Guirlande de Julie

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La Guirlande de Julie
La Guirlande de Julie

La Guirlande de Julie est un célèbre manuscrit poétique français du XVIIe siècle.

[modifier] Histoire

Vers le milieu du siècle, le salon de l’Hôtel de Rambouillet était le lieu de rendez-vous de nombreux aristocrates, écrivains et avocats célèbres. L’un d’entre eux, le duc de Montausier, qui devint goûteur du Dauphin, tomba, vers 1631, amoureux de Julie d'Angennes, dite « l’incomparable Julie », fille du marquis et de la marquise Catherine de Rambouillet.

Décidant, pour charmer la jeune femme qui était l’objet de son admiration et de son culte, de lui offrir un ouvrage surpassant tout ce qui pouvait se voir alors de plus singulier et de plus délicat en galanterie, il eut l’idée de demander aux habitués du salon de sa mère, parmi lesquels les gens de lettres et quelques beaux-esprits de ses amis Georges de Scudéry, Desmarets de Saint-Sorlin, Conrart, Chapelain, Racan, Tallemant des Réaux, Robert Arnauld d'Andilly, père et fils, Arnauld de Corbeville, Arnauld de Briottes, le capitaine Monmor et son cousin, l’abbé Habert, Colletet, Claude Malleville, Philippe Habert, le chevalier de Méré, Antoine Godeau, dit le nain de la Princesse Julie, Pinchesne, peut-être Pierre Corneille et le marquis de Rambouillet, d’écrire des poésies où chaque fleur chanterait les louanges de Julie. Il en résulta un des manuscrits les plus extraordinaires du XVIIe siècle et un des points culminants de la société des Précieuses.

Il commença, en 1638, à composer les madrigaux dont l’ensemble devait former tout un livre à la louange de Julie. Lui-même en composa seize, dont la Tulipe flamboyante :

Permettez-moi, belle Julie,
De mêler mes vives couleurs
À celles de ces rares fleurs
Dont votre tête est embellie :
Je porte le nom glorieux
Qu’on doit donner à vos beaux yeux

On a surtout cité le quatrain de Desmarets sur la Violette dont la conclusion :

Mais si sur votre front je puis me voir un jour,
La plus humble des fleurs sera la plus superbe,

était celle de la plupart des madrigaux. Ainsi, celle de la Tulipe, de Corneille, se termine ainsi :

Pour trône donne-moi le beau front de Julie ;
Et si cet heureux sort à ma gloire s’allie,
Je serai la reine des fleurs.

Le texte fut alors calligraphié sur vélin, en ronde, avec une admirable perfection par le célèbre calligraphe Nicolas Jarry et la fleur citée dans chaque poème peinte par Nicolas Robert, alors fort renommé, le même qui commença le Recueil des vélins de la Bibliothèque du roi. Le manuscrit comprenait 490 feuillets in-folio. Après le titre, venaient trois feuillets de garde, suivis du faux-titre formé par une guirlande de fleurs au centre de laquelle étaient écrits ces mots : la Guirlande de Julie. Trois autres feuillets blancs séparaient ce frontispice d’une seconde miniature qui représentait Zéphyre tenant une rose de la main droite et, de la gauche, une guirlande de vingt-neuf fleurs. Parmi les autres feuillets, vingt-neuf portaient chacun une fleur peinte en miniature ; les autres présentaient un ou plusieurs madrigaux relatifs à chaque fleur. Les madrigaux étaient au nombre de soixante-deux. La reliure, en maroquin rouge, avec les lettres J et L enlacées, était l’œuvre de Le Gascon, l’un des plus habiles relieurs français.

Après la mort du duc de Montausier, qui survécut à sa femme, ce précieux volume passa à la duchesse de Crussol-d’Uzès, et fut possédé plus tard par le duc de La Vallière. Lors de la vente de la bibliothèque de ce dernier, il fut acheté 14 500 livres par des Anglais. Il a été racheté depuis par la fille du duc de La Vallière. Le manuscrit est actuellement conservé au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France.

Jarry fit, du même manuscrit, une copie en bâtarde se composant de 40 feuillets in-8° qui ne contient que les madrigaux, sans peintures. Elle a été payée dans des ventes successives : 406 fr., 622 fr. et 250 fr. Un troisième manuscrit, moins remarquable, a figuré à la vente Debure.

Le texte de la Guirlande de Julie fut publié pour la première fois en 1729, mais plusieurs poèmes avaient déjà paru dans divers recueils. Il fut ensuite réimprimé plusieurs fois (Paris, 1794, in-8° ; 1818, in-18 ; 1824, in-18, avec figures coloriées).

[modifier] Extrait

La Fleur de Grenade, par Arnauld de Briottes

D’un pinceau lumineux, l’astre de la lumière
Anime mes vives couleurs,
Et régnant sur l’Olympe en sa vaste carrière,
Il me fait régner sur les fleurs.
Ma pourpre est l’ornement de l’empire de Flore :
Autresfois je brillay sur la teste des roys
Et le rivage more
Fut sujet à mes loix.
Mais méprisant l’éclat dont je suis embellie,
Je renonce aux flambeaux des cieux,
Et viens, ô divine JULIE,
Adorer tes beaux yeux
Pour vivre par leurs feux d’une plus noble vie.
Je viens par une belle ardeur
À la honte du ciel achever ta grandeur :
Il te devoit une couronne
Et moi, je te la donne !

[modifier] Bibliographie

  • Denis Lopez, La Plume et l’Épée, Montausier (1610-1690), position sociale et littéraire jusqu’après la Fronde, PFSCL, Paris-Seattle-Tuebingen, Biblio 17, 1987, I, Ch. VI, p. 117-41.
  • Denis Lopez, « Guirlande de Julie, » dans Dictionnaire du Grand Siècle, François Bluche, édit., Paris, Fayard, 1990, p. 696.
  • Denis Lopez, « Scudéry et la Guirlande de Julie » dans Les Trois Scudéry, Paris, Klincksieck, 1993, p. 69-79.
  • Jean Lesaulnier, « Les Arnauld à l’hôtel de Rambouillet » dans Images de Port-Royal, Paris, Nolin, 2002, p. 45-62.
  • Jules Tellier, « La Guirlande de Julie » Le Parti national, 27 novembre 1887.
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