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Les totalitarismes : mise au point scientifique

[modifier] Article de l'Encyclopédie Universalis

Le terme « totalitaire » commença à être employé dès la fin des années trente pour désigner les régimes et mouvements autoritaires nés au cours de la décennie précédente. C'est en 1940 que Sigmund Neumann, dans son ouvrage Permanent Revolution, développe de manière plus précise la notion de totalitarisme, en vue de définir les caractères communs des mouvements autoritaires et des régimes dictatoriaux de l'entre-deux-guerres. « Le premier but du totalitarisme, écrit-il, est de perpétuer et d'institutionnaliser la révolution. » Son caractère principal est d'instituer une dynamique de perpétuation du système : l'État totalitaire ne peut être réformé ; il ne peut qu'être détruit.

Depuis 1945, « totalitarisme » est devenu un terme courant, souvent synonyme d'autoritarisme, et appliqué aussi bien à des États qu'à des partis et à des idéologies. Ce concept a depuis lors fait l'objet de recherches multiples qui l'ont précisé ou en ont élargi le champ d'application.

On s'est d'abord préoccupé d'approfondir ce concept dans ses liens avec les régimes particuliers (fasciste, nazi ou soviétique) qui servirent de base à son élaboration. Dans son étude « L'Évolution de la théorie et de la pratique des régimes totalitaires », troisième partie de l'ouvrage collectif intitulé Totalitarianism in Perspective (1969), Carl J. Friedrich définit ainsi « les traits qui distinguent [ces] régimes d'autocraties différentes ou plus anciennes, aussi bien que des démocraties de type occidental : une idéologie globalisante ; un parti unique prenant en charge cette idéologie et généralement dirigé par un homme, le dictateur ; une police secrète très développée ; et trois sortes de monopoles ou, plus précisément, de contrôle monopolistique : ceux des communications de masse, des armes opérationnelles, de toutes les organisations, y compris économiques ». Ce courant phénoménologique, représenté aussi par John Kanstky, Raymond Aron, von Carl Deutsch, s'attache à définir un modèle totalitaire à partir d'une description des régimes existants et par opposition à d'autres modèles, tels que, pour R. Aron, les modèles pluralistes-constitutionnels (démocraties occidentales) et autoritaires-conservateurs (Portugal).

Un deuxième courant, illustré par Hannah Arendt, J. L. Talmon et Karl Popper, met l'accent sur l'« exercice » du totalitarisme, son contenu idéologique, ses méthodes. Leur réflexion est plus abstraite et plus normative que descriptive. À mi-chemin entre ces deux tendances, Zbigniew Brzezinski a développé, notamment dans son livre Ideology and Power in Soviet Politics, une définition phénoménologique du totalitarisme qui reste fidèle à une perspective essentialiste. Pour lui, le totalitarisme est « une nouvelle forme de gouvernement tombant dans la classification générale de la dictature [...], un système dans lequel des mécanismes technologiquement développés du pouvoir politique sont maniés par la direction centralisée d'un mouvement élitiste, dans le dessein de réaliser totalement une révolution sociale, comportant le conditionnement de l'homme sur la base de certains postulats idéologiques proclamés par les dirigeants, dans une atmosphère d'unanimité de toute la population ».

Sous l'impulsion du courant essentialiste, le concept de totalitarisme est entré, en fait, dans le domaine de la philosophie politique. Le problème de ses origines historiques précises a été repris par de nombreux auteurs qui utilisent a posteriori ce concept pour tenter de caractériser des régimes, tels que les communautés primitives ou l'Empire chinois.

Cette floraison d'emplois abusifs a renforcé la tendance à la critique du concept lui-même. Dans sa contribution à Totalitarism in Perspective, Benjamin Barber nie sa spécificité, la légitimité de son application à d'autres régimes que ceux en regard desquels il a été développé et donc sa scientificité. Une telle critique vient en renforcer d'autres, qui portent sur le caractère fondamentalement normatif du concept de totalitarisme, fondé souvent, en effet, sur une référence à certaines valeurs sociales et idéologiques.