Homosexualité dans le Bouddhisme

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Cet article expose la position du bouddhisme à l'égard de l'homosexualité.

Sommaire

[modifier] Dans les textes

[modifier] Pour les laïcs

On ne trouve pas de texte bouddhiste condamnant l'homosexualité. Le bouddhisme conseille une conduite sexuelle éthique. Le troisième des cinq préceptes (pañca-sila) concerne l'abstention de toute mauvaise conduite sexuelle et plus généralement de garder la maîtrise des sens (en pali, langue des textes Theravada: « Kamesu micchacara veramani sikkhapadam samadiyami », qui peut également s'appliquer aux plaisirs des sens). Les cinq préceptes sont des règles de base pour la vie des hommes et femmes laïcs ayant pris refuge dans le Bouddha, le Dharma et la Sangha (voir: bouddhisme). L'homosexualité n'est donc pas (clairement) blâmée, la « conduite sexuelle éthique » est une expression générale, pour le bouddhisme l'essentiel est de ne pas s'engager dans des actions ayant pour conséquence la souffrance d'autrui ou de soi-même.

Dans les huit préceptes (attha-sila), le troisième est étendu à une interdiction complète de toute activité sexuelle.

[modifier] Pour les moines

Le seul domaine où le bouddhisme aborde directement la question des pratiques sexuelles est celui des règles monastiques, qui concernent les bonzes, hommes et femmes, mais pas les adeptes laïcs : « Si un moine pratique l'acte sexuel dans ce passage (l'anus), même si la pénétration ne dépasse pas la taille d'un grain de sésame, il est coupable d'une faute ».

[modifier] Les sources de la morale bouddhique

Les sources de la morale bouddhique sont à chercher dans le corpus du brahmanisme. Or si Bernard Sergent, un élève de Dumézil (L'homosexualité dans la mythologie grecque paru chez Payot) a prétendu que l'homosexualité y était tabou, rien n'a été trouvé de probant à cet égard. En compulsant une version française du Dharma Shastra, on a pu trouver deux attestations contradictoires. Dans un cas, celui qui faute perd sa caste. Dans l'autre un petit bain rituel suffit à la racheter. Ce qui n'est pas sans rappeler certains passages du Lévitique chez les hébreux.

Côté bouddhique une dérivation reste à établir avec le brahmanisme et il faut savoir qu'il existe plusieurs versions des « dix actes négatifs » dont parle la religion du Bouddha. Dans la plus succincte on ne doit pas voler le partenaire d'un autre, ne pas avoir de relations sexuelles à proximité de lieux ou d'édifices religieux tandis que dans les versions extensives on retrouve quelque chose de très semblable à la défense chrétienne de s'unir en ayant recours aux « vases » qui ne conviennent pas (sodomie au sens moderne).

Il faut ajouter à cela que la pédérastie qui fut en usage dans certaines sectes monastique japonaises et qui aurait été constatée par François Xavier, au milieu du XVIe siècle, constitue manifestement un dérapage incompatible avec la morale monastique bouddhique originelle. D'après Éric Rommeluère[1] :

« Les moines étaient généralement issus de la noblesse et de la classe guerrière où les amours pédérastes, perçues comme un raffinement culturel, étaient tenues en haute estime alors que les relations entre hommes et femmes étaient le plus souvent dévalorisées. […] L'exemple japonais reste bien entendu marginal […] ».

[modifier] Le point de vue du Dalaï Lama

Le XIVe Dalaï Lama a, dans les premières années de son exil, déclaré que le bouddhisme ne tolérait pas l'homosexualité. Ce point de vue est repris dans plusieurs interviews (ex : Extraits d'une entrevue au magazine français Le point, 22 mars 2001, Entretien avec le Dalaï Lama) en parlant de l'homosexualité le Dalaï Lama déclare :

« Cela fait partie de ce que nous, les bouddhistes, appelons « une mauvaise conduite sexuelle ». Les organes sexuels ont été créés pour la reproduction entre l'élément masculin et l'élément féminin et tout ce qui en dévie n'est pas acceptable d'un point de vue bouddhiste […] ».

Cette déclaration a beaucoup étonné et est sujette à plusieurs critiques au sein de la communauté bouddhiste. Suite aux réactions de la communauté homosexuelle américaine, le Dalaï Lama s'est publiquement excusé de ces propos, déclarant que :

« seuls le respect et l'attention à l'autre devait gouverner la relation d'un couple qu'il soit hétéro ou homosexuel[1] ».

Notons tout d'abord que le Dalaï Lama expose son point de vue de principal chef religieux du bouddhisme tibétain, qui n'engage pas d'autres communautés bouddhistes. Il n'est pas établi que d'autres grandes figures ou chefs de lignées, même du bouddhisme tibétain, tel que le Karmapa, approuvent cette déclaration. Il n'y a pas, de clergé hiérarchisé dans le bouddhisme. Si l'actuel Dalaï Lama est généralement extrêmement respecté par les diverses communautés bouddhistes, c'est plus pour ses connaissances et le niveau de sa pratique spirituelle, que pour son titre. Il n'est pas inutile de rappeler qu'il n'en représente qu'une minorité (l'école tibétaine Gelugpa ne rassemblant qu'environ 3 à 4% des bouddhistes dans le monde).

Le Dalaï Lama expose généralement à l'intention du public une interprétation de la doctrine bouddhiste toute de tolérance. En cette occasion, il donne une interprétation du troisième précepte appliquée à l'homosexualité, dans la mesure où, il le dit, cette sexualité n'a pas pour objet la reproduction. C'est donc qu'elle est toute tournée vers le plaisir des sens, et contrevient alors au troisième précepte. Le XIVe Dalaï Lama est connu pour rejeter l'apologie du sexe et d'un mode de vie tourné vers l'assouvissement des plaisirs des sens des sociétés occidentales, ce qui est parfaitement compréhensible du point de vue du troisième précepte.

[modifier] Interprétation dans le Bouddhisme Theravada

D'après A. L. De Silva[2], dans le Theravada, l'homosexualité doit être jugé de la même manière que l'hétérosexualité. Le cas de l'homme et de la femme laïcs où il y a consentement mutuel, où l'adultère n'est pas impliqué et où l'acte sexuel est une expression de l'amour, du respect, de la fidélité et de la chaleur humaine, ne contredit pas le troisième précepte. Il en va de même quand les deux personnes sont du même genre.

De même la promiscuité, la débauche et la négligence pour les sentiments d'autrui rendraient un acte sexuel incorrect qu'il soit hétérosexuel ou homosexuel. Tous les principes par lesquels nous avons l'habitude d'évaluer un rapport hétérosexuel permettent également d'évaluer un acte homosexuel. Dans le bouddhisme Theravada, ce n'est pas l'objet du désir sexuel qui détermine si un acte sexuel est incorrect ou pas, mais plutôt la qualité des émotions et des intentions impliquées.

[modifier] Sociétés bouddhistes

Si le Dalaï Lama, et la doctrine bouddhiste, sont généralement très tolérants, cela n'est pas forcément le cas des sociétés imprégnées par le bouddhisme, qui sont souvent des sociétés « traditionnelles ». L'interprétation du troisième précepte peut ainsi être plus ou moins tolérante selon les lieux, les époques, et les écoles du bouddhisme.

[modifier] Sociétés traditionnelles

On peut dire que la sexualité homosexuelle n'est pas explicitement condamnée par les sociétés bouddhistes, ce qui explique l'impression de tolérance ressentie en Asie du Sud-Est. La société est peu critique ou hostile envers deux hommes qui seraient perçus comme homosexuels en Occident.

En revanche, d'un point de vue personnel, la personne homosexuelle subit une pression sociale implacable pourqu'elle se marie, fonde une famille et offre une postérité à ses parents ou ses beaux-parents.

Aussi, plus que l'homosexualité, c'est le célibat de l'homosexuel(le) qui est attaqué par les sociétés traditionnelles.

[modifier] Influences coloniales

L'homosexualité est interdite au Sri Lanka et en Birmanie ce qui pourrait refléter l'influence du colonisateur britannique. En effet, la Thaïlande, jamais été colonisée et le Viêt Nam qui l'a été par la France[3], ne connaissent pas cette interdiction dans leurs textes de lois. La population vietnamienne dans son ensemble semble condamner l'homosexualité mais sans demander de sanctions. Il semble que le gouvernement la condamne, et pourrait aller jusqu'à engager des poursuites pour conduite immorale par exemple, mais seulement dans les cas extrêmes de comportements provocateurs. Quelques cas de mariages homosexuels ont été annulés. Cependant, le simple fait que ces mariages aient seulement eu lieu en dit long sur la tolérance dont jouissent les homosexuels des deux sexes.

Il semble que le laisser-faire et éventuellement la moquerie soient la règle de conduite de la population pour un acte par ailleurs généralement désapprouvé dans les pays fortement influencés par le bouddhisme. Historiquement, il n'y aurait jamais eu de persécution des homosexuels dans ces pays.

[modifier] Conclusion

Par le troisième précepte, le bouddhiste a un discours moralisant modéré sur la sexualité en général, mais il laisse une large part à l'interprétation concernant l'homosexualité. En tout état de cause, celle-ci n'est directement condamnée par aucun enseignement. Il semble que l'homosexualité puisse être jugée de la même manière que l'hétérosexualité.

Dans les faits, les populations et les législations nationales sont généralement réprobatrices mais tolérantes, à l'exception des pays colonisés ayant conservé les législations héritées de l'empire britannique.

[modifier] Références

[modifier] Sources

  1. ab (fr) Éric Rommeluère, Bouddhisme, dans le Dictionnaire de l'homophobie, sous la direction de Louis-Georges Tin, Paris, PUF, 2003, pp. 69-70. Article Bouddhisme accessible en ligne.
  2. (en) A. L. de Silva, homosexualité et bouddhisme theravada : « the Buddha sometimes advised against certain behaviour not because it is wrong from the point of view of ethics but because it would put one at odds with social norms or because its is subject to legal sanctions ».
  3. La France du XIXe siècle est, rappelons-le, permissive de ce point de vue.

[modifier] Voir aussi


[modifier] Réserve sur les « commentaires d'un moine »

La version liée ci-dessus n'est pas la version originale du texte cité et elle appelle bien des remarques. Voir la page de discussion.