Jeudi noir (Tunisie)

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Pour les articles homonymes, voir Jeudi noir.

Le Jeudi noir, connu aussi sous le nom d'Évènements du jeudi noir (en référence au jeudi noir du krach de 1929), se réfère à des incidents violents ayant eu lieu en plusieurs villes de Tunisie à la fin janvier 1978.

En 1978, l'économie de la Tunisie est confrontée à de graves difficultés dont l'aggravation du déficit public est le principal symptôme. Le gouvernement du premier ministre Hédi Nouira, chargé de trouver des solutions pour assainir les finances publiques, prend des mesures pour infléchir une politique économique jugée trop libérale.

Exaspérée par la ligne libérale du gouvernement Nouira ainsi que par l'appauvrissement de la population marquée par l'expérience malheureuse du socialisme menée par Ahmed Ben Salah, l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) appelle à la grève générale les 26 et 27 janvier 1978. C'est un succès et le pays connaît une paralysie totale. À Tunis, des milliers de manifestants, des jeunes venus de la périphérie de la ville, convergent vers la médina, les rues commerçantes du centre-ville et les quartiers bourgeois du Belvédère et de Mutuelleville. Ils dressent des barricades, brisent des vitrines et mettent le feu à des bâtiments administratifs. À midi, le président Habib Bourguiba signe l'ordre à l'armée d'intervenir. On dénombre finalement des dizaines voire des centaines de morts selon les sources[1]. Le bilan officiel indique pour sa part 52 morts et 365 blessés alors que l'écrivain Mohsen Toumi avance : « Nos propres estimations, à l'époque, recoupées par celles d'autres enquêteurs, aboutiront à 200 morts au moins et 1 000 blessés[2]. »

Dans l'après-midi, Bourguiba décrète l'état d'urgence et un couvre-feu qui dure près de trois mois. Abdelwahab Meddeb, autre écrivain tunisien, conclut : « On s'étonne à découvrir que le carnage du 26 janvier 1978 présente une scénographie répressive ressemblant à s'y méprendre à celle qui se déploya un certain 9 avril 1938. L'événement, qui confirmait l'entrée du Néo-Destour dans l'histoire, le 9 avril 1938, se projette sur l'événement qui prélude à sa sortie de l'histoire, le 26 janvier 1978 [...] Dans les deux cas, un processus politique échappait à l'autorité du moment. Allant crescendo, il fallait en briser l'élan[1]. » Amertume et stupéfaction gagnent donc l'ensemble de la classe politique. Ces événements marquent une profonde fracture entre le régime de Bourguiba et l'UGTT qui, jusqu'à ces événements tragiques, faisait front avec lui. Des arrestations sont donc ordonnées par la suite dans les rangs de l'équipe dirigeante de la centrale syndicale et, le 9 octobre 1978, le secrétaire général de la centrale syndicale, Habib Achour, est condamné à dix ans de travaux forcés pour atteinte à la sûreté de l'État. Il est gracié en décembre 1981 par le gouvernement de Mohamed Mzali.

[modifier] Références

  1. ab Tahar Belkhodja, Les trois décennies Bourguiba. Témoignage, éd. Publisud, Paris, 1998, p. 115
  2. Mohsen Toumi, La Tunisie de Bourguiba à Ben Ali, éd. PUF, Paris, 1989