Kryptie

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La kryptie (en grec ancien κρυπτεία / krupteía, de κρυπτός / kruptós, « caché, secret ») est une épreuve de l'éducation spartiate. La véritable nature de cette épreuve est sujette à discussion parmi les historiens.

Sommaire

[modifier] Sources

Quatre sources tardives (à partir du IVe siècle av. J.-C.) évoquent cette institution :

[modifier] Platon

Chez Platon (Les Lois I, 633b–c), le Spartiate Mégillos énumère les différents types de vertus pratiquées dans sa cité. Après les repas en commun (syssities), la pratique de la gymnastique et la chasse, il cite « l'endurance à la douleur ». Parmi les exercices destinés à l'acquérir, il évoque les rixes, la fête religieuse des Gymnopédies et la kryptie :

« Il y a aussi ce qu'on appelle la kryptie, exercice prodigieusement pénible et propre à donner de l'endurance, et l'habitude d'aller nu-pieds et de coucher sans couverture en hiver, celle de se servir soi-même sans recourir à des esclaves, d'errer la nuit comme le jour à travers tout le pays. »

[modifier] Scholiaste de Platon

Une scholie du passage de Platon insiste avant tout sur l'aspect éprouvant et solitaire de l'épreuve.

[modifier] Plutarque

Plutarque (Vie de Lycurgue, 28, 3–7) évoque l'envoi de groupes de jeunes gens, dotés de poignards et de vivres, chargés de tuer les Hilotes :

« Les chefs envoyaient de temps à autres les jeunes qui lui semblaient les plus intelligents dans différents endroits du pays : on ne leur donnait rien, sauf des poignards et des vivres. Le jour, ils se dispersaient dans des endroits secrets et y demeuraient cachés sans bouger ; la nuit, ils descendaient sur les routes et y égorgeaient les hilotes qu'ils pouvaient capturer. Souvent aussi ils parcouraient les champs et tuaient les plus robustes et les plus forts. »
(trad. Ozanam, 2001)

[modifier] Héraclide Lembos

Héraclide Lembos (in Fr. Hist. Gr., II, 210 ) parle d'expéditions en armes pour tuer les Hilotes.

[modifier] Interprétation

Les textes ne s'accordent pas sur le caractère solitaire ou non de l'épreuve, ni sur son niveau de sévérité (avec ou sans vivres ou nourriture). Compte tenu de la difficulté de l'expérience, elle est probablement réservée aux jeunes gens les plus aguerris. Il est certain que tous ne réussissaient pas l'épreuve. Les vainqueurs intégraient peut-être les Hippeis, l'élite de l'armée civique, mais cela n'est pas certain.

Edmond Lévy (1988) distingue deux étapes dans la kryptie : tout d'abord une sélection, puis une utilisation des kryptes, ceux qui ont réussi, contre les Hilotes, voire à la guerre : Plutarque mentionne dans sa Vie de Cléomène (28, 4) des éclaireurs kryptes lors de la bataille de Sellasia, en 222 av. J.-C..

L'objectif de l'épreuve est également peu clair. Le scholiaste de Platon en fait un entraînement à la vie militaire. Koechly (1835) et Wachsmuth (1844) ont pu rapprocher ainsi la cryptie des peripoloi athéniens (cf. éphèbe). Jeanmaire (1913) y voit plutôt un rite d'initiation comparable à ceux existant dans les sociétés secrètes (hommes-loups et hommes panthères) d'Afrique noire. Il observe ainsi que « toute l'histoire militaire de Sparte proteste contre l'idée de faire de l'hoplite spartiate un rampeur de brousse, un grimpeur de rochers et de murailles. » Pierre Vidal-Naquet (1981) approfondit cette idée. Selon lui, la kryptie n'est pas étrangère à la vie hoplitique, mais son exact contraire :

  • le krypte est nu ou faiblement armé, l'hoplite l'est lourdement ;
  • le krypte vit seul ou presque, l'hoplite est membre de la phalange ;
  • le krypte mange ce qu'il trouve, l'hoplite participe aux syssities (banquets obligatoires) ;
  • le krypte vit dans la montagne, l'hoplite dans la plaine ;
  • le krypte vit la nuit, l'hoplite le jour ;
  • le krypte tue par ruse en embuscade, l'hoplite est un combattant loyal, etc.

Il rapproche également la kryptie de l'enlèvement pédérastique (harpagê) du jeune Crétois, amené par son amant à la campagne, dans l'isolement, pour chasser.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Bibliographie

  • Jean Ducat, « La cryptie en question », in P. Brulé et J. Oulhen, Esclavage, guerre, économie en Grèce ancienne. Hommages à Yvon Garlan, Presses universitaires de Rennes, 1997 ;
  • Henri Jeanmaire, « La cryptie lacédémonienne », Revue des études grecques 26, 1913 ;
  • (la) Hermann Koechly, Cryptia : De Lacedæmoniorum cryptia commentatio, Leipzig, 1835 ;
  • Edmond Lévy :
    • Sparte : Histoire politique et sociale jusqu'à la conquête romaine, Le Seuil, 2003 ;
    • « La kryptie et ses contradictions », Ktèma 13, 1988 ;
  • Pierre Vidal-Naquet, « Le chasseur noir et l'origine de l'éphébie athénienne », Le chasseur noir. Formes de pensée et formes de société dans le monde grec, Maspéro, 1981 ;
  • Simon-Pierre Ratté, « Du neuf sur la cryptie ? », Mémoire de maîtrise, Université Laval, Québec, 2000 ;
  • (de) Wilhelm Wachsmuth, Altertumskunde: Hellenische Altertumskunde aus dem Geschichtpunkt des Staats, 2 vol., Halle, 1844.