Lambeaux

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Lambeaux est un roman biographique et autobiographique de Charles Juliet paru en 1995.

[modifier] Résumé

Dans Lambeaux, Charles Juliet a voulu rendre hommage à ses deux mères, l'une biologique et l'autre adoptive. Cadet d’une famille de 4 enfants, il est placé dans une famille suisse suite à l’internement de sa mère dans un hôpital psychiatrique (à cause d’une tentative de suicide). Elle mourra de faim le jour de ses 38 ans, victime de "l'extermination douce" orchestrée par les nazis.

Dans la première partie du livre, il retrace les pensées, l’hésitation, les doutes ou exprime la souffrance de sa mère grâce aux mots qu’elle n’avait pas. À la fin de la première partie, peu avant sa mort, il raconte comment sa mère a exprimé son besoin de vocabulaire :

« Je crève
Parlez-moi !
Parlez-moi !
Si vous trouviez
Les mots dont j’ai besoin
Vous me délivreriez
De ce qui m’étouffe »

La seconde partie est l'autobiographie de l'auteur : son enfance, son amour pour sa famille adoptive, ses études (école militaire d'Aix-en-Provence, service de santé militaire de Lyon puis apprentissage autodidacte de la littérature), et enfin son "éveil à soi-même" : après avoir vaincu sa longue dépression, il devient écrivain et réalise enfin "combien passionnante est la vie".


BIEN NOTER : tout le roman est écrit à la deuxième personne. Il parle de sa mère par le pronom "tu" et parle de lui-même parle le tutoyement également.

[modifier] Résumé linéaire et déroulement

Première partie : la vie de la mère biologique.

Ainée de la famille, elle s'occupe de ses trois sœurs. Elle est un peu la seconde mère de la maison, allant jusqu'à travailler tard le soir et à en tomber d'épuisement. Elle adore l'école, et obtient la meilleure moyenne de tout le canton, celle-ci étant due à son envie de manier aussi bien la langue que son professeur. Lors d'un voyage scolaire, elle découvre la ville. À la fin de l'année, elle est désespérée de devoir quitter l'école. Si bien qu'à la rentrée suivante, elle prépare son cartable alors qu'elle sait qu'elle ne pourra pas intégrer l'école puisqu'elle doit rester chez elle. Son père, répressif et intimidant, veut qu'elle travaille à la maison. Elle se résout à s'éduquer par ce qui l'entoure car elle n'a pas accès aux livres. Plus tard, elle aide une voisine et trouve une bible dans son grenier, en devient passionnée et commence l'écriture d'un journal intime. Elle raconte la bible à ses sœurs au cours d'un pique-nique familial. Un jour, le maire vient prévenir le père qu'il a malencontreusement coupé trois de ses sapins mais le père ne veut pas l'excuser, ceci choquant la fille. Une haine pour lui s'installe chez elle. Dans le village, tous les gens sont jaloux entre eux, ce qui étonne la fille. Elle se rend souvent en haut d'une colline pour réfléchir, près du village de H., et souhaite appeler ses enfants Florian et Geneviève. Elle rencontre ici un jeune homme, qui habite Paris, est étudiant en vacances chez sa tante qui habite à H. Sa famille ne sait pas la rencontre, mais la trouve transformée. Elle veut montrer son journal au garçon mais elle a peur de le décevoir. Un jour il ne vient pas, il a été atteint par une double pneumonie et sa tante n'a pas réagi assez promptement, entrainant une mort par la phtisie galopante. La famille ne sait pas la mort mais respecte la tristesse de la fille. Plus tard, elle rencontre un certain Antoine, le seul à avoir une moto dans les environs. Après le mariage, ils habitent dans une ferme qui avait appartenu à une tante d'Antoine. Il travaille désormais dans une scierie. Jamais elle n'a osé parler de son histoire avec le jeune homme de Paris à Antoine. Elle prend connaissance du bagnard, le fils d'un homme soupçonné d'avoir mis le feu à une ferme, et mis au ban simplement parce qu'il en était le fils. Elle veut le voir pour excuser la méchanceté des hommes à son égard, et accessoirement pour lui demander un chien qu'il lui donnera. Les naissances rapprochées de ses 4 enfants l'accablent. Elle en vient à être triste de ne pas s'être fait encorner son enfant dans son ventre par un taureau. Elle tente le suicide, est découverte presque morte par Martine, sa belle-sœur, puis est internée dans un hôpital psychiatrique. Un médecin découvre son carnet intime, et se rend compte qu'elle n'est pas folle du tout. Il signe un bon de sortie sous couvert qu'elle soit accompagnée de quelqu'un pour la garder. Antoine peine à trouver quelqu'un, elle finit par crier sa haine en graffiti sur un mur, ce qui la condamne définitivement. Elle meurt de faim à 38 ans.

Une femme meurtrie, accablée par un besoin chronique de parler et d'exprimer son mal-être intérieur. Elle trouvera des réconforts succincts dans son professeur qu'elle devra quitter par la suite, puis dans un petit ami qui mourra, et enfin dans un mari qui ne lui portera pas d'attention, avant de crier le mal qui la ronge : "Parlez moi, Parlez moi, si vous trouviez les mots dont j'ai besoin, vous me délivreriez de ce qui m'étouffe."

Deuxième partie : vie de l'auteur.

Il est le dernier des quatre enfants, et fut recueilli par des voisins : M. et Mme R., parents de 5 filles. Ils l'appelerent Jean, ou Jeannot. Il vivra dans une peur constante durant toute son enfance : notamment par celle que ses parents l'abandonnent, ou par la peur d'aller chercher le vin à la cave. Il apprend la mort de sa mère biologique, à ses 8 ans, ce qui ne l'affecte pas plus que ça. Il jure de ne plus contrarier sa mère, puisqu'il lui avait soutenu qu'on pouvait faire sauter un pont avec une grenade, et sa mère l'avait traité de "petit Boche". Il réussit son concours d'entrée à l'école d'Aix en Provence, devient un petit militaire et est indigné de devoir apprendre l'allemand, langue de l'ennemi, à l'école. Il veut correspondre avec sa mère mais se rend compte de son manque cruel de vocabulaire, il décide d'étudier le français du mieux qu'il pourra. Deuxième année à l'école, il apprend la boxe et commence à apprécier la femme du chef avec laquelle il aura une relation sexuelle. Il devient obsédé par cette femme. Il veut bien travailler pour elle, mais il n'arrive pas à se concentrer en cours. Les retours à la maison pendant les vacances ne sont pas terribles, il se transforme simplement de militaire à paysan. Il vient d'avoir 15 ans et entretient toujours sa relation avec la femme du chef. Un jour, il se rend à la maison de son père biologique pour lui demander s'il pourrait avoir un pull, mais ce dernier le chasse de chez lui. Il tente alors de se suicider à vélo mais il survit : il mérite de vivre. Il est marginal, reculé, rarement d'accord avec ses amis mais n'en dit rien. Sa passion pour la boxe le quitte et il se consacre désormais au rugby. Il finit sa scolarité et quitte sa vie d'adolescent : la troupe, l'école, la femme du chef, cette région qu'il aimait tout compte fait. Il entre dans une grande école et hésite entre trois métiers : enseignant, médecin ou écrivain. Il quitte finalement l'école pour se consacrer à quelque chose qu'il aime : la littérature. Il devient professeur de physique-chimie mais, une femme qui avait accepté de partager sa vie, le convainc de quitter son poste en lui disant qu'elle peut travailler pour deux. Qu'on croie en lui l'émeut. Il est pris d'une envie d'écrire mais n'arrive pas à coucher sur papier ce qu'il ressent à l'intérieur de lui, pris du même syndrome que sa mère biologique. Il commence à se dégouter, à se détester à cause de son impossibilité à réussir à transcrire sa souffrance intérieure en mots. Un jour son père biologique lui montre une photo de sa vraie mère et il commence à entreprendre des recherches. Il rencontre un vieux paysan qui a connu sa mère, va enquêter auprès de ses sœurs, lis la thèse d'un homme sur L'Extermination douce des nazis. Pendant une nuit, il se rend compte qu'il est le fautif. Si sa mère n'avait pas accouché de lui, elle ne serait pas morte. Il tente de se suicider mais n'en a pas le courage. Il entreprend de faire le récit de ses deux mères : l'esseulée et la vaillante, l'étouffée et la valeureuse.

Un jeune homme qui a hérité des cicatrices ouvertes qui meurtrissaient sa mère biologique. Malgré l'amour procuré par une mère adoptive qui le sauva du suicide moral, il deviendra écrivain et aura pour but dans la vie de faire revivre la mémoire de ses deux mères, celles à qui il doit la vie et le fait qu'elle perdure. Il couchera sur papier ce que ses mères n'ont jamais pu faire, par manque d'éducation et de vocabulaire. Lambeaux apparait comme un livre exorciseur, un puzzle de chair, reconstitué par l'auteur, mais dont il manque encore de nombreux morceaux.

[modifier] Particularités

Charles Juliet avait au début l'intention d'écrire ce livre sous forme d'une "lettre" à sa mère (ce livre était un projet de longue date : l'auteur a longuement enquêté et réfléchi sur la vie de sa mère biologique, qu'il n'a pas connue), ce livre se présente donc comme tel : il utilise le pronom tu, ce qui est la principale particularité de cette autobiographie. Il le gardera d’ailleurs pour se désigner dans la deuxième partie. À de nombreux points de vue, la construction de ce livre rappelle des "lambeaux" même si Charles Juliet a déclaré ne pas en avoir conscience en écrivant ce livre. La disposition des paragraphes tout comme le déroulement du récit suggèrent en effet des fragments d'écrits, agencés tout de fois de manière à former un tout cohérent, retraçant ainsi l'état d'esprit des personnages.

Cet ouvrage est toutefois considéré comme avant tout "un livre d'espoir", démontrant qu'il est toujours possible de vaincre la dépression et de mener finalement une existence d'autant plus heureuse.

Une autre particularité de ce roman est qu'il n'y a aucuns noms propres, aucuns noms de villes ou villages, parfois la première lettre, aucunes informations de temps, malgré quelques passages qui nous donnent une idée.