pruneaux, des raisins secs, du beurre ou de l’huile, une branche de thym et une feuille de laurier, de la cassonade, du poivre et du sel.

On prend d’abord le lapin pour en séparer les pattes et couper le corps en trois morceaux. On fait chauffer la casserole avec du beurre ou de l’huile pour y mettre ensuite le lapin et les oignons qu’il faut faire roussir. On ajoute l’assaisonnement (thym et laurier) et de la farine. On arrose ensuite avec de l’eau (pour respecter la tradition, on ne met jamais de vin ni de bière car à l’époque il s’agissait d’un plat de pauvre). Le lapin va mijoter jusqu'à ce qu’il sera cuit, c’est-à-dire quand la viande se détache des os. Ensuite, on ajoute les pruneaux et les raisins que l’on aura préalablement fait gonfler dans de l’eau bouillante. Et enfin, on peut éventuellement ajouter un peu de cassonade, du sel et du poivre.

[modifier] La salade tournaisienne

Les ingrédients de base d’une salade tournaisienne sont : salade de blé, oignons cuits au four avec la pelure mais épluchés par la suite, pommes, chicons, choux-rouge au vinaigre, gros haricots, sel et poivre

A ces ingrédients, on peut éventuellement ajouter tous les autres ingrédients composants une salade variée comme le pissenlit, le céleri-rave, la betterave rouge, la barbe de capucin. Mais certainement pas de noix, de lardons, ou de dés de fromages qui sont des fantaisies de notre époque. ces derniers ingrédients ne respectent donc pas du tout la tradition initiale.

[modifier] Notes


[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

Abécédaire Ateliers Us et coutumes Saison 2004-2005, Tournai, 2004

La tradition tournaisienne du « Lundi Perdu » , dans : Ouf Tournai, 3 janvier 2008, p.6

Dubart, J-L., L’ceu qui n’a pos d’lapin, i n’a rien, dans : Nord Eclair, 7 janvier 2008

Ravez, W., Le Folklore de Tournai et du Tournaisis, Tournai, Casterman, 1975


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