Irvillac

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Irvillac est une commune du département du Finistère, dans la région Bretagne, en France.

Irvillac
Pays France France
Région Bretagne
Département Finistère
Arrondissement Arrondissement de Brest
Canton Canton de Daoulas
Code Insee 29086
Code postal 29460
Maire
Mandat en cours
Jean-Noël Le Gall
2008-2014
Intercommunalité
Latitude
Longitude
48.37°
-4.21°
Altitude m (mini) – m (maxi)
Superficie 29,60 km²
Population sans
doubles comptes
1 276 hab.
(2007)
Densité env. 34 hab./km²

Sommaire

[modifier] Monuments

Devant la chapelle est située une fontaine monumentale abritant, sous sa voûte, une statue en pierre de la Vierge à l'Enfant. Elle est surmontée d'un curieux calvaire de Roland Doré avec deux bras courbes comme dans les croix de procession, chacune supportant deux statues géminées, Notre-Dame et saint Yves d'une part, saint Jean et saint Pierre d'autre part. Sur le croisillon, la croix des larrons, le crucifix a disparu. La croix centrale est datée de 1664. Sur le devant de la fontaine se trouvent également deux statues. Au pied du fût se trouvent, dans des renfoncements, une statue de la Vierge et une autre du Christ ; plusieurs emplacements sont vides.

  • chapelle Notre-Dame de Lorette

Elle est située au lieu dit Coatnant ; elle date de 1629-1634.

Description de la chapelle

a) Aspect général

La chapelle, en forme de croix latine, possède trois entrées. Elle est éclairée par des grands vitraux peints situés à chaque aile et par deux petits vitraux encadrant le chœur. Elle est munie d'un clocheton, peu élevé ; une cloche y est attachée. Elle comporte une sacristie ; le sol est dallé. La voûte est lambrissée.

Au nord, une inscription est gravée sur une pierre extérieure : « Ce pignon en triangle fut fondé le 21 de novembre 1634 » (un pilier intérieur porte la date de 1629).

Au sud, une pierre sculptée, encastrée dans le mur extérieur représente la Mise au tombeau avec six personnages (cette pierre daterait de la fin du XVe siècle ou courant du XVIe). Une statue en pierre de l'Ecce Homo se situe au midi, à l'angle.

Au-dessus de la porte principale est représenté un moine franciscain, tenant un calice : cette statue de 1,07 mètre de hauteur représente saint Pascal Baylon, mort en 1592 et béatifié en 1618. Ce saint Pascal, dû à un sculpteur inconnu, rayonne de ferveur spirituelle.

b) L'intérieur

> La chapelle comporte un maître autel, et un autel dans chaque aile. Sur le lambris du chœur, on observe deux bas-reliefs en bois polychrome représentant la résurrection du Christ et l'Assomption. Dans l'aile nord, devant l'autel, se trouve un tableau du Saint Cœur de Marie et deux sibylles en bas-relief, Phrygia et Delphica. Devant l'autel de l'aile sud, se dresse un tableau du Sacré Cœur et deux autres sibylles, Persica et Hellesponteca.

> De nombreuses statues en bois polychrome ornent l'intérieur de la chapelle :

- une Vierge à l'Enfant, dite Notre-Dame de Lorette (XVIe siècle) se tient dans la niche du chevet. La tête, couverte d'un voile, est couronnée. Elle tient de la main droite une tige feuillagée, surmontée d'une petite colombe que l'Enfant Jésus caresse d'une main, tandis que de l'autre, il tient la boule du monde.

- une deuxième Vierge à l'Enfant, debout sur le croissant de lune (XVIIe siècle), les cheveux retenus par un bandeau. Elle se trouve dans l'aile nord. - une troisième Vierge à l'Enfant (XVIIe siècle).

- saint Joseph (XVIIe siècle) dans l'aile sud. - sainte Barbe, avec sa tour, dans le chœur.

- un saint diacre, la main gauche levée et ouverte, tenant de la main droite un livre fermé ; statue dans le chœur.

- un évangéliste assis, écrivant de la main droite et tenant une écritoire de la main gauche, dans l'aile nord.

- un évêque en chape, mitre et crosse, dans l'aile nord.

Lors d'une exposition régionale à Rennes en 1956 "Présence du Christ dans l'art breton", la statue de saint Pascal Baylon et le bas-relief du chœur représentant la Résurrection furent exposés.

Selon Louis Le Guennec, plusieurs statues ont été placées au musée de l'évêché, entre autres saint Wintroc ; il s'y trouvait aussi une vierge mère, dite Notre-Dame de Narguen.

c) L'environnement

Dans un article sur Coatnant, Keranforest décrit l'environnement de la chapelle : "Trois arbres, une prairie, un ciel qui se mire dans une mare, une curieuse fontaine, une chapelle, quelques maisons anciennes, voilà Coat-Nan. [...] Il ne s'agit pas d'un de ces ensembles célèbres qu'on signale au touriste. Qui connaît Coat-Nan ?

Coat-Nan est un hameau d'Irvillac, installé au bord d'un ruisseau qui court vers l'anse du joli bourg de L'Hôpital-Camfrout. Quelques maisons alignent leurs façades simples et sympathiques, le long de la "rue" qui descend sur la "place". Là, près de la grande fontaine, deux maisons, qui servirent peut-être de logis aux clercs attachés à l'ancienne chapelle. [...] Deux bâtiments bien proportionnés qui montrent des fenêtres à croisées de pierre, des portes rondes, un escalier en tourelle [...] complètent l'ensemble de Coatnan." Sans eux, "la fontaine paraîtrait orpheline, l'endroit perdrait la moitié de son attrait, cela ne fait pas de doute".

- une autre fontaine en pierres taillée est située plus haut dans une prairie. La statue du saint protecteur, saint Jean, a disparu.

2) Quelques éléments d'histoire

La chapelle fut construite entre 1629 et 1634, selon les dates portées sur le monument. Probablement existait-il déjà, avant cette construction, un édifice en ce lieu.

a) Son nom

Pourquoi est-elle appelée Notre-Dame de Lorette ? Une basilique située à Lorette, en Italie, abrite la maison de la Vierge, qui y aurait été transportée miraculeusement. Ce nom est porté par d'autres chapelles et sanctuaires de Bretagne et montre la dévotion existant, aux XVIe et XVIIe siècles, à la basilique abritant la sainte maison de Nazareth.

b) 1789-1815

En 1790, le fabricien de la chapelle est Marc Guennou, de la "métairie de Coatnant". À cette époque, le pardon a lieu le troisième dimanche d'août. Lors de la pesée des cloches, en 1792 (destinée à fournir l'armée en métal) celle de Coatnant atteignait 253 livres (contre 167 pour celle de Saint Jean). Afin d'éviter le départ de la cloche vers un avenir incertain le maire écrivit, le 8 juillet 1792, aux autorités pour défendre la chapelle et sa cloche.

c) XIXe siècle

En 1822, une restauration de la chapelle, qui tombait en ruines, fut entreprise. À cette occasion, certaines parties du monument, en mauvais état, ne furent pas réparées et des pierres taillées furent vendues à des particuliers, pour agrémenter des maisons d'habitation : c'est le cas d'une maison au Leuré qui comporte, en façade et en toiture, plusieurs belles pierres sculptées.

Le cahier des comptes de la fabrique d'Irvillac mentionne les revenus de la chapelle : 408 francs en 1865, 507 francs en 1870, 311 francs en 1879. Il est aussi précisé, à titre d'anecdote que furent payés au bedeau et aux enfants de chœur, le 11 mai 1863, 2 francs "pour leur dîner au pardon de Coatnant".

Citons les noms de quelques fabriciens : Jean Brenaut de Kergavarec (1869), M. Gouriou de Bodiler (1870), Jean Mazéas de Créac'h Menguy (1881), Alain Monfort de Kerinot (1882), Jean Quillien de Kerdadic (1883), Urbain Treguer de Mezmerc'hou (1884).

Avant la restauration de 1822, la chapelle revêtait une plus grande dimension. Sur ce point, M. Le Goff, recteur en 1902, pour faire valoir des droits sur les arbres entourant la chapelle, fit remarquer qu'ils étaient plantés sur une plate-forme entourant en grande partie la chapelle actuelle et qui constitue la base des anciens murs de la chapelle primitive.

d) Le pardon

En 1806, le recteur, M. Paugam écrivait que cette chapelle était très fréquentée par un grand nombre de pèlerins. Au début du XXe siècle, Louis Le Guennec évoque "un lieu de pèlerinage attirant les foules". De fait, ce pardon était assidûment suivi par les habitants des quartiers attachés à la chapelle. Si cette assiduité s'est réduite, le pardon est toujours célébré, en présence d'une assistance recueillie, le premier dimanche de mai.

Avant la dernière guerre se tenait, outre le pardon de mai, une autre cérémonie le premier dimanche de décembre. À cette époque, la messe du matin était suivie de vêpres l'après-midi. Une procession, qui se tenait encore dans les années 1980, se déroulait sur la route remontant sur Malenty, toutes bannières déployées.

e) Une grande procession en 1945

Un vif combat opposa, à Irvillac, le 16 août 1944, des résistants à une colonne allemande, qui se repliait de Brasparts vers Plougastel. Cet engagement, qui se déroula à la sortie du bourg, sur la route du Tréhou, causa de nombreux morts. À la suite de cet événement, il fut craint que des représailles soient exercées par les Allemands. En fait, rien ne survint.

L'abbé Le Pape, recteur, et l'abbé Marc, vicaire, décidèrent alors d'honorer la Sainte Vierge en remerciement, en amenant la statue de Notre-Dame de Lorette, basée à la chapelle de Coatnant, dans le chœur de l'église paroissiale. Il fut décidé qu'elle y resterait jusqu'au retour du dernier prisonnier de guerre. Plusieurs hommes de la commune étaient en effet toujours retenus en Allemagne.

Ainsi Notre-Dame de Lorette fut abritée, plus d'un an, dans l'église Saint Pierre. Le dernier prisonnier à revenir de captivité, en octobre 1945, fut Joseph Denniel, originaire de Forsquilly en Saint Eloy et marié à une Irvillacoise. Le retour de Notre-Dame de Lorette fut alors organisé.

Il donna lieu, un dimanche d'automne 1945, à une grande procession de l'église à la chapelle de Coatnant. Il y avait foule car l'ensemble des habitants était, pour cette occasion, présent ou représenté. La statue fut portée, en tête du cortège, par quatre personnes. En cours de route, des participants cueillirent du houx à boules rouges pour décorer la chapelle à leur arrivée. Plusieurs furent mouillés par un violent orage, qui se déclencha en cours de procession.

À cette occasion, un chant fut écrit par l'abbé Marc. En voici deux couplets :


À Notre-Dame de Coatnant


Ô, Vierge tutélaire

Toi qui porte aux cieux

Le cri de nos prières

Et de nos cœurs pieux

En ce doux sanctuaire

À l'heure du danger

Notre paroisse entière

Est venue t'implorer


À toi seule espérance

Dans un élan d'amour

Avec ferme confiance

Nous avons tous recours.

Nous te vouons nos vies

Au pied de ton autel

À Koatnan, terre bénie

Dans un vœu solennel.


ASSOCIATION WAR HENTCHOU IRVILLAG

Irvillac, une histoire, un patrimoine.

Tome 2

Gilbert Crenn et Didier Kerdoncuff

[modifier] Évènements

Les évènements d’août 1944


Les Alliés débarquent en Normandie le 6 juin 1944. Les Allemands leur opposent une résistance farouche jusqu’à la mi-août.

- À compter du débarquement, la tâche de la résistance en Bretagne est de harceler les troupes allemandes (environ 150 000 hommes dans la région) et de ralentir leur progression vers la Normandie. Une « guérilla » se traduisant par des sabotages, des déraillements de train, des attaques de soldats allemands … contribue à démoraliser les troupes ennemies. Churchill écrira d’ailleurs dans ses mémoires : « le mouvement de résistance qui comptait 30 000 hommes dans la région joua un rôle important ». Dans le même temps, les Alliés larguent des petits groupes de parachutistes afin d’aider les résistants et d’accroître la confusion sur les arrières de l’ennemi. Les Allemands, extrêmement nerveux, accentuent la recherche des résistants, qualifiés de « terroristes », et des parachutistes : cette répression est très brutale.

- Fin juillet, les Américains atteignent Avranches et réussissent à percer vers la Bretagne. L’armée du général Patton va rapidement de l’avant et libère la ville de Rennes le 4 août. Le 7 août, une avant-garde américaine arrive devant Brest où se retranchent d’importantes forces ennemies.

- La rapidité de l’avance américaine vers Brest laisse en arrière des troupes allemandes. Celles-ci cherchent, par tous les moyens, à rejoindre Brest. Cette situation donne lieu à de terribles incidents. C’est ainsi par exemple que Lesneven pavoise, le 6 août, au passage des troupes américaines ; après leur départ, des soldats allemands reviennent et tuent des civils. D’autres graves incidents ont lieu à Saint-Pol-de-Léon, Plouvien… Le 7 août, une colonne américaine progressant par le centre de la Bretagne atteint la région de Commana Sizun, puis oblique vers Landivisiau qui est libérée le 8 août.

- Entre le 8 et le 20 août, la situation est confuse et dangereuse dans notre canton. Les Américains sont proches, mais les Allemands sont toujours présents : ils ont quitté Irvillac et Daoulas mais sont fortement retranchés à Plougastel et tiennent des positions à Loperhet et Dirinon. Des groupes de résistants patrouillent dans le secteur et surveillent les routes. Plusieurs combats ont lieu durant cette période : le 10 août sur la route de Daoulas-Landerneau, le 16 août à Irvillac, le 17 août à la gare de Dirinon.

Quel est, durant cette période, l’état d’esprit des Allemands ? L’arrivée des Américains leur fait percevoir une défaite prochaine ; par ailleurs, ils sont excédés par la guérilla qui crée un climat permanent d’insécurité et aspirent à se retrancher sur Brest. Leurs réactions peuvent être extrêmement dangereuses. C’est ainsi que des Allemands en retraite sur Brest assassinent quatre civils le 6 août à Saint-Ségal ; quinze autres personnes sont fusillées le même jour à Quimerc’h. Le détachement allemand qui a sévi à Quimerc’h passe le 7 août à Daoulas : le propriétaire de l’hôtel Gabou est abattu et une autre personne est victime d’une grenade.

C’est dans ce contexte violent que se situent les évènements survenus à Irvillac entre le 5 et le 16 août 1944.

I) L’attaque du château de Kérisit

Dans la nuit du 4 au 5 août 1944, un groupe de 12 parachutistes français est largué dans la vallée de la Mignonne, à la hauteur de Runaher en Saint-Urbain. Commandé par le lieutenant Thomé, ce groupe a pour principale mission d’empêcher la destruction, par les Allemands, du pont de Plougastel.

Les parachutistes se regroupent au château de Kerdaoulas (Saint-Urbain) où le propriétaire des lieux, l’Amiral de Boisanger, les accueille et fait prévenir les résistants du secteur. Plusieurs d’entre eux rencontrent les parachutistes et il est alors décidé de réaliser un coup de main sur le « château » de Kérisit, en Daoulas, où réside un groupe d’Allemands. La date de l’attaque est fixée au jour même, samedi 5 août, dans l’après-midi.

Accompagnés et guidés par des résistants, les 11 parachutistes (l’un d’entre eux s’est blessé lors du parachutage) descendent vers Daoulas, sur 4 km environ, en suivant le côté gauche de la rivière, par une chaude après-midi. Ils surprennent vers 17 heures les Allemands postés au château : 3 Allemands sont tués et 36 autres faits prisonniers. Un parachutiste originaire de Seine-Inférieure, André Briguet, est gravement blessé lors de l’affrontement.

Alertée par le bruit de la fusillade, une colonne allemande en patrouille dans le secteur investit les rues de Daoulas. Les parachutistes doivent se replier rapidement, en abandonnant leurs prisonniers. Deux hommes de Daoulas sont tués lors de l’arrivée des Allemands. Le groupe de parachutistes se dirige alors vers le village de Guiler (Irvillac) où il va se cacher durant 48 heures environ.

Le dimanche 6 août, un Allemand en civil est arrêté sur le territoire de la commune. Il traverse le bourg, encadré par deux résistants, à l’heure de la sortie de la messe ; il est amené à Guiler où se trouve le groupe de parachutistes. Considéré comme suspect et accusé d’espionnage, il est exécuté le jour même.


II) Une brusque irruption des Allemands à Clécunan

A) la journée du 7 août

Ce jour-là, les parachutistes ont quitté le village de Guiler pour d’autres missions.

Le groupe de résistants d’Irvillac est en état d’alerte permanente et un poste de guet est installé dans le clocher. On y observe, les 7 et 8 août, le passage de troupes allemandes venant de l’Est et se dirigeant vers Brest en suivant la voie de chemin de fer, située 500 mètres plus bas.

Un des résistants part en observation vers Sizun. Il revient en annonçant que des Américains se dirigent vers Brest par Sizun-Irvillac. Les résistants décident alors de détruire les barrages antichars que les Allemands avaient fait construire sur la route de Daoulas, à la sortie du bourg. Il s’avère, en définitive, que les Américains sont allés vers Landivisiau.

Vers 21 heures, les habitants du bourg sont alertés par une fusillade se produisant du côté de Clécunan. Très peu armés à cette date, les résistants décident de rester postés au bourg. Que se passe-t-il à Clécunan ?

B) Le soir du 7 août à Clécunan

Vers 21 heures, un groupe d’une quinzaine d’Allemands fait brusquement irruption à Clécunan. Pourquoi dans ce village ? Il se dit qu’un des parachutistes avait perdu, lors de l’attaque du château de Kérisit, une carte du secteur où le village de Clécunan était souligné, probablement comme chemin de repli après l’attaque. Persuadés que les habitants du village ont aidé les parachutistes, ces soldats se livrent à une violente opération d’intimidation. Des rafales sont tirées sur les façades des maisons et dans les fenêtres ; le feu est mis à une meule de foin. Dans le même temps, les Allemands font sortir tous les habitants des bâtiments sous la menace de leurs armes. Pierre Quéméner, 21 ans, employé chez un agriculteur, sort d’une étable derrière une autre personne. Esquisse-t-il un mouvement de repli ? Un soldat lui tire instantanément une balle en pleine tête.

Puis les Allemands ordonnent aux hommes du village, y compris une personne de 80 ans, de les suivre. Ils sont menés 300 mètres plus loin à Croas Lidou et alignés devant le calvaire. Chacun pense qu’il va être fusillé. En fait, ils sont relâchés : les Allemands les avaient probablement emmenés comme otages, pour protéger leurs arrières par crainte de l’arrivée de parachutistes ou de maquisards. Les Allemands repartent alors dans leurs véhicules ; leur fureur n’est pas apaisée puisque, en passant à la gare, ils mettent le feu à un tas de foin et tirent des rafales vers les maisons.


III) Les évènements du 8 au 15 août

- Entre le 8 et le 15 août, les résistants d’Irvillac se placent en différents endroits de la commune afin de surveiller les mouvements : c’est ainsi qu’un groupe se trouve à Ménez-Cléguer, un autre route du Tréhou.

- Le 13 août, un groupe de résistants F.F.I. (Forces françaises de l’Intérieur) en provenance de la région de La Feuillée arrive à Irvillac. Fort d’environ 30 hommes assez bien armés, ce groupe appelé « compagnie Jean Riou » (du nom de leur chef tué au combat le 3 août) se poste sur la commune. Il cantonne à l’école « des garçons ».

- Le 15 août, des centaines de réfugiés brestois arrivent à Irvillac (15 000 brestois ont en effet évacué la ville pour fuir les combats). Ces réfugiés sont accueillis et répartis au bourg et dans les villages (par exemple une vingtaine de réfugiés sont basés au Crec).

Parmi les réfugiés, deux jeunes femmes accusées d’avoir servi d’interprètes aux Allemands à Brest sont arrêtées et tondues.


IV) Le combat du 16 août

Le 16 août, de très bonne heure le matin, un agriculteur vient au bourg alerter les résistants qu’une colonne motorisée allemande a emprunté la route Pont Mel, Pen Dreff, Croas Guerniel et semble se diriger vers l’Est. Comment expliquer cette irruption ? Où se dirige cette colonne ?

A) Le raid allemand sur Brasparts

À cette date, les Américains ont entamé le siège de Brest mais n’ont pas encore fermé toutes les issues, notamment celles situées au sud de l’Élorn. Or, les Allemands ont appris qu’une centaine des leurs était retenue prisonnière des FFI à Brasparts. Ils décident alors de tenter de les libérer afin, d’une part, de renforcer leurs troupes avant l’assaut des Américains et, d’autre part, de montrer qu’ils conservent toujours une capacité offensive. C’est pourquoi aux premières heures du 16 août, de nuit, un convoi composé de deux engins blindés et d’une dizaine de camions quitte Brest, traverse le pont de Plougastel et s’enfonce par Dirinon, Saint-Urbain puis Irvillac dans une région très hostile aux anciens occupants.

Pour cette mission dangereuse, les Allemands ont placé en tête du convoi un half-track pris aux Américains, en le décorant aux couleurs américaines.

Après Dirinon, les Allemands arrivent au bourg de Saint-Urbain. Il ne fait pas encore jour. Hésitent-ils sur la route à prendre ? Ils vont frapper à la porte d’une grande maison située en plein bourg. À ce moment, Jean C, âgé de 16 ans et demi, dort profondément lorsqu’il est brusquement réveillé par des coups violents sur la porte d’entrée. Son père ouvre la fenêtre de l’étage et aperçoit des soldats dans la pénombre. L’un lui crie : « nous sommes Américains, ouvrez ». Ancien combattant, le père de Jean perçoit l’accent allemand mais il ne peut faire autrement qu’ouvrir la porte. Plusieurs Allemands entrent alors dans la maison et rassemblent les occupants. L’un d’eux explique qu’ils veulent aller vers Tréflévénez. Il ordonne à Jean « Mets ta veste et viens avec nous ». Il est alors placé dans l’engin blindé de tête ou un Allemand lui précise qu’ils veulent aller, en fait, vers le Tréhou. Ils passent alors par Pont Mel, Roch’anay, Croas Guerniel, carrefour où ils s’arrêtent quelques minutes pour consulter leurs cartes. À l’approche du Tréhou, il est indiqué à Jean que la destination réelle du convoi est Brasparts. On lui dit également qu’on le ramènera chez lui au retour, ce à quoi Jean rétorque qu’il préfère rester à Brasparts où il a de la famille.

Le convoi arrive au bourg du Tréhou vers 6 heures : Il surprend et fait prisonnier deux sentinelles, résistants appartenant à la compagnie de Plounéour-Ménez, qui logeait cette nuit là au Tréhou. Les deux prisonniers, François Henry et François Nicolas, sont placés dans l’engin blindé de tête où se trouve un civil, un tout jeune homme. François Henry s’adresse à lui : « Toi aussi ils t’ont attrapé ? ». Mais le civil lui répond : « Non, ils m’ont obligé à les accompagner ». Les échanges en restent là car l’engin s’arrête et les deux prisonniers sont interrogés sur la présence de résistants dans le secteur ; une corde leur est mise autour du cou. N’obtenant pas de renseignements, les Allemands les placent, attachés, dans un camion, coupent les lignes téléphoniques et poursuivent, par Saint-Eloy, vers Brasparts.

Vers 7 heures, à Brasparts, les Allemands investissent rapidement le bourg après un bref combat où une femme et trois hommes sont tués. Ils libèrent leurs prisonniers et les réarment. Ils prennent des otages et les placent dans un camion où il leur est ordonné de s’allonger sur le plancher du véhicule, sous la surveillance de deux soldats. Le jeune de Saint-Urbain, Jean, se voit signifier « Raus » par un gradé : il va se réfugier dans une maison du bourg. Puis, le convoi prend le chemin du retour. De passage au village de Letiez en Saint-Eloy, les habitants, trompés par l’apparence du premier blindé, poussent des acclamations « Bravo les Américains » ; les Allemands les mettent en joue !

Le convoi oblique, à Saint-Eloy, vers le Tréhou ; à l’approche de ce bourg, il se met à tirer et poursuit le tir durant la traversée de l’agglomération, probablement pour tenter d’effrayer les résistants dont il présume la présence. Le convoi se dirige vers Tréflévénez mais, arrivé au calvaire situé à l’embranchement de la route de Tréflévénez, l’ensemble des véhicules fait demi-tour, revient vers le centre bourg et tourne vers Irvillac. Pourquoi un tel changement de direction : était-ce une ruse ? Les Allemands se sont-ils trompés de route ? Voulaient-ils « profiter » du passage pour arrêter un résistant, habitant dans ce quartier ? De fait ils arrêtent une personne dans une maison (ce n’est pas le résistant concerné mais un réfugié de Brest) et l’embarquent sans ménagement avec les autres otages. Ils lancent aussi des grenades et une réfugiée de Brest est blessée.

À la sortie du bourg du Tréhou, sur la route d’Irvillac, les résistants de la compagnie de Plounéour-Ménez ouvrent le feu sur le convoi mais cinq d’entre eux sont tués.

Le convoi poursuit sa route vers Irvillac. Au carrefour de Croas Guerniel, quelques résistants sont aux aguets, l’un dans un véhicule et les autres à proximité. Ils sont trompés par l’apparence du premier engin allemand, qui ouvre le feu. Le résistant se trouvant dans le véhicule est blessé. Les Allemands arrivent à sa hauteur, le sortent du véhicule et l’achèvent. Les autres résistants se replient à travers un champ de lande où des soldats engagent un début de poursuite, en vain. Le convoi, sur le qui vive, reprend alors sa route vers le bourg d’Irvillac, situé à 2,5 kilomètres plus loin.

B) Pendant ce temps à Irvillac et dans les environs

Le passage du convoi allemand par Saint-Urbain, Croas Guerniel, le Tréhou, bien que très matinal, n’est pas passé inaperçu et a été signalé aux résistants du secteur : Ils vont alors essayer de l’intercepter au retour. À cette date en effet, les Américains ne sont pas à proximité immédiate et les résistants ne peuvent compter que sur leurs propres forces. Quelles sont ces forces dans le secteur ?

- Le Bataillon René Caro

Ce bataillon, commandé par Jérôme Pouliquen, est composé de quatre compagnies dont l’une est responsable de la zone Hanvec-Le Tréhou-Sizun. Cette compagnie, la troisième, est commandée par Louis Kervella, lieutenant de réserve et instituteur au Tréhou ; elle comprend 120 hommes.

Basée à ce moment sur Rumengol, elle est alertée par une estafette. Louis Kervella comprend immédiatement que le convoi se dirige vers Brasparts. Il a en effet participé, le 6 août à Sizun, à la prise en charge d’un groupe d’une centaine d’Allemands qui ont déposé leurs armes et se sont rendus. Ce groupe a été confié à la garde d’une compagnie du Bataillon René Caro pour être dirigé à pied sur Brasparts. Dans ce bourg, les soldats sont gardés dans les écoles, les gradés étant séparés de la troupe.

Louis Kervella présume que le convoi prendra, au retour, un chemin différent de l’aller et décide de tendre une embuscade à la sortie de la forêt du Cranou, sur Rumengol. Son groupe est bien équipé depuis qu’il a récupéré l’armement des Allemands qui se sont rendus à Sizun. Une solide embuscade est donc préparée, dans un court laps de temps.

- Les groupes situés à Irvillac

À Irvillac, se trouve ce jour-là une centaine de résistants : la compagnie Jean Riou de la région de La Feuillée, forte d’une trentaine d’hommes, environ 25 résistants d’Irvillac et de la région, une quinzaine de marins du Faou et de Crozon ; un groupe de Scrignac-Berrien, commandé par le sous-lieutenant Le Foll, est également arrivé sur la commune le 15 août au soir.

L’armement de ces résistants est disparate : des fusils divers, des pistolets, des mitraillettes Sten, des carabines américaines provenant de parachutages dans la région de Berrien et deux ou trois fusils mitrailleurs. Par ailleurs, tous les hommes ne sont pas aguerris.

Les responsables décident d’intercepter le convoi allemand afin de l’empêcher de regagner Brest. Ils ignorent alors que le convoi dispose d’engins blindés et ne connaissent donc pas sa forte puissance de feu. Ils ne sont pas certains, à cette heure, de l’objectif poursuivi par les Allemands mais il apparaît clair que ces derniers vont se replier sur Brest, mais à quelle heure et par quel chemin ? Par le même chemin qu’à l’aller ? Par Tréflévénez ? Par Saint-Eloy-Malenty ? Par Hanvec ? Par une autre voie ?

Ils décident alors de surveiller plusieurs routes et de placer un dispositif d’embuscade à la sortie du bourg sur la route du Tréhou. Ils rappellent, en urgence, les groupes de résistants dispersés sur la commune et envoient un messager vers Hanvec afin de réclamer des renforts.

Un petit groupe se poste ainsi au carrefour de Malenty, situé à 1,5 km du bourg, afin de surveiller la route de Hanvec et celle de Saint-Eloy. Un autre groupe doté d’un fusil mitrailleur se place à Croas Ar Goas, à 1 km du bourg, pour surveiller une voie donnant accès à Daoulas. Quelques résistants disposant d’un véhicule vont se placer dans un but d’observation au carrefour de Croas Guerniel, situé sur la route du Tréhou à 2,5 km du bourg.

Commandée par Jean Plassart, la compagnie Jean Riou prend position ainsi que d’autres résistants de part et d’autre de la route du Tréhou, approximativement entre l’actuel monument aux morts et la dernière maison située, à gauche, avant le village de Reunguennou. Un groupe de résistants d’Irvillac, posté à Ménez-Cléguer et rappelé en urgence, se présente au bourg vers 9 heures. Mené par Yves Léon, ce groupe est immédiatement dirigé vers la route du Tréhou. Juste au moment où il atteint l’emplacement de l’actuel monument aux morts, Yves Léon aperçoit au loin sur la route un engin blindé et les tirs débutent dès ce moment. Une partie de son groupe se disperse rapidement du côté gauche de la route alors que d’autres empruntent un petit chemin situé à droite. A ce moment l’un d’entre eux, Jean Le Gall, est tué.

C) Le combat

Le convoi allemand, sur le qui vive depuis le carrefour de Croas Guerniel, a placé en tête les deux engins blindés décorés aux couleurs américaines. Trompés par cette apparence, des résistants se découvrent et les blindés ouvrent immédiatement le feu, à balles explosives. Face à une telle puissance de tir, des résistants, mal dissimulés derrière des meules de blé, cherchent à rejoindre la protection des talus mais plusieurs sont fauchés. D’autres, abrités par un talus, tirent sur les camions débâchés. La plupart des Allemands sont cependant descendus des camions et cheminent sur les bas-côtés de la route. La fusillade est intense de part et d’autre (18 impacts de balle seront relevés sur une maison). Le combat est ponctué par les hurlements des Allemands et les cris des résistants.

Dans un camion se trouvent les prisonniers et les otages, capturés à Brasparts et au Tréhou. Il leur a été ordonné de s’allonger au fond des véhicules et de se tenir immobiles. Deux Allemands les surveillent étroitement. Ils sont pris, lors du combat, dans une ambiance affreuse marquée par des hurlements et des tirs incessants. Un des Allemands du camion est tué et son sang rejaillit sur un otage, l’autre garde est blessé et tombe du camion.

L’engagement est bref et le convoi ne peut être bloqué. Il arrive ainsi au bourg. Juste avant le carrefour, un soldat lance une grenade dans une maison située sur la droite : par miracle, nul habitant n’est atteint. Les Allemands ont-ils envisagé, à ce moment, d’exercer des représailles sur la population ? Peut-être, mais ils craignent probablement l’arrivée de renforts et ne s’arrêtent pas au bourg. Cinq cents mètres plus loin, à la hauteur du village du Cosquer, un résistant isolé, Urbain Guermeur, est tué par une rafale.

À Daoulas, le convoi s’arrête quelques minutes au carrefour. Un gradé, assez arrogant, descend d’un véhicule et parle à des habitants ; il semble satisfait des résultats du raid.

D) La population durant ces évènements.

Le matin du 16 août, les habitants du bourg, pressentant que quelque chose se prépare, restent dans leur maison. Des résistants passent de bonne heure dans quelques villages, comme à Guern Bloch’hon, et demandent de ne pas sortir durant la matinée.

Tôt ce matin-là, des cultivateurs sont partis à Daoulas chercher des réfugiés brestois afin de les loger dans leur ferme. L’un d’entre eux, avec plusieurs réfugiés dans sa charrette, arrive ainsi au bourg d’Irvillac, sur la route du Tréhou. Des personnes lui déconseillent d’emprunter la route goudronnée et il guide alors son cheval vers la gauche, sur le chemin de terre passant à Poul ar Goquet : bien lui en prend car les tirs débutent alors qu’il est engagé sur cette voie. Un autre cultivateur, dont la charrette contient également des réfugiés, arrive à l’entrée d’Irvillac, sur la route de Daoulas, lorsqu’il entend une fusillade dans la direction du Tréhou. Il presse alors son cheval au plus vite et tourne brusquement à gauche, après la poste, dans la direction du Crec.

À Croas Lidou deux hommes chargent, dans un champ, une charrette de gerbes de blé ; entendant de violents tirs dans la direction du bourg, celui se trouvant en haut de la charrette saute à terre et se camoufle, tandis que son compagnon part avertir les habitants du village de Clécunan. À Croas Lidou également, quelques réfugiés brestois sont cachés aux alentours du calvaire.

E) La journée du 16 août après le combat

C’est le brusque silence ! Les Allemands sont repartis vers Brest en emmenant leurs morts, dont le nombre n’est pas connu. Les résistants et les habitants du bourg restent choqués par cette violente fusillade et l’importance des pertes : 18 morts, dont dix pour la compagnie Jean Riou, et plusieurs blessés. Ce sera d’ailleurs, pour la libération du Finistère, le combat le plus meurtrier opposant des FFI aux troupes allemandes.

Les résistants tués durant le combat sont originaires d’Irvillac (Jean Le Gall, Urbain Guermeur), d'Hanvec (René Toullec), de Tréflévénez (Pierre Bideau), de La Feuillée (Yves Jaffrès, Jean Plassart, Marcel Postic, Pierre Salaün), de Brennilis (Louis Guével, Yves Bras, Charles Person), de Botmeur (François Bothorel, Henri Kerjean), de Huelgoat (Pierre Grall, Louis Drévillon), de Berrien (Yves Begat, Joseph Goasdoué). Un Ukrainien, Nicolas Joltikov, combattant avec la compagnie Jean Riou est également tué.

Les résistants, aidés par des habitants et le vicaire, regroupent leurs morts et s’occupent des blessés : ils sont placés, dans un premier temps, à l’école des filles, route de Daoulas. Les morts originaires d’Irvillac et des communes environnantes sont ramenés dans leurs familles. Les FFI des Monts d’Arrée, durement affectés, quittent la commune le jour même avec leurs compagnons morts. Le groupe de résistants d’Irvillac se retrouve seul. Nul ne sait, à ce moment, si les Allemands vont revenir en force et se livrer à des représailles. Les résistants scindent leurs forces : un groupe se poste au Cosquer et Croas Lidou ; un autre du côté de Roc’heur et un troisième dans un bois du coté de Creach Cribin.

Craignant une action de répression de la part des Allemands, de nombreux habitants du bourg quittent les maisons pour se réfugier dans les villages chez des parents ou amis. Ils ne se réinstallent dans leurs logis que plusieurs jours après.


V) Après le 16 août

De crainte qu’un pareil événement se renouvelle, les responsables de la résistance décident d’envoyer des renforts dans le secteur. C’est ainsi qu’un groupe de FTP (francs-tireurs partisans) arrive à Irvillac le 17 août. Fort de plusieurs dizaines d’hommes et bien armé, ce groupe va stationner sur la commune durant 8 jours environ. Ces résistants arborent parfois devant leur “ PC ”, situé au centre bourg, un drapeau rouge. Des mines sont placées par eux au passage à niveau de Pont Ar Lan.

Le groupe de résistants d’Irvillac va continuer à surveiller les différents axes de communication durant le reste du mois d’août.

[modifier] Naissances

[modifier] Décès

[modifier] Liens externes

[modifier] Voir aussi