Georges Rocher

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Georges Rocher (1927 - 1984) est un peintre français.

Sommaire

[modifier] Biographie

Georges ROCHER est né à Casablanca (Maroc) le 11 novembre 1927

  • A 8 ans (1935) : il est élève du peintre portraitiste Maurice REIFF
  • A 10 ans (1937) : élève du Professeur BRINDEAU, Directeur des Beaux-Arts de Casablanca
  • A moins de 16 ans (1943) : exposition au « Salon de l’Automobile Club » de Casablanca
  • 1944 : présentation d’une trentaine de toiles à la Galerie DERCHE et exposition au « Salon des Artistes Indépendants » de Casablanca
  • A 17 ans (1945) : élève-libre de l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Paris , chez Maître SOUVERBIE, membre de l’Institut
  • 1947 : admis comme élève-titulaire de l’Ecole Nationale des Beaux-Arts après le succès au concours
  • 1948 : prix Hors Concours au « Salon d’Automne » de Paris
  • 1950 : après quatre années d’études aux Beaux-Arts, service militaire à Casablanca
  • 1953 : exposition à la « Galerie des Quatre Vents » de Casablanca
  • 1954 : vie et peinture à Paris, en Auvergne, dans le Midi, en Béarn, dans les Vosges, au Portugal…
  • 1956 : exposition au « Salon d’Automne » de Paris où l’une de ses toiles est primée
  • Jusqu’en 1960 : vie parisienne, découverte de Saint-Michel, Montparnasse, peinture et petits métiers…
  • A partir de ... [...] ... Georges ROCHER tombe amoureux de la Bretagne…

(en cours de rédaction)…

Toujours en mouvement, posant son chevalet aussi bien en Auvergne, province d'origine de sa famille, que dans les montagnes des Vosges, il devient véritablement le peintre de la Bretagne en se fixant dans une région qui le marque profondément. Appréciant Théodore BOTREL et amoureux des côtes du Finistère mais aussi des sous-bois de Brocéliande et d'Huelgoat, il saura restituer les beautés de sa région d'adoption. Il ne dédaignera pas pour autant natures mortes, portraits et fleurs en bouquet.

L'artiste est décédé à Quimperlé en 1984.


[modifier] Livre sur son oeuvre

Un livre, paru en 1992 aux éditions Bargain, à l'initiative de Jean-Paul CRINQUETTE et préfacé par Charles LE QUINTREC, montre de nombreuses reproductions photographiques de ses oeuvres. On y voit aussi son évolution, ses influences, sa vision du monde, de son monde. La peinture de Georges ROCHER se trouve dans nombre de galeries et collections privées, mais aussi aux États-Unis et au Japon, pays qui ont su apprécier le peintre de la nature et de ses couleurs.

[modifier] Extrait des "Cahiers" de Georges ROCHER

1952

Je peins parce qu’en réfléchissant bien c’est la seule chose que je puisse faire avec le plus de chances de réussite.

J’ai procédé par élimination pour en arriver à cette certitude que c’est la peinture qui me domine et qui doit me dominer.

Mais la pensée me domine aussi, elle est même royalement installée en moi, avec la peinture. Qu’est-ce que c’est que ce drôle de tempérament qui est le mien ?

Ma vie jusque là n’a été qu’une suite d’efforts coupés de sommeils plus ou moins longs. Je sors de temps en temps de ma léthargie ruminante et fermentante et je me lance comme un obsédé dans un effort, un effort têtu, et d’autant plus têtu que j’en ai flairé à l’avance l’inanité.

Je n’ai pas choisi la peinture. Elle s’est imposée à moi. Mais je n’ai pris conscience de cette emprise que vers 16, 17 ans.

Au fond ce qu’il faut c’est transcrire ce que l’on sent du monde extérieur (sur sa toile). C’est tout. Je crois que plus on se nourrit du monde extérieur, plus on a de chance d’être original. Et pourtant le monde extérieur n’est pas spécialement fait pour l’homme. L’homme l’humanise. Il n’y a pas à sortir de là. Il y a l’homme « et » la nature. Il s’agit de s’arranger.

Il y avait autrefois un lien « mystique » qui m’attachait à la nature. Ce lien je suis bien obligé de le constater s’est brisé irrémédiablement. Il y avait moi « dans » la nature… Et maintenant il y a moi « et » la nature.

La nature comme réservoir de sensations. Et soi comme pouvoir de les organiser.

Je crois que ce n’est que quand on a une technique sûre que l’on peut créer vraiment. Et la technique on se la forge soi-même au XXème siècle. Et pour me créer une technique il a fallu que je parte des sources, des vérités premières, des « évidences », à savoir que dans la nature par exemple il n’y a que deux sortes de lignes, la droite et la courbe, ou que le problème de la couleur se réduit à sa source aux trois couleurs fondamentales, Bleu, Rouge, Jaune. Etc. Quand on a vu clairement tout cela on peut chercher à faire du neuf mais seulement à ce moment.

Une peinture est une totalité. Chez Picasso la totalité existe mais dans le temps, c’est-à-dire qu’il faudrait voir de lui dix toiles à la fois. On aurait alors quelque chance de discerner une certaine « totalité ». En poussant plus loin il faudrait même attendre la mort de Picasso et pouvoir voir d’un seul coup d’œil la totalité de son œuvre. Car il est rare qu’une toile de Picasso donne une impression de plénitude. Mais la peinture ne se déroule pas dans le temps. Le facteur temps ne joue pas en peinture alors qu’il est le cadre même de la musique. La peinture moderne a subi, comme tout, l’influence du « dynamisme » cher à notre époque. Mais cela mène la peinture dans des voies qui ne sont pas les siennes. Si dynamisme il y a en peinture c’est un dynamisme dans l’espace et non dans le temps. En fin de compte la peinture est un art statique. Son dynamisme est « transmuté » en dynamisme statique.

Mais la base de tout art quel qu’il soit est et restera la sensibilité. Base bien souvent absente chez Picasso, Léger et beaucoup d’autres. On dirait que dans tous les domaines l’homme fait un effort désespéré pour couper le cordon ombilical qui le relie au sensible (les arts en particulier).

Rien n’est volontaire chez moi à la base. La volonté n’intervient qu’après sous forme d’idée-obsession. Ce n’est même pas de la volonté, je suis "possédé-par". Mon cheminement est le suivant : Sensation-idée-obsession-réalisation. Je passe par l’idée parce que la sensation se transforme en idée chez moi, avant de m’obséder. Voilà exactement ce qui se passe en moi : Fécondation-idéation-possession-libération. C’est je crois le phénomène même de la création, schématisé bien sûr.

...

La Beauté, dans l’absolu, se dissocie peut-être de la Vérité mais dans la vie Beauté et Vérité sont intimement liées. Personnellement je ne recherche pas spécialement la Beauté mais plutôt l’Expression. Se méfier de l’originalité. Se méfier surtout de toute influence due aux modes picturales actuelles.

Je passe en ce moment par une crise terrible. Lutter contre tout. Et d’abord contre son Epoque et ses impératifs. Faire son chemin tout seul et dégager, petit à petit, sa vérité.

Je viens enfin aujourd’hui de réaliser quelque chose qui me satisfait. Depuis des mois je cherche à dégager une vision de l’objet. J’y arrive enfin. Mais par quels tâtonnements, aussi bien techniques, que mentaux !

...

Décembre 1952

Je peux dire qu’en ce moment chacune de mes toiles est une aventure où je m’engage entièrement et qui aboutit soit à un échec, soit à une demi-réussite, soit à une réussite.

Et un autre matin vient d’éclore. Ecrasant d’inconscience, inhumain et pur. Mon Dieu le monde me sera-t-il rendu ?

Sénèque a raison. Je suis encombré d’un tas de choses qui se dressent comme autant de barrières entre moi et ce que je veux réaliser. C’est curieux. Ce qu’il faut c’est détruire beaucoup d’abord. En ce moment je ne fais que ça. C’est une rage. Précisément détruire ce qui m’encombre. Je suis encore truffé de préjugés.

Faudra-t-il après mon exposition, que je parte à Paris ? Je ne sais pas. A coup sûr j’ai besoin de connaître mieux la Vie. Pour me libérer en tant qu’homme. Assumer mon innocence et ma folie. Et sans doute aussi ma solitude. Et ma faiblesse. Je veux vivre. A ma manière.

Valeur du Blanc pur en tant qu’élément plastique. Réagit automatiquement à une couleur quelconque. Et aussi à la forme de la surface de cette couleur.

Pour être contre quelque chose il faut d’abord avoir éprouvé cette chose.

Il n’y a pas de système, il y a seulement la Vie, que l’on capte.

L’œuvre d’art c’est l’étincelle produite par le choc du monde intérieur de l’artiste avec le monde extérieur.

Pour créer, il ne faut pas être d’accord avec la nature.

...

Ce qu’il faut c’est exploiter ses contradictions.

Il y a le Monde à prendre.

Quelle pitié ! J’écris tout cela par vanité au fond. Je l’écris uniquement (et je peins) pour me prolonger, par pur instinct de conservation. Je tiens absolument à ce qu’on lise cela plus tard et qu’on dise : c’était une personnalité profonde et angoissée. Je veux qu’on aime et qu’on admire mon essence.

Celui qui crée c’est celui qui ne se contente pas de vivre.

...

Je parlais d’essence. Il y a aussi une volonté d’essence, une volonté d’affirmer son essence. Volonté instinctive. Je crois que chacun a sa voie.

Je conçois la vie comme un cheminement d'une certaine essence, cheminement coupé par d'autres cheminements. Au point de rencontre il y a contact, inter-influence d'essences et modification insignifiante, partielle ou totale de cette essence suivant l'angle de rencontre et l'intensité du contact. Il y a eu en somme enrichissement (il peut y avoir aussi appauvrissement mais c'est une question d'attitude devant ce contact) de cette essence qui continue à cheminer vers un but assez obscur. Je comparerais assez ça au glissement de deux escargots. Leurs voies se croisent et chacun d'eux a pris en passant un peu de la bave de l'autre.

Je pense que l'essence est formée de deux éléments. Un élément permanent (dû à un déterminisme psychophysiologique). Un élément mouvant, malléable et en continuelle évolution (pouvant peut-être influencer le premier élément). C'est pour cela que l'homme n'est pas du tout libre. Il est libre d'être. Mais il n'est pas libre d'être libre. Car pour moi être libre c'est réellement ne plus être, c'est se perdre dans le néant (en tant qu'individu). Ou se perdre dans Dieu pour les croyants.

Peut-être arrivera-t-on à "libérer" l'homme par la Science. Et je crois qu'on l'aura tué aussi. Au profit d'une essence universelle, d'un système social. C'est l'ère des robots.

Je parle de cette liberté à l'échelle humaine, c'est-à-dire à l'échelle de nos possibilités. Il est évident qu'il me serait très agréable d'être en même temps un grand peintre, un grand Don Juan, un grand homme d'affaires, au fond une sorte de génie universel, sur le plan de la pensée et de l'action. Mais à part quelques privilégiés, il faut surtout exploiter ce qui a été notre lot. Ce lot qui est notre limite et notre liberté. Mais je n'estime pas qui n'a jamais essayé au moins une fois de franchir ses limites.

Je pense aussi qu'il existe une voie royale. Mais on ne la rencontre pas souvent. C'est plutôt les chemins de traverse toujours. Avec quelques balises de temps en temps. Voilà la vie. (Un recueil des "Carnets" de Georges ROCHER est en cours d'élaboration.)

[modifier] Références externes