Lhéritier

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Romain Thomas, dit Lhéritier, né à Neuilly le 14 septembre 1809 et mort à Paris le 23 février 1885, est un acteur français.

Il fit toutes ses études à Paris au collège Bourbon, aujourd’hui Lycée Condorcet, et il entra à 18 ans dans une maison de banque selon le vœu de son père. Passionné par le métier d’acteur, il jouait le soir avec des troupes d’amateurs chez Doyen et à Tivoli. Son père, peu désireux de voir son nom figurer sur des affiches de spectacle, lui aurait dit un jour : « Songe que tu es l’héritier d’un nom respectable... ». Le nom de théâtre était trouvé ! Et Romain Thomas disparut pour toujours derrière Lhéritier.

Il fut remarqué sur les planches et, en 1831, il reçut deux propositions d’engagement : l’une du Théâtre Molière, l’autre du Théâtre du Palais-Royal, qui venait d’ouvrir sous la direction de Dormeuil. Le jeune homme, timide de nature, préféra accepter la première proposition, celle du théâtre Molière, la troupe du Palais-Royal, comprenant Régnier, Sainville, Virginie Déjazet, lui paraissant trop professionnelle et prestigieuse pour ses talents d’amateur. Malheureusement pour lui, le théâtre Molière ferma ses portes au bout de six semaines, et Lhéritier fut donc engagé dans la troupe de Dormeuil, qui avait maintenu sa proposition. Il y restera 51 ans ! Pendant plus d’un demi-siècle, il va être de presque toutes les pièces du Palais-Royal. On dit qu'il y créa 364 rôles, sans parler des reprises...

Le public l'adopta rapidement, et il eut des rôles à succès, mais on lui reprocha pendant longtemps une certaine timidité qui paralysait ses moyens. Pendant dix ans, il resta stationnaire, tâtonnant, cherchant sa place. Pendant cette période, il participa, parmi de nombreuses autres, aux pièces suivantes :

  • 1831 : Les Amours du port au blé, comédie-vaudeville en 1 acte de Dumersan et Séwrin
  • 1833 : Sophie Arnoult, comédie-vaudeville en 3 actes de Leuven, Desforges et Dumanoir
  • 1834 : La Salamandre, comédie-vaudeville en 4 actes Charles de Livry, de Forges et de Leuven
  • 1840 : Les Dîners à 32 sous, comédie-vaudeville en un acte des frères Cogniard et Rimbaut
  • 1841 : Le Vicomte de Létorières, comédie-vaudeville en trois actes de Bayard et Dumanoir
  • 1843 : L'Homme de paille, comédie-vaudeville en 1 acte de Labiche et Lefranc (rôle de Billaudin) en mai 1843

Il finit par trouver son emploi dans les rôles de « ganaches prématurées » ou de « grimes » (vieillards comiques ou ridicules). Les pièces suivantes furent pour lui de véritables succès :

Larousse dit de lui : « M. Lhéritier a du naturel, de la verve, de l'intelligence ; il compose ses personnages avec une grande conscience ; il donne un cachet même aux rôles de peu d'importance. Franc, ouvert, communicatif, il reste toujours dans le vrai, évite la charge, soigne ses rôles, respecte son art. Modeste, calme, assez impassible, il joue fort bien les sots, les vaniteux et les importuns. Se donnant au besoin une suffisance très originale, il a la spécialité des grognards et des vieux chauvins ».

Après les décès de Sainville en 1854 et de Paul Grassot en 1860, il devint un des premiers acteurs du Palais-Royal. L’arrivée de Geoffroy en octobre 1862 était bien faite pour effrayer quelque peu le modeste Lhéritier, compte tenu que le nouveau venu était réputé pour son côté « ours » et son mauvais caractère. Mais l’association du débutant triomphant, Geoffroy, et du talentueux ancien, Lhéritier, fit merveille. Loin de se nuire, les qualités de ces deux merveilleux artistes se complétèrent : à Geoffroy, la rondeur, le naturel, et à Lhéritier, la finesse, la malice et aussi l’impayable gaucherie ! Leur importance s’accrut encore après le départ de Ravel en 1868 pour le théâtre du Gymnase.

Quelques-unes des pièces de cette époque qui, pour la plupart, employèrent ce duo :

A 73 ans, en 1882, il prit sa retraite, fêté par ses camarades en hommage à sa constante bonté et bienveillance. Il se retira dans sa maison de Batignolles, entouré de livres, de souvenirs et de ses dessins, car il avait un réel talent de dessinateur, et il avait croqué nombre de ses collègues. Mais il ne profita pas longtemps de ce repos. À peine trois ans plus tard, il fut emporté par une attaque de paralysie le 23 février 1885.

Il fut inhumé au cimetière de Clichy, dans un tombeau de famille.