Hugues d'Avranches

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Hugues d'Avranches (v. 1047 – Chester, 27 juillet 1101), vicomte d'Avranches et 1er comte de Chester, fut l'un des grands magnats normands d'Angleterre. Il fut parfois surnommé Hugh Lupus (Hugues le Loup).

Sommaire

[modifier] Portrait

Il était le fils de Richard Goz († après 1082), vicomte d'Avranches, et d'Emma, peut-être fille d'Herluin de Conteville et d'Arlette, la mère du Conquérant, mais la filiation n'est pas prouvée.

Le chroniqueur normand du XIIe siècle, Orderic Vital, dresse un portrait négatif d'Hugues d'Avranches. « Il n'était pas libéral mais prodigue [...] Il ne gardait aucune mesure ni pour donner, ni pour recevoir ; journellement il dévastait ses biens et favorisait beaucoup plus les oiseleurs et les chasseurs que les cultivateurs et les prêtres [...] Il se livrait sans retenue à tous les plaisirs charnels »[1]. Vital lui reproche en particulier de multiplier les concubines et d'être un goinfre. À tel point qu'à la fin de sa vie, Hugues était devenu si gros qu'il pouvait à peine marcher. Il fut alors surnommé Hugues le Gros. Toujours selon le chroniqueur normand, le vicomte d'Avranches avait coutume de s'entourer d'une domesticité excessivement nombreuse. Autant de traits de caractères et d'attitudes qui scandalisaient le moine Vital.

[modifier] Hugues d'Avranches en Normandie puis en Angleterre

Il hérite de son père non seulement la vicomté d'Avranches, mais aussi d'autres terres disséminées à travers l'est de la Normandie[2].

Il devient un important conseiller de Guillaume, le duc de Normandie. Sa contribution, lors de la conquête de l'Angleterre, est de 60 navires[3]. Il participe probablement à la bataille de Hastings en 1066[2]. Après le succès de l'invasion, Hugues reçoit de nombreuses terres en Angleterre. Plus tard, vers 1071, il reçoit le comté de Chester et le titre de comte de Chester, avec des pouvoirs palatins[2], mais doit pour cela rendre les terres qu'il possède autour de Tutbury[4].

En 1082, il semble tremper dans le complot fomenté par Odon de Conteville contre Guillaume le Conquérant. Orderic Vital nous explique que Hugues commandait une troupe de chevaliers qui se préparait à quitter l'île de Wight. Ces hommes partaient-ils pour Rome afin de soutenir Odon dans son projet de devenir pape ou se préparaient-ils à renverser Guillaume le Conquérant ? Vital reste flou sur les motivations de cette expédition et sur le rôle d'Hugues[5].

Lors de la rébellion de 1088, Hugues d'Avranches est l'un des rares grands barons anglo-normands à ne pas soutenir les révoltés contre le roi[2].

En 1087-88, le nouveau duc de Normandie Robert Courteheuse engage le Cotentin et l'Avranchin auprès de son frère cadet Henri Beauclerc. Hugues en tant que vicomte d'Avranches devient un vassal de ce dernier. Henri fait fortifier ses places principales, se préparant à la guerre. Hugues et d'autres barons l'abandonnent, livrant les places qu'ils tiennent au roi Guillaume le Roux lorsque, quelques mois plus tard, Robert Courteheuse et le roi d'Angleterre Guillaume le Roux règlent leurs désaccords par le traité de Caen (1091). Les deux aînés se coalisent contre leur cadet, et plus tard, l'assiègent au Mont-Saint-Michel[6].

Hugues combat dans le Vexin contre les Français en 1097. En 1100, Henri Ier Beauclerc succéde à Guillaume le Roux sur le trône d'Angleterre. Hugues d'Avranches se rallie au nouveau souverain.

[modifier] Hugues d'Avranches face aux Gallois

Hugues, comte de Chester depuis 1071, a les pouvoirs d'un roi sur son nouveau territoire. Il a ainsi toute la lattitude nécessaire pour protéger le Royaume d'Angleterre des incursions galloises, et établir un contrôle sur tout le nord de la frontière avec le Pays de Galles. Il profite de cette opportunité pour étendre ses possessions vers l'ouest. Il pénètre le territoire adverse le long de la côte, et étend son territoire jusqu'à Bangor, où il établit un évêché en 1092, et à l'île d'Anglesey[2]. La difficulté de la tâche fait qu'il passe la majeure partie de sa vie à combattre contre ses voisins gallois.

Aidé de son cousin Robert de Rhuddlan, il soumet une grande partie du nord du Pays de Galles, grâce à des mottes castrales, des garnisons et des raids incessants[2]. Initialement, Robert tient le nord-est du territoire comme vassal d'Hugues. Toutefois, en 1081, Gruffydd ap Cynan, roi de Gwynedd, est capturé par traîtrise lors d'une rencontre près de Corwen. Gruffydd est emprisonné par Hugues dans son château à Chester, mais c'est Robert qui s'empare de son royaume, et le tient directement du roi d'Angleterre.

Quand Robert est tué lors d'un raid gallois en 1088, Hugues s'empare de ses terres, régnant ainsi sur la majeure partie du nord du Pays de Galles. Mais il perd Anglesey, et la plupart des autres territoires du Royaume de Gwynedd dans la révolte galloise de 1094, menée par Gruffydd ap Cynan, qui s'était échappé de captivité.

L'été 1098, Hugues se joint à Hugues de Montgommery, le 2e comte de Shrewsbury, dans une tentative de reconquête des terres de Gwynedd perdues. Gruffydd ap Cynan fait retraite vers Anglesey, puis est forcé de fuir en Irlande, quand une flotte de mercenaires qu'il avait engagée auprès des colonies danoises d'Irlande change de camp.

La situation bascule avec l'arrivée d'une flotte norvégienne sous le commandement du roi Magnus III dit Magnus Nu-Pieds, qui attaque les forces normandes près de la fin orientale de la Menai. Le comte de Shrewsbury est tué d'une flèche qu'on raconte avoir été tirée par Magnus lui-même. Les Normands sont contraints d'évacuer Anglesey, et l'année suivante, Gruffydd revient d'Irlande pour reprendre possession de ses terres, après être parvenu à un accord avec Hugues.

Dans cette guerre, Orderic Vital reconnaît que le comte de Chester fut brave mais aussi très cruel. En 1098, lors de la lutte sur l'île d'Anglesey, il fit ôter les yeux, couper les mains et les pieds de plusieurs captifs[7]. Les Gallois l'appelaient Hugh Flaidd, c'est-à-dire Hugues le Loup.

Il meurt en 1101 dans le monastère bénédictins Sainte-Vaubourg qu'il avait fondé à Chester et dans lequel il s'était retiré quelques jours auparavant, sentant la mort venir[2].

Il avait acquis une réputation d'homme vicieux, violent et débauché. Mais il avait un autre côté, celui de patron de monastères, d'ami d'Anselme de Cantorbéry. D'après Eadmer, il persuada ce dernier de venir en Angleterre pour prendre en charge l'installation d'une communauté de moines dans le monastère dédié à saint Werburgh de Chester[2].

[modifier] Famille et descendance

Il épousa, en 1093, Ermentrude de Clermont, fille de Hugues, comte de Clermont-en-Beauvaisis († 1081), par qui il eut un fils :

  • Richard d'Avranches (1093-1120), 2e comte de Chester. Il épousa Mathilde de Blois, la fille du futur roi d'Angleterre Étienne de Blois. Richard et Mathilde moururent lors du naufrage de la Blanche-Nef en 1120.

Il eut aussi trois enfants illégitimes connus.

[modifier] Notes et références

  1. Ordéric Vital, Histoire de la Normandie, éd. Guizot, 1826, tome 2, p.211 et tome 3, p.12
  2. abcdefgh Christopher Teyerman, voir source.
  3. Elisabeth van Houts, « The ship list of William the Conqueror », dans Anglo-Norman Studies, vol. X, 1987, p. 159-183.
  4. C. Warren Hollister, « The Taming of a Turbulent Earl: Henry I and William of Warenne », Historical Reflections, vol. 3 (1976), p.&nbsp83-91. Lire en ligne.
  5. Orderic Vital, Histoire de la Normandie, éd. Guizot, 1826, tome 2, p. 211 et tome 3, p. 165.
  6. Ordéric Vital, Histoire de la Normandie, éd. Guizot, 1826, tome 3, p. 334.
  7. Chronicle of Florence de Worcester, traduit du latin par Thomas Forester, Londres, Henry G. Bohn, 1854, p.204
  8. Ordéric Vital, Histoire de la Normandie, éd. Guizot, 1826, tome 4, p. 76
  9. C. Warren Hollister, Henry I, Yale University Press, 2001 (Yale Monarchs series), p. 342. (ISBN 0300098294)
  10. Orderic Vital, Histoire de la Normandie, Éd. Guizot, 1926, tome IV, livre XII, p. 360.

[modifier] Sources

  • Orderic Vital, Histoire de la Normandie, éd. Guizot, 1826, tome 2 et 3
  • Christopher Teyerman, « Hugh, Count of Avranches, and Earl of Chester », dans Who's Who in Early Medieval England, 1066-1272, Éd. Shepheard-Walwyn, 1996, p. 44-45, (ISBN 0856831328).
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