Habitat passif

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Maison passive à Darmstadt, en Allemagne
Maison passive à Darmstadt, en Allemagne

L'habitat passif est une notion initiée en 1990 par l'ingénieur Wolfgang Feist pour qualifier un bâtiment dont la consommation énergétique au m² est très basse, voire entièrement compensée par les apports solaires ou émises par les apports internes (matériel électrique et occupation).

Une maison passive réduit d'environ 80% les dépenses d'énergie de chauffage par rapport à une maison neuve construite selon les normes allemandes d'isolation thermique de 1995, normes déjà très exigeantes.

Le programme CEPHEUS (Cost Efficient Passive Houses as EUropean Standards) a contribué à développer le concept de bâtiment passif. Dans ce cadre, l’Europe a financé des réalisations faites dans 5 pays : en Allemagne, en Autriche, en France, en Suisse et en Suède. Chaque pays participant devait démontrer la faisabilité technique et la rentabilité du projet et permettre la reproductibilité de ce type de construction.

Sommaire

[modifier] Historique du concept

Les principes de bases (murs passifs et utilisation du solaire) remontent à l’antiquité mais ils bénéficient de savoirs et matériaux nouveaux. Il existait déjà des bâtiments économes en énergie (low-energy house), et une norme allemande ( Niedrigenergiehaus Passivhaus, en allemand ), ainsi que des normes suédoises ou danoises très exigeantes et adaptées aux pays froids. Mais la construction passive est devenue un standard de qualité dans plusieurs pays (Allemagne, Suisse et pays nordiques notamment).

Dr Feist, fondateur du Passivhaus Institut and co-auteur du concept
Dr Feist, fondateur du Passivhaus Institut and co-auteur du concept
Prof. Bo Adamson, co-auteur du concept
Prof. Bo Adamson, co-auteur du concept

Le concept de construction passive a été développé dans les années 1970, mais a été formalisé en 1988 par le Pr Bo Adamson de l’université de Lund, (Suède) et Wolfgang Feist (Institut für Wohnen und Umwelt / Institute for Housing and the Environment [1]). ) Il a été développé grâce aux aides du Land allemand de Hessen avec une premières rangée de 4 maisons (à terrasses) construites pour des familles, par les Professeurs et architectes Bott, Ridder et Westermeyer. Le concept a été validé à Darmstadt, avec une économie de chauffage de 90% par rapport aux standards de l’époque.
Puis un groupe de travail a été créé en 1996 pour développer techniquement et économiquement le concept en planifiant la production de matériaux, labels ou certification pour les fenêtres, ainsi que pour des systèmes de ventilation à hautes performances. Des maisons passives ont été construites à Stuttgart (1993), Naumberg, Wiesbaden, et Cologne (1997) [2] et la filière s’est développée avec le soutien de l’ union européenne via le programme CEPHEUS qui a validé le concept dans 5 pays européens l'hiver 2000 - 2001. Quelques procédés ont été inventés pour la construction passive (ex : briques creuses collées de type Monomur). Des normes et labels ont été spécialement créés, d’autres sont de simples améliorations de techniques et technologies existantes (surisolation par exemple).

[modifier] Principes

La conception d'un habitat passif se base sur six grands principes :

  1. Isolation thermique renforcée, fenêtres de grande qualité
  2. Suppression des ponts thermiques
  3. Excellente étanchéité à l'air
  4. Ventilation double flux avec récupération de chaleur
  5. Captation optimale, mais passive de l'énergie solaire et des calories du sol
  6. Limitation des consommations d'énergie des appareils ménagers

[modifier] L'isolation thermique

Principe de la maison passive, ici avec puits canadien.
Principe de la maison passive, ici avec puits canadien.

L'isolation thermique est le principe de base de la maison passive. Elle doit être hautement performante et appliquée sur toute l'enveloppe extérieure du bâtiment, sans interruption ni brèche afin de limiter les ponts thermiques. La construction doit être assez compacte afin de limiter sa surface extérieure. Toutes les parties opaques du bâtiment sont à isoler de façon optimale. En principe pour le climat européen central, leur coefficient de transmission de chaleur U ne doit pas excéder 0,15 W/m²K mais il est recommandé actuellement que cette valeur atteigne les 0,10 W/m²K. Pour comparaison, la RT2005 (Réglementation Thermique française) impose un maximum de 0,45 W/m²K et une valeur référence de 0,36 W/m²K pour les murs en contact avec l’extérieur. Les caractéristiques des fenêtres sont aussi très importantes (il est inutile de réaliser une isolation performante des parties opaques si tout est gaspillé par les parties transparentes...). En effet, le coefficient de transmission U ne doit pas dépasser 0,8 W/m²K ce qui est très inférieur à la référence RT2005 qui est de 1,8 W/m²K avec une valeur limite de 2,6 W/m²K. Compte tenu de ces caractéristiques le triple vitrage est souvent utilisé. Plus que le vitrage en lui-même, c'est l'ensemble de la fenêtre qui doit être cohérent. Il faut notamment veiller à ce que son installation dans le bâti soit réalisé "maison passive" (ce n'est pas la peine de d'installer un vitrage coûteux si toute l'énergie file entre le bâti et la fenêtre). Pour le climat français, un peu plus doux que celui de l'Allemagne, il est possible de réduire la valeur de U (mur, toiture, sol, fenêtre) et de l'optimiser grâce à des calculs effectués avec le tableur PHPP (Passivhaus Planning Package) fourni par le Passivhaus Institut.

[modifier] La suppression des ponts thermiques

A partir du moment où le bâtiment est très sérieusement isolé, les ponts thermiques, c’est-à-dire les endroits où la chaleur s’échappe plus vite qu’à d’autres, doivent être limités au maximum. Ceux-ci sont généralement dus à l’assemblage des éléments porteurs de l’édifice ou aux balcons. Dans la maison passive, il s’agit de réduire ces zones de manière drastique. En effet au niveau d'isolation nécessité par le concept de maison passive, les éventuels ponts thermiques prennent une part excessive dans les déperditions de chaleur.

[modifier] L'étanchéité à l'air

Les déperditions par une mauvaise étanchéité à l'air peuvent être très préjudiciables au rendement énergétique. La continuité de l'étanchéité à l'air doit être soigneusement étudiée dès le stade de la conception, en portant une attention particulière aux liaisons entre les éléments, aux encadrements de baies et aux pénétrations (conduits de cheminée, canalisations,..), aux qualités des isolants, etc. Pour vérifier la bonne étanchéité du bâtiment, on effectue après la construction un test d'infiltrométrie.

[modifier] La ventilation

Limiter les déperditions thermiques sous-entend de s'isoler complètement de l'extérieur. Un système de ventilation à double-flux avec récupération de chaleur installé dans la maison passive permet de gérer les flux d'air dans le bâtiment et de chauffer ou rafraichir l'air intérieur. L’utilisation d’un échangeur thermique air/sol (puits canadien ou provençal ou circuit eau) permet de préchauffer l’air en hiver et de le rafraichir en été, avant qu’il n’entre dans le bâtiment. En intersaison, la température de confort se situant entre 18 et 22°C, le système sera court-circuité. En outre une bonne ventilation permet de limiter le contact avec les produits toxiques générés dans l'habitat et ainsi de mieux préserver sa santé. Les échanges d'air recommandés sont 0,3 ACH (changements d'air par heure), au-delà l'air est trop sec en hiver. Le bas niveau de renouvellement implique une qualité des finitions qui minimise l'exposition aux COV's, formaldehydes, etc.

[modifier] Le solaire passif

La thermographie montre dans l'infra-rouge que la construction passive (à droite) perd beaucoup moins de calories (couleurs chaudes) qu'une construction classique (au fond).
La thermographie montre dans l'infra-rouge que la construction passive (à droite) perd beaucoup moins de calories (couleurs chaudes) qu'une construction classique (au fond).
En plus de l'échangeur thermique, (au centre), une micro pompe à chaleur extrait des calories de l'air et de l'eau sortant pour les réinjecter dans l'air ou l'eau de la maison. Le contrôle de la température intérieure par la ventilation est le fondement des systèmes passifs.
En plus de l'échangeur thermique, (au centre), une micro pompe à chaleur extrait des calories de l'air et de l'eau sortant pour les réinjecter dans l'air ou l'eau de la maison. Le contrôle de la température intérieure par la ventilation est le fondement des systèmes passifs.

Pour valoriser le potentiel fourni par le soleil en hiver, au printemps et en automne, il est nécessaire de capter sa chaleur, la stocker et la restituer. L'énergie solaire est captée par les parties vitrées de la maison. Ces vitrages isolants sont dimensionnés selon l'orientation du bâtiment : 40 à 60% de surface vitrée sur la façade sud, 10 à 15% au nord, et moins de 20% sur les façades est et ouest. L'énergie solaire, qui pénètre via les fenêtres, est stockée à l'intérieur par des matériaux à forte inertie. La chaleur accumulée dans le bâtiment doit être restituée dans la pièce par convection et rayonnement, avec un étalement dans le temps. Afin d'éviter l'inconfort occasionné par les surchauffes en été, l'ensoleillement direct des façades est à maîtriser grâce à des protections solaires constructives (auvent, pare-soleil, persienne,…) et à des vitrages avec un facteur solaire suffisant pour limiter les apports énergétiques. Ces mesures constructives peuvent être complétées par des stores et une protection végétale.

[modifier] Des appareils ménagers économes

Pour ne pas dépenser inutilement ce qui a été gagné par ailleurs, le concept de maison passive fixe une valeur maximale de consommation énergétique globale en terme d'énergie primaire consommée (ce qui permet à tout un chacun de réfléchir aux énormes déperditions d'énergie causées par l'utilisation des énergies fossiles...) qui nécessite généralement l'utilisation d'appareils faibles consommateurs d'énergie. Si l'on utilise l'électricité par exemple, les 120 kWh/(m2.an) d'énergie primaire correspondent donc à 120 / 2,58 (le coefficient de rapport énergie primaire/énergie finale que l'on connait bien avec le DPE) soit donc un maximum de 46 kWh/(m2.an) de consommation totale de la maison. Comme le chauffage en prend déjà 15 kWh/(m2.an), on se rend compte qu'il reste bien peu pour se conformer au concept de maison passive. Donc l'utilisation d'appareils énergétiquement efficaces devient un impératif, ce qui apporte en outre l'avantage de ne pas constituer un système de chauffage parallèle.

[modifier] Définition

Le standard de maison passive vise essentiellement à réduire les consommations, somme toute largement inutiles de nos maisons. Pour qualifier ce qui a été dit plus haut, les "3 critères" définissant une maison passive ont été établis comme suit:

  • Consommation d'énergie de chauffage < 15 kWh/(m2.an).
  • étanchéité à l'air: test de la porte (blower door). n50 < 0,6 h-1.
  • Consommation totale d'énergie de la maison < 120 kWh/(m2.an) d'énergie primaire.

Comme on le voit, le concept de "maison passive" correspond à une habitation à très basse consommation énergétique.

[modifier] Coût

Une maison passive coûte entre 7 et 15% de plus qu'une maison traditionnelle. Selon les cas, l'investisseur rentre dans ses frais entre une dizaine et une vingtaine d'années grâce aux économies d'énergie réalisées.

[modifier] Freins

Un des freins identifiés est le manque d'artisans qualifiés, d'architectes formés à ces standards et la hausse des coûts entrainée par une demande qui dépasse l'offre. Pour diminuer la consommation énergétique des bâtiments de 22% d'ici à 2010 en Europe, une Directive "performance énergétique des bâtiments" (EPBD) est en cours de transposition en 2007 dans les droits nationaux, elle pourrait éventuellement encourager la formation.

Mais les 1ères Assises françaises de la construction passive, en 2007 visent à encourager :

  • la construction au standard passif (ce qui implique de mieux former les architectes, artisans, les élus et maîtres d'ouvrages, etc),
  • l'utilisation de bois régional pour le développement local et la diminution de l'empreinte écologique,
  • le soutien aux filières de production de la construction passive, pour répondre aux attentes du marché.

[modifier] Enjeux

Le secteur du bâtiment est en Europe le premier consommateur d'énergie primaire (40% de l'énergie totale consommée) devant les transports (30%) et l'industrie (30%). Il est responsable de plus de 40% des émissions totales de CO2. Les économies d’énergie sont un enjeu économique et écologique majeur pour ce secteur. Les maisons passives et/ou « énergiquement positives » qui existent par milliers en Allemagne et Suisse montrent que les solutions techniques existent. Reste à les généraliser pour tenir l'objectif du facteur 4, ou du facteur 9 (diviser par 9 les consommation pour un service équivalent). Alors que le prix du pétrole et de l’énergie devraient inéluctablement augmenter (Cf. manque de pétrole, Manque d’uranium à partir de 2024 selon l’AIEA). Une Directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments vise à réduire leur consommation énergétique de 22% d'ici 2010.

[modifier] Critiques

Les principales critiques faites aux standards passifs, sont qu'ils véhiculent une image de haute-qualité, sans imposer de qualité écologique ni sociale ou en terme de commerce éthique quant aux matériaux utilisés (toxicité, provenance) ou à la main d'œuvre et à la santé et sécurité au travail (cf. salaire des ouvriers, etc.). Ce standard est d'ailleurs parfois confondu avec ceux du HQE, qui sont plus larges (14, voire 15 cibles) mais sans commune mesure de performance au niveau énergétique. Les marques suisses Minergie® Eco (écologique) et Minergie® P-Eco (passif et écologique) affirment répondre à ces critères. Minergie® Eco intègre dans ses critères la qualité écologique des matériaux, le confort et la santé des occupants, la gestion des déchets, ainsi que le bilan en énergies grises des matériaux et des transports associés à la construction du bâtiment.
Les formes architecturales sont moins complexes, et souvent jugées architecturalement plus pauvres. Ceci résulte de la volonté d'avoir un bâtiment compact.
En raison du faible nombre de fenêtres ouvrantes de certaines constructions, les claustrophobes peuvent se sentir enfermés dans ces maisons (par ailleurs très bien insonorisées), même si le renouvellement d'air y est souvent mieux assuré que dans un appartement moderne classique. Des éléments-tampon de type véranda et des baies vitrées élargies peuvent atténuer ou faire disparaitre ce sentiment, mais avec une augmentation de coût à la construction. Ce sentiment est par ailleurs souvent rapidement compensé par un confort thermique et sonore accru.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes

[modifier] Informations générales

[modifier] Exemples résidentiels