Formule de Brioschi

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Sommaire

[modifier] Signification géométrique de la première forme fondamentale

Soit (u,v) des coordonnées locales au voisinage d'un point M d'une surface Σ. Le vecteur ΔM entre M(u,v) et un point voisin M(u + du,v + dv) a pour développement limité au premier ordre:

\ \Delta M = M_u\, du + M_v \, dv + o (du, dv) formule dans laquelle M_{\alpha}^{} désigne la dérivée partielle \frac{\partial M}{\partial
\alpha}.

L'indépendance linéaire des vecteurs Mu et Mv est une propriété invariante par changement de carte, c'est donc une propriété géométrique. Un point où cette indépendance se vérifie est dit régulier. En un point régulier, toute équation f du plan M + Vect(Mu,Mv) vérifie f(M + ΔM) = o(du,dv) ce qui montre que ce plan vérifie la définition du plan tangent en M à Σ. Dans toute la suite on se restreint au voisinage d'un point régulier.

Pour obtenir un développement limité de ΔM2, on utilise les produits scalaires:

 \Delta M^2 =  M^2_u\, du^2 + 2 M_u M_v\, du\, dv + M^2_v\, dv^2 + o (du^2 + dv^2)

On définit donc la première forme fondamentale I ou ds2 comme la forme quadratique différentielle:

 
I = {ds}^2 = M^2_u\, du^2 + 2 M_u M_v\, du\, dv + M^2_v\, dv^2

On note traditionnellement d'après Gauss  
E = M^2_u,\ F = M^{}_u M_v et G = M^2_v  
.

Cette forme donne l'approximation à l'ordre 2 du carré de la distance entre deux points voisins. Dans cette forme, le vecteur (du,dv) représente la variation des paramètres faisant passer d'un point à un autre. Par exemple en navigation ce sera la variation de longitude et de latitude. Ce choix de coordonnées implique F = 0, car méridien et parallèle sont orthogonaux, et G=Constante car la longueur d'un arc de méridien est constante. D'ailleurs, le choix de la minute comme unité de latitude et de la valeur G = 1 définit le mille nautique comme unité de longueur. Par contre E est variable, car la longueur d'un arc de parallèle dépend de la latitude. L'utilisateur d'une carte marine doit donc veiller tout spécialement à la valeur de E qui est donnée dans les marges haute et basse de la carte.

Si l'on change de carte, on obtiendra une autre expression de I, mais pour un couple de points donnés le calcul avec n'importe quelle carte donne le même résultat.

Le discriminant de I peut s'exprimer avec un déterminant de Gram:  \det I = \left|\begin{array}{cc}
     M^2_u & M_u M_v\\
     M_u M_v & M^2_v
   \end{array}\right| = (\det (M_u, M_v))^2 > 0

[modifier] Signification géométrique de la deuxième forme fondamentale

Si l'on fait un développement limité, à l'ordre 2 cette fois, de ΔM, on obtient par la formule de Taylor:


 \Delta M = M_u \, du + M_v \, dv + \frac{1}{2} (M_{u u}\, du^2
   + 2 M_{u v} \, du \, dv + M_{v v}\, dv^2) + \text{o} (du^2 + dv^2)

Mais, si dans cette formule, la partie linéaire est invariante par changement de carte, ce n'est pas le cas de la partie quadratique, car la dérivation deux fois d'une fonction composée comme M\circ f ajoute un terme M'\circ f\times f'^2. L'invariance n'a donc lieu qu'à un vecteur tangent près. Cet invariance modulo le plan tangent met en évidence le caractère géométrique de la distance algébrique au plan tangent.

Or justement la deuxième forme fondamentale calcule le double de l'approximation à l'ordre deux de la distance algébrique entre un point voisin de M et le plan tangent en M à Σ.

Si δ est la forme linéaire calculant la distance à ce plan tangent, on a donc  
II = \delta (M^{}_{u u})\, du^2 + 2 \delta (M_{u v})\, du\, dv
   + \delta (M_{v v})\, dv^2 
ce qui se note traditionnellement, comme le fit Gauss,  
II = L\, du_{}^2 + 2 M\, du\, dv + N\, dv^2

Le quotient \frac{II}{I}, puisque c'est le quotient de deux formes quadratiques, ne dépend que de la direction du vecteur (du, dv). C'est la courbure dans la direction (du, dv). Il résulte des définitions ci-dessus que la courbure en un point d'une surface selon une direction est la courbure en ce point de toute courbe tracée sur la surface, passant par ce point et pour lequel la tangente a la direction donnée et le plan osculateur contient la normale à la surface.

[modifier] Démonstration de la formule de Brioschi

La forme linéaire δ ci-dessus peut s'exprimer comme \frac{\det (\cdot, M_u,
M_v)}{\det (M_u, M_v)}=\frac{\det (\cdot, M_u, M_v)}{\sqrt{\det I}}.

Nous avons donc: 
  L  =  \frac{\det (M_{u u}, M_u, M_v)}{\sqrt{\det I}} , 
  M  =  \frac{\det (M_{u v}, M_u, M_v)}{\sqrt{\det I}} et 
  N  =  \frac{\det (M_{v v}, M_u, M_v)}{\sqrt{\det I}}

d'où 
  \det II = L M - N^2  =  \frac{\det (M_{u u}, M_u, M_v) \det (M_{v v},
  M_u, M_v) - \det (M_{u v}, M_u, M_v)^2}{\det I}

Ainsi le discriminant de II peut s'exprimer à l'aide de deux déterminants de Gram, n'utilisant donc que des produits scalaires, comme le fait I. 
  \det I I =\frac{D_1 -D_2} {\det I}
avec 
D_1 =  
  \left|\begin{array}{ccc}
    M_{u u} M_{v v} & M_{u u} M_u  & M_{u u} M_v\\
    M_u M_{v v} & M_u^2  & M_u M_v\\
    M_v M_{v v} & M_v M_u  & M_v^2
  \end{array}\right| 
et 
D_2 = 
 \left|\begin{array}{ccc}
    M_{u v}^2 & M_{u v} M_u  & M_{u v} M_v\\
    M_u M_{u v} & M_u^2  & M_u M_v\\
    M_v M_{u v} & M_v M_u  & M_v^2
  \end{array}\right|

Commençons à utiliser  I\, :\,


  D_1  =  \left|\begin{array}{ccc}
    M_{u u} M_{v v} & M_{u u} M_u  & M_{u u} M_v\\
    M_u M_{v v} & E  & F\\
    M_v M_{v v} & F  & G
  \end{array}\right| 
et 
  D_2 = \left|\begin{array}{ccc}
    M_{u v}^2 & M_{u v} M_u  & M_{u v} M_v\\
    M_u M_{u v} & E  & F\\
    M_v M_{u v} & F  & G
  \end{array}\right|

On peut continuer à remplacer les termes de ces déterminants par des expressions tirées de  I\, en dérivant:

De la définition de E il vient Eu = 2MuuMu, et Ev = 2MuvMu. De celle de F nous tirons Fu = MuuMv + MuvMu, et Fv = MuvMv + MvvMu, puis de G, nous obtenons Gu = 2MuvMv, et Gv = 2MvvMv

Nous avons donc 
 D_1 =  \left|\begin{array}{ccc}
    M_{u u} M_{v v} & \frac{1}{2} E_u  & F_u - \frac{1}{2} E_v\\
    F_v - \frac{1}{2} G_u & E & F\\
    \frac{1}{2} G_v & F & G
  \end{array}\right| 
et  
  D_2 = \left|\begin{array}{ccc}
    M_{u v}^2 & \frac{1}{2} E_v  & \frac{1}{2} G_u\\
    \frac{1}{2} E_v & E & F\\
    \frac{1}{2} G_u & F & G
  \end{array}\right|

Seuls deux termes résistent encore, pour lesquels il faut une dérivation supplémentaire qui nous donne:

E_{v v} = 2 M_{u v v} M_u + 2 M_{u v}^2, F_{u v} = M_{u u v} M_v + M_{u u} M_{v v} + M_{u v
v} M_u + M_{u v}^2 et

G_{u u} = 2 M_{u u v} M_v + 2 M_{u v}^2 d'où l'on tire la dernière formule qui manquait:


 M_{u u} M_{v v} - M_{u v}^2 = - \frac{1}{2} E_{v v} + F_{u v} -
   \frac{1}{2} G_{u u}

Cette dernière expression suffira car dans D1D2 les deux termes MuuMvv et  M_{u v}^2 n'apparaissent que sous la forme 
 (M_{u u} M_{v v} - M_{u v}^2)\,
 \left|\begin{array}{cc}
    E & F\\
    F & G
   \end{array}\right|

On obtient alors la formule de Brioschi

 K = \frac{\det II}{\det I} = \frac{
   \left|\begin{array}{ccc}
     - \frac{1}{2} E_{v v} + F_{u v} - \frac{1}{2} G_{u u} & \frac{1}{2} E_u 
     & F_u - \frac{1}{2} E_v\\
     F_v - \frac{1}{2} G_u & E & F\\
     \frac{1}{2} G_v & F & G
   \end{array}\right| - \left|\begin{array}{ccc}
     0 & \frac{1}{2} E_v  & \frac{1}{2} G_u\\
     \frac{1}{2} E_v & E & F\\
     \frac{1}{2} G_u & F & G
   \end{array}\right| 

}{\left( E G - F^2 \right)^2}

[modifier] Cas de la sphère

On utilise pour coordonnées locales la longitude et la latitude (\theta,\varphi). Le rayon de la sphère est R.

À la latitude \varphi, le parallèle a pour rayon R\cos\varphi. Donc un chemin suivant ce parallèle, depuis le point (\theta,\varphi) jusqu'au point (\theta + d\theta,\varphi) a pour longueur R\cos\varphi\,d\theta. On a donc E=R^2\cos^2\varphi.

Un chemin suivant le méridien, depuis le point (\theta,\varphi) jusqu'au point (\theta,\varphi + d\varphi ) a pour longueur R\,d\varphi. On a donc G = R2.

Puisque F = 0, on en déduit \det I=EG=R^4\cos^2\varphi.

Il n'y a que deux dérivées à calculer, E_\varphi=-2R^2\cos\varphi\sin\varphi et E_{\varphi\varphi}=2R^2(\sin^2\varphi-\cos^2\varphi) et par conséquent

D_1=\left|\begin{array}{ccc}
     - \frac{1}{2} E_{\varphi\varphi}  & . & . \\  
     0 & E & 0\\
     0 & 0 & G
   \end{array}\right|=- \frac{1}{2} E_{\varphi\varphi}\, E\,G
 =R^2(\cos^2\varphi-\sin^2\varphi)\det I

et D_2=\left|\begin{array}{ccc}
     0 & \frac{1}{2} E_{\varphi}  & 0  \\  
     \frac{1}{2} E_{\varphi} & . & .\\
     0 & 0 & G
   \end{array}\right|=-\frac{1}{4} E_{\varphi}^2\,G
 =-R^6(\cos^2\varphi\sin^2\varphi)=-R^2\sin^2\varphi\,\det I

d'où D_1-D_2=R^2\cos^2\varphi\,\det I=\frac{\det^{2} I}{R^2} et donc K=\frac{D_1-D_2}{\det^2 I}=\frac{1}{R^2}

[modifier] La terre est ronde, la preuve par les cartes marines

Des mathématiciens vivant sur une autre planète et n'ayant aucune possibilité d'observer la terre, ont obtenu un jeu de cartes marines couvrant une région du globe terrestre. Ce jeu leur suffit pour démontrer que cette région est une partie de sphère. Montrons comment.

Les cartes utilisent longitude et latitude et les échelles sont indiquées dans les 4 marges. Elles sont valables sur le bord correspondant de la carte.

Dans les marges gauche et droite les deux échelles sont les mêmes. Donc Gθ = 0. A l'aide d'une seconde carte couvrant la région au-dessus de la première, on observe que l'échelle des longitudes est encore la même que sur celle située au-dessous. Donc G_\varphi=0 et G est constante.

Par contre les échelles des marges haute et basse sont différentes. Le calcul de cette différence donne la valeur de E_\varphi. Sur les deux cartes ci-dessus on calcule la différence des différences et on obtient E_{\varphi\varphi}.

Les lignes θ=Cste et \varphi=Cste sont orthogonales, doncF=0.

Comme on vient de le voir, cela suffit à calculer la courbure aux points situés à la limite des deux cartes. En recommençant le calcul avec d'autres paires de cartes, les extra-terrestres trouvent toujours la même courbure, positive. D'après le théorème de Liebmann (1900) ils peuvent en déduire que la région couverte par le jeu de cartes est une partie de sphère.

[modifier] Sphère en fil de fer

Le raisonnement ci-dessus donne le mode de construction d'une sphère en fil de fer.