Judith Gautier

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Judith Gautier, par Nadar.
Judith Gautier, par Nadar.

Judith Gautier, par son mariage Madame Catulle Mendès, est une femme de lettres française née à Paris le 25 août 1845 et décédée le 26 décembre 1917. Elle est inhumée à Dinard dans le quartier de Saint-Énogat.

Judith Gautier fut l'une des femmes les plus fascinantes de son époque, ayant reçu en partage le talent, la beauté et une inépuisable générosité. Avec son profil grec, ses yeux noirs légèrement bridés, sa masse de cheveux surmontant un visage très blanc et des formes sculpturales, elle eut de nombreux admirateurs : « C'est le plus parfait de mes poèmes », disait d'elle son père, le célèbre Théophile Gautier.

Sommaire

[modifier] Biographie

Fille de l'écrivain Théophile Gautier et de la cantatrice Ernesta Grisi, elle passa son enfance à la campagne dans une liberté absolue qui ne lui rendit que plus pesante son adolescence au pensionnat Notre-Dame-de-la-Miséricorde.

Lorsque son père devina son potentiel de séduction, il la fit venir auprès de lui à Neuilly-sur-Seine où elle lui servit de secrétaire. Il avait recueilli un lettré chinois du nom de Ding Dunling, réfugié politique en France, qui lui apprit la langue chinoise et l'initia à la civilisation, notamment la littérature, de l'Empire du Milieu. À vingt-deux ans, elle publia Le Livre de Jade, une collection d'anciens poèmes chinois, choisis et traduits avec l'assistance de son precepteur.

Elle évoluait dans un milieu féru d'occultisme et, avec ses yeux bridés, elle se persuada qu'elle était la réincarnation d'une princesse chinoise et écrivit sur ce thème un roman, Le Dragon impérial, qui fait irrésistiblement penser au Roman de la momie de son illustre père. Elle n'eut de cesse d'accuser son physique oriental : « médaille syracusaine devenue, par la culture d'elle-même, une Japonaise d'Hokusai, face régulière et pâle, on dirait modelée dans du kaolin, sous les cheveux noirs comme de l'encre de Chine » (Jean Lorrain).

Lisant énormément, elle faisait volontiers la critique de ce qu'elle lisait et se mit à envoyer des articles aux journaux. Ces articles plurent, et sa critique de l’Eurêka d'Edgar Allan Poe lui valut une longue lettre de Charles Baudelaire.

Son père était entouré d'un cercle cosmopolite – recevant constamment Théodore de Banville, Gustave Flaubert, Edmond de Goncourt, Charles Baudelaire, Champfleury, Arsène Houssaye, Gustave Doré... – où elle faisait des ravages. Un prince persan la poursuivit longtemps de ses assiduités, et Gustave Flaubert, qui en tomba passionnément amoureux, fut un jour fort marri d'être éconduit parce que c'était l'heure de la leçon d'occultisme de la belle. Elle finit par jeter son dévolu sur Catulle Mendès, que son père n'aimait pas, mais qu'elle épousa néanmoins en 1866.

Le jeune ménage, accompagné de Villiers de l'Isle-Adam, alla passer l'été 1869 à Lucerne auprès de Richard Wagner dont Judith fit la conquête : on dit qu'elle lui inspira les « filles-fleurs » de Parsifal et qu'il écrivit près d'elle le troisième acte de Siegfried. Elle fut une habituée de Bayreuth, enseignant au maître les subtilités des mystiques orientaux. Peut-être ne fut-elle pas sa maîtresse, mais elle fut assurément son dernier amour.

Elle fascina également Victor Hugo, qui lui écrivit l'un de ses très rares sonnets et subjugua Jean Lorrain, rencontré en 1873 lors de vacances à Fécamp.

Elle se sépara de Catulle Mendès en 1873 - officiellement en 1878 - et s'installa 31 rue Washington (VIIIe arrondissement) dans un charmant appartement rempli de bouddhas où elle tenait salon tous les dimanches. Mais elle passait aussi beaucoup de temps dans sa villa en Bretagne, où elle étudiait l'occultisme aux échos des légendes celtes.

En 1904, le comité du Prix Fémina sollicita son adhésion. Mais la consécration survint en octobre 1910, lorsqu’elle devint la première femme de l’Académie Goncourt. Élue au second couvert à la mort de Jules Renard, elle prit ironiquement la place de celui qui la désignait comme « une vieille outre noire, mauvaise et fielleuse, couronnée de roses comme une vache de concours ». Malgré l'ampleur de l'honneur, Judith siégea fort peu dans cette assemblée. On lui avait refusé la présence de sa dame de compagnie, or elle estimait peu séant d’être la seule présence féminine au milieu de tous ces hommes.

[modifier] Œuvres

  • Le Livre de Jade, poèmes (1867), sous le pseudonyme de Judith Walter
  • Le Dragon impérial, roman (1869)
  • L'Usurpateur, roman (1875), couronné par l'Académie française et republié en 1887 sous le titre La Sœur du soleil
  • Lucienne, roman (1877)
  • Les Cruautés de l'amour, contes (1879)
  • Les Peuples étranges, essai (1879)
  • Isoline, roman (1882)
  • Richard Wagner, essai (1882)
  • La Femme de Putiphar, contes (1884)
  • La Marchande de sourires, pièce, avec Pierre Loti (1888)
  • Fleurs d'Orient, contes (1893)
  • Le Vieux de la montagne, roman (1893)
  • Iskender, histoire persane (1894)
  • Les Princesses d'amour (1900)
  • Les Musiques bizarres, essai (1900)
  • Le Collier des jours, souvenirs (1904)
  • En Chine, essai (1911)
  • Dupleix, essai (1912)
  • L'Inde éblouie, essai (1913)
  • Le second rang du collier
  • Le troisième rang du collier

[modifier] Citations

De Judith Gautier :

« Indépendante j'ai vécu, indépendante je vieillis, indépendante je mourrai. »

De Remy de Gourmont :

« Voilà donc une femme dont la vie d’imagination s’est passée toute entière en Asie ; ses études et beaucoup de ses lectures ont porté sur des littératures profondément différentes des nôtres ; ses relations sociales même se sont ressenties de ce goût si prononcé pour l’exotisme. Il est difficile d’aller chez Mme Judith Gautier sans y rencontrer quelque Japonais mal travesti par le costume européen, ou deux ou trois brillants Mandarins en robe nationale, dont la tresse se balance sur leur dos, cependant qu’avec une politesse charmante ils s’inclinent. Son salon est une académie asiatique. »

De Théodore de Banville :

« La ligne du nez continue celle du front […]. Les cheveux noirs sont légèrement frisottant et crespelés, ce qui leur donne l’air ébouriffé ; le teint brun mat, les dents petites et espacées, les lèvres pourprées d’un rouge de corail, les yeux petits et un peu enfoncés, mais très vifs et qui prennent l’air malin quand le rire les éclaire, les narines ouvertes, les sourcils fins et droits, l’oreille exquise, le col un peu fort et très bien attaché, sont d’une sphynge tranquille et divine. »

[modifier] Portraits

[modifier] Références

[modifier] Bibliographie

  • Joanna Richardson, Judith Gautier, traduit de l'anglais par Sara Oudin, Paris, Seghers, 1989
  • Bettina Knapp, Judith Gautier, une intellectuelle française libertaire, traduit de l'américain par Daniel Cohen, Editions l'Harmattan, 2007

[modifier] Lien externe

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