L'Insurrection prolétarienne de 1830 en Belgique

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Le livre de Maurice Bologne, l’Insurrection prolétarienne de 1830 en Belgique, a été d'abord édité en 1928 par L'Églantine, réédité par les éditions Kritak (Louvain) en 1979, avec une préface de Gerard Gale et Guido Van Zieleghem, par la revue Critique Politique (Bruxelles) en 1981, avec une postface du professeur Robert Devleeshouwer de l'ULB. Il a été à nouveau réédité en 2006 par les éditions Aden.

Sommaire

[modifier] La thèse de Bologne

Maurice Bologne défend l'idée que la Révolution belge est avant tout un mouvement de mécontentement créé par les difficultés économiques, nourri du sentiment que la Révolution de juillet en France va rendre partout possible plus de démocratie. Bologne pense aussi que la révolution belge participe d'une révolution européenne qui va s'étendre de Paris à la Pologne en passant par l'Allemagne. Pour lui, par exemple, le drapeau tricolore français qui fut le premier hissé par les insurgés participe de cet esprit révolutionnaire plus large.

Bologne pense que la révolution prolétarienne de 1830 a été trahie par la bourgeoisie un instant débordée par les émeutiers populaires (durant les journées de septembre), déterminés à poursuivre les combats alors que les chefs bourgeois désiraient traiter avec la Hollande.

Dans le Gouvernement provisoire belge formé en septembre-octobre (le vingt-six septembre), seul Louis De Potter représente ces éléments populaires et radicaux de la révolution mais il sera vite écarté du pouvoir. De fait la démocratie qui se met en place en 1830 et 1831 est un régime démocratique bourgeois déterminé par le vote censitaire qui réservait le droit d'élire les députés et les sénateurs à quarante mille personnes (alors que la population belge en comptait quatre millions). Le droit d'éligibilité au Sénat était réservé aux quatre cents propriétaires payant plus de mille florins d'impôt à l'époque.

Dans son livre, Bologne insiste par exemple sur le fait que la Brabançonne est le chant d'une Garde bourgeoise dont le but n'était, au départ, que de rétablir l'ordre, quitte à négocier avec le roi Guillaume d'Orange une sorte d'autonomie de la Belgique.

À l'intérieur des éléments les plus bourgeois de la révolution, il y avait tout de même des radicaux comme Charles Rogier. Ce groupe, que certains appellent les « Liégeois », s'éleva le 19 septembre contre toute volonté de traiter avec la Hollande, « brandissant la menace d'attirer sur Bruxelles les masses ouvrières de la Cité ardente et les mineurs borains ».

[modifier] Une lettre de Pirenne

Dans les éditions de 1981 comme de 2006, une lettre autographe d’Henri Pirenne à l'auteur est reproduite au début de l'ouvrage. Elle dit ceci : Monsieur, Agréez mes remerciements très vifs pour l'aimable envoi de votre étude sur l'Insurrection prolétarienne de 1830 en Belgique. Il y a là certainement un phénomène très important et dont on n'a pas toujours tenu assez compte. Je crois que cela provient de ce que l'on n'étudie pas assez l'histoire comme elle doit l'être, c'est-à-dire comme une science d'observation, analogue aux sciences naturelles. Quand on se place à ce point de vue, aussi indifférent aux théories qu'aux passions sociales, qu'elles soient bourgeoises ou prolétariennes, tout s'éclare et s'ordonne. Je crois qu'il y a pas plus d'histoire captitaliste ou d'histoire marxiste qu'il n'y a une mathématique marxiste ou capitaliste. Vous me direz peut-être que c'est une illusion. amis vous conviendrez en tout cas qu'elle est belle. Agréez etc.

[modifier] Critique de Jacques Logie

Jacques Logie, historien contemporain, spécialiste de la révolution belge, juge sévèrement cet ouvrage : « La thèse de Bologne a le triple défaut d'être fondée sur une documentation sommaire, sur une perception parfois schématique de l'événement, mais surtout sur une approche politique et partisane des faits. »[1].

[modifier] Le point de vue exact de Bologne

Mais par interprétation schématique, il semble cependant que Jacques Logie vise surtout l'analyse marxiste ou encore la présence, soulignée par Bologne, de deux catégories sociales dans la révolution. Et ses propres constats ne le démentent pas. Ainsi par exemple, il prétend que l'émeute au sortir de la Muette de Portici engage des éléments à la fois d'origine bourgeoise et populaire, mais il constate que la manifestation dégénère quand c'est la classe populaire qui s'en donna à cœur joie, en mettant à sac les propriétés des personnalités du régime en place...[2]. Lorsque la garde bourgeoise procède au désarmement des émeutiers populaires, Jacques Logie cite une source de Bologne, de Wargny qui prête ces propos à la foule : - Nos femmes et nos enfants n'ont pas de pain (...) - C'est vrai, c'est vrai ! - Les riches ne songent qu'à garder leur argent sans s'inquiéter de nous. - Nous le savons bien. - ILS s'arrangeront avec les Hollandais pour avoir de bonnes places et nous serons les dupes. - Il faudra voir. - C'est à nous de de défendre la patrie. Bravo ! - De chasser les étrangers qui nous mangent... [3]. Il reproche également à Maurice Bologne d'utiliser l'expression coup d'État pour désigner la formation du Gouvernement provisoire le 28 septembre, imaginant que l'auteur vise un putsch (soit l'action d' une autorité investie du pouvoir [qui] viole les formes constitutionnelles), alors que cette expression a un autre sens dans le vocabulaire de Bologne. Il ajoute que, pour la bourgeoisie à l'époque le jeu politique à l'époque était une chasse gardée et qu'elle a normalement exercé son privilège en continuant, sous une forme nouvelle peut-être, l'exercice du pouvoir[4], mais c'est aussi ce que veut dire Bologne. Il cite aussi cette déclaration du député Luzac aux États Généraux (Parlement des Pays-Bas de l'époque et qui porte encore ce nom aujourd'hui), le 30 septembre 1830 : Ces masses populaires détestent le nom de Hollandais parce qu'elles croient que, délivrées de nous, elles seront plus heureuses et leur pain moins cher. [5].

La revue d'inspiration marxiste Critique politique conclut en ces termes : Nous avons le sentiment,qu'en gros, Bologne insiste sur les même phases du mouvement que Jacques Logie (...) Nous schématiserions la chose en disant que, dans les deux cents premières pages de son livre, Jacques Logie étudie les mêmes événements que ceux observés par Bologne. C'est sur la signification de ces événements que Bologne et Logie vont profondément diverger... [6]

[modifier] Notes

  1. Jacques Logie, 1830, de la régionalisation à l'indépendance, 1980, Duculot, Paris-Gembloux, p. 210.
  2. Jacques Logie, 1830. De la régionalisation à l'indépendance, Duculot, Gembloux, 1980, p. 211
  3. Jacques Logie, op.cit., p. 116
  4. Jacques Logie, op. cit., p.212
  5. Jacques logie, op. cit., p.173
  6. L'indépendance belge in Critique Politique, n° 7-8, Bruxelles, novembre 1980-avril 1981, pp. 212-214.