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Les Yeux

 
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l’aurore ;
Ils dorment au fond des tombeaux,
Et le soleil se lève encore. (...)

Et comme les astres penchants
Nous quittent, mais au ciel demeurent,
Les prunelles ont leurs couchants,
Mais il n’est pas vrai qu’elles meurent.

Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Ouverts à quelque immense aurore,
De l’autre côté des tombeaux
Les yeux qu’on ferme voient encore.

Sully Prudhomme (1839 - 06/09/1907) - Stances et Poèmes, 1865

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[modifier] s:Sully Prudhomme -Les Yeux

Les Yeux

 
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l’aurore ;
Ils dorment au fond des tombeaux,
Et le soleil se lève encore. (...)

Et comme les astres penchants
Nous quittent, mais au ciel demeurent,
Les prunelles ont leurs couchants,
Mais il n’est pas vrai qu’elles meurent.

Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Ouverts à quelque immense aurore,
De l’autre côté des tombeaux
Les yeux qu’on ferme voient encore.

Sully Prudhomme (1839 - 06/09/1907) - Stances et Poèmes, 1865

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[modifier] s:Bossuet - Madame se meurt

Madame se meurt !

Considérez, Messieurs, ces grandes puissances que nous regardons de si bas. Pendant que nous tremblons sous leur main, Dieu les frappe pour nous avertir. Leur élévation en est la cause; et il les épargne si peu, qu'il ne craint pas de les sacrifier à l'instruction du reste des hommes. Chrétiens, ne murmurez pas si Madame a été choisie pour nous donner une telle instruction. Il n'y a rien ici de rude pour elle, puisque, comme vous le verrez dans la suite, Dieu la sauve par le même coup qui nous instruit. Nous devrions être assez convaincus de notre néant : mais s'il faut des coups de surprise à nos cœurs enchantés de l'amour du monde, celui-ci est assez grand et assez terrible. Ô nuit désastreuse! ô nuit effroyable, où retentit tout à coup, comme un éclat de tonnerre, cette étonnante nouvelle : Madame se meurt, Madame est morte!

Jacques Bénigne Bossuet (27/09/1627 - 1704) - Oraison funèbre de Henriette-Anne d'Angleterre (1670)

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[modifier] s:Cendrars - Prose du transsibérien

Prose du transsibérien

« Blaise, dis, sommes-nous bien loin de Montmartre? »
Nous sommes loin, Jeanne, tu roules depuis sept jours
Tu es loin de Montmartre, de la Butte qui t'a nourrie, du Sacré Cœur contre lequel tu t'es blottie
Paris a disparu et son énorme flambée
Il n'y a plus que les cendres continues
La pluie qui tombe
La tourbe qui se gonfle
La Sibérie qui tourne
Les lourdes nappes de neige qui remontent
Et le grelot de la folie qui grelotte comme un dernier désir dans l'air bleui
Le train palpite au cœur des horizons plombés
Et ton chagrin ricane...
« Dis, Blaise, sommes-nous bien loin de Montmartre? »

Blaise Cendrars ((01/09/ 1887 - 1961) - La Prose du transsibérien et de la petite Jehanne de France (1913)

[modifier] s:Cervantes - Don Quichotte

Don Quichotte

Telle fut la fin de L’INGÉNIEUX HIDALGO DE LA MANCHE, duquel Cid Hamet ne voulut pas indiquer ponctuellement le pays natal, afin que toutes les villes et tous les bourgs de la Manche se disputassent l’honneur de lui avoir donné naissance et de le compter parmi leurs enfants, comme il arriva aux sept villes de la Grèce à propos d’Homère. On omet de mentionner ici les pleurs de Sancho, de la nièce et de la gouvernante, ainsi que les nouvelles épitaphes inscrites sur le tombeau de don Quichotte. Voici cependant celle qu’y mit Samson Carrasco : « Ci-gît l’hidalgo redoutable qui poussa si loin la vaillance, qu’on remarqua que la mort ne put triompher de sa vie par son trépas. « Il brava l’univers entier, fut l’épouvantail et le croque-mitaine du monde ; en telle conjoncture, que ce qui assura sa félicité, ce fut de mourir sage et d’avoir vécu fou. »

Miguel de Cervantes Saavedra (09/09/1547 - 1616) - L'Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche (II, LXXIV, excipit)

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[modifier] s:Rouaud – Agonie

Agonie

Surtout elle (l'infirmière) n'était pas là pour prendre sur ses épaules ce qui nous semblait trop lourd, ce dont nous espérions nous décharger sur elle, la vision déchirante des restes de notre mère, cette petite ride agitée sous le drap, avec cette envie que ça cesse, que cesse le tremblement de son corps, son souffle rauque et l'emballement de son cœur, avec cette envie secrète de tirer l'oreiller de dessous sa tête et dans un sanglot le plaquer sur son visage, comme s'il s'agissait de mouler dans cet éteignoir de plumes son masque mortuaire.

Jean Rouaud - Sur la scène comme au ciel (p. 71) – Éditions de Minuit (1999)

[modifier] s:Denon - Point de lendemain


La lettre tue, et l’esprit vivifie.
E.U.S.P.[1]

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J'aimais éperdument la comtesse de *** ; j'avais vingt ans, et j'étais ingénu ; elle me trompa ; je me fâchai ; elle me quitta. J'étais ingénu, je la regrettai ; j'avais vingt ans, elle me pardonna ; et comme j'avais vingt ans, que j'étais ingénu, toujours trompé, mais plus quitté, je me croyais l'amant le mieux aimé, partant le plus heureux des hommes. Elle était amie de madame de T..., qui semblait avoir quelques projets sur ma personne, mais sans que sa dignité fût compromise. Comme on le verra, madame de T... avait des principes de décence, auxquels elle était scrupuleusement attachée.

Un jour que j'allais attendre la comtesse dans sa loge, je m'entends appeler de la loge voisine. N'était-ce pas encore la décente madame de T... ? « Quoi ! déjà ! me dit-on. Quel désœuvrement ! Venez donc près de moi. » J'étais loin de m'attendre à tout ce que cette rencontre allait avoir de romanesque et d'extraordinaire.

Point de lendemain, Vivant Denon,Version de 1812.

  1. Épitre de saint Paul aux Corinthiens (II, 3, 6).
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