Forceps

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forceps obstétrical, Smellie (1792)
forceps obstétrical, Smellie (1792)

Les forceps sont des instruments d'extraction du fœtus hors des voies génitales lors d'un accouchement.


Sommaire

[modifier] Principe

Au contraire du vacuum extractor qui se contente de fléchir la tête de l'enfant, le forceps est un réel instrument de traction qui permet de pallier une insuffisance des contractions utérines ou des efforts maternels.

Il est constitué de deux « cuillers » métalliques que l'opérateur glisse l'une après l'autre, à l'intérieur du vagin d'abord, puis le long du crâne fœtal, selon une disposition bien précise qui évite les lésions de la tête et de la face de l'enfant. Ces cuillers sont alors solidarisées l'une à l'autre soit par croisement en formant alors une pince (forceps à branches croisées de Pajot, de Tarnier, de Simpson...), soit par l'intermédiaire d'une branche transversale (forceps à branches parallèles de Demelin, de Suzor…).

On réalise ensuite des tractions régulières et modérées sur l'instrument, de manière à aider l'enfant dans sa descente et son expulsion des voies génitales.

Les forceps ont aussi, dans certains cas, été utilisés pour une embryotomie.

[modifier] Historique et évolution

Le forceps fut inventé par le fils ainé d'une famille de chirurgiens, les Chamberlen, huguenots français ayant émigré en Angleterre en 1569. Le père Guillaume et le fils ainé - devenu aussi chirurgien accoucheur - exercèrent d'abord à Southampton puis s'installèrent à Londres. L'inventeur fut probablement Pierre l'ainé (ils s'appelaient tous Pierre, ou plutôt Peter), qui devint chirurgien et accoucheur de la Reine Henriette, épouse de Charles 1er roi d'Angleterre et fille de Henri IV de France. A la Cour lui succéda ensuite son neveu, Peter III dit Doctor Peter. Les succès de cette dynastie d'accoucheurs dans la famille royale et les milieux princiers, étaient liés en partie à l'utilisation d'un instrument "secret" qui permettait de dégager des enfants vivants de situations difficiles. Le secret de "l'instrument métallique" fut gardé pendant un siècle par la famille Chamberlen, bien que la présence de cet instrument fut attestée dés 1634.

Hughes Chamberlen, petit neveu de Peter l'ainé, tenta de vendre l'instrument à Paris en 1670, mais la démonstration qu'il en fit devant François Mauriceau, accoucheur responsable de la maternité de l'Hôtel Dieu de Paris, fut un échec retentissant, se soldant par la mort de l'enfant et de la mère.

Le secret en aurait été vendu par ce même Hughes à des accoucheurs hollandais, au tout début du XVIIIe siècle, à Amsterdam, même s'il y a des doutes sur l'authenticité de ce qui fut alors réellement fourni aux acheteurs.

Finalement des modèles dérivés de l'instrument des Chamberlen apparaissent peu à peu en Angleterre et en Écosse, d'abord, puis en France.

Par hasard, les tous premiers modèles créés par Peter l'Ainé, et améliorés peut-être par son frère, Peter le cadet, et/ou son neveu Peter III dit Doctor Peter, furent découverts en 1813 dans une cachette secrète aménagée dans les combles de la maison occupée, les dernières années de sa vie, par le Doctor Peter, à Maldon (Essex).

En réalité, l'instrument des Chamberlen, s'il était réellement un concept entièrement nouveau à l'époque (la nouveauté essentielle reposant sur l'idée géniale d'avoir séparé les deux branches de la "pince à sucre", permettant ainsi leur mise en place l'une après l'autre dans le bassin maternel, ce qui n'était pas possible avec les pinces classiques essayées auparavant), ne pouvait réussir que dans les bassins maternels de dimensions et conformité normales (alors que les anomalies morphologiques du bassin étaient beaucoup plus fréquentes autrefois qu'aujourd'hui) et sur des têtes largement engagées (c'est à dire ayant déjà bien descendu dans le bassin maternel), du fait de l'absence de courbure pelvienne du manche des cuillères (courbure dans le sens vertical pour tenir compte de la courbure anatomique du sacrum maternel) ce qui interdisait aux cuillères d'atteindre les parties hautes du bassin et, plus grave, ce qui empêchait d'effectuer la traction dans l'axe naturel de l'excavation pelvienne.

C'est le français Levret et l'anglais Smellie qui apportèrent tous les deux, en 1751, au forceps son amélioration essentielle, la courbure pelvienne qui, en permettant à l'instrument de suivre la courbure du bassin, autorisait une action sur une tête encore haute dans l'excavation, c'est à dire les cas les plus difficiles et les plus fréquents. A partir de cette amélioration fondamentale, le forceps allait devenir l'instrument vedette de l'obstétrique quotidienne pendant plus de deux siècles (il est encore utilisé de nos jours, même si ses indications sont beaucoup plus limitées qu'autrefois du fait de l'importance prise par la ventouse obstétricale, d'une part, et l'intervention césarienne, d'autre part).

[modifier] Place des forceps dans l'histoire de l'obstétrique

La place du forceps est considérable dans l'histoire de l'obstétrique puisque, avant son invention, il n'existait aucun instrument d'aide à l'extraction de l'enfant coincé dans l'excavation pelvienne ou retenu au-dessus du détroit supérieur de cette excavation. Jusqu'au XVIIIe siècle et son apparition progressive en Europe, il n'y avait que deux possibilités offertes au chirurgien accoucheur en cas de "blocage" de l'enfant: soit extraire l'enfant (mort ou en le tuant) par morcellement (découpage) en utilisant des instruments aussi variés que traumatisant aussi pour la mère, soit en utilisant la manœuvre manuelle (non instrumentale) appelée version podalique qui consiste à saisir les pieds, à faire éventuellement tourner l'enfant, et à le sortir par les fesses. Cette version podalique a été décrite en 1573 par le chirurgien français Ambroise PARE qui avait été, de 1533 à 1536, responsable de la Maternité de l'Hôtel Dieu de Paris où il créa la première école de sages-femmes d'Europe.

Au XIXe siècle, le forceps, une fois amélioré (courbure pelvienne) par Levret et Smellie, devint l'outil miracle des accoucheurs dans tous les pays. Des centaines de variantes et modèles différents furent d'ailleurs créés au fil des années que l'on peut classer en deux catégories : branches croisées et branches parallèles (début du XXe siècle).

Le forceps ne permettait pas, néanmoins, des extractions dans des bassins morphologiquement viciés et leurs tentatives d'application dans des mauvais cas, aboutissaient malheureusement à des décès de l'enfant et parfois de la mère, ou à des mutilations de celle-ci. Par ailleurs, étant le seul instrument à la disposition des accoucheurs (leur usage ayant toujours été interdit aux sages-femmes), ils avaient tendance à l'utiliser dans tous les cas de difficultés d'accouchement et, notamment, lorsque la tête de l'enfant ne s'était pas du tout engagée dans le bassin maternel, ce qui constituait une application particulièrement difficile et traumatisante. Enfin, si cet instrument donnait des résultats plus que satisfaisants entre les mains d'accoucheurs bien formés et habiles, les résultats étaient beaucoup moins acceptables entre les mains de praticiens insuffisamment expérimentés ou malhabiles.

Ainsi, le forceps - "les fers" - acquirent progressivement une réputation terrifiante auprès du public, et des femmes enceintes plus particulièrement. Seuls les cas dramatiques étaient colportés de bouche à oreille et de chaumières en chaumières, les succès de l'instrument, heureusement beaucoup plus nombreux, restaient confinés aux sociétés savantes. L' alternative pour les cas difficiles, et plus particulièrement les bassins viciés, était l'intervention césarienne grevée d'un taux de mortalité maternelle très important, jusqu'à l'apparition de l'asepsie, puis de l'antisepsie et enfin de l'incision segmentaire sous péritonéale (incision de l'utérus sur son segment inférieur le plus bas) qui évitait d'ouvrir la grande cavité péritonéale abdominale. Néanmoins, la césarienne est restée une intervention "majeure" jusqu'aux années 1950, c'est à dire à l'utilisation des antibiotiques dans les établissements de soins. Grâce aux antibiotiques et aux progrès de l'anesthésie, la césarienne est devenue de nos jours une intervention courante.

[modifier] Proportion actuelle des accouchements avec forceps

Le taux de césarienne atteint ou dépasse 15 à 20 % des naissances dans les pays les plus industrialisés. La place du forceps a diminué parallèlement, et d'autant plus que d'autres instruments sont venus le concurrencer : non pas tant les spatules (qui ressemblent au forceps mais dont le principe est différent) assez limitées à la France, que surtout la ventouse obstétricale ou vacuum extractor. La ventouse a vu son utilisation beaucoup augmenter dans les pays anglo-saxons au fur et à mesure que les praticiens ne savaient plus faire les forceps (moins on se sert d'un instrument, moins on sait s'en servir correctement). La même tendance s'observe maintenant dans tous les pays, du fait, entre autres, de la pression juridique qui s'exerce sur les équipes obstétricales (les Tribunaux ont tendance à considérer la césarienne comme le seul mode "licite" d'extraction).

[modifier] Indications des forceps

Les forceps sont indiqués en cas de nécessité de réaliser une extraction foetale en urgence, dans les cas où l'action maternelle est insuffisante en terme de délai ou impossible. Ils ne sont applicables que sur la partie céphalique du mobile foetal. Dans toutes les situations, la tête foetale devra donc être dors et déjà engagée dans le bassin (franchissement du détroit supérieur). Les différentes indications sont:

  1. Souffrance foetale aigue : anomalie du rythme cardiaque foetal enregistré par cardiotocographie témoignant d'une souffrance foetale ou signaux électrocardiographiques témoignant d'une acidose (monitoring par STAN)
  2. Non progression de la présentation après 30 minutes d'efforts expulsifs réguliers bien menés
  3. Fatigue maternelle intense avec efforts expulsifs insuffisants
  4. Contre-indication aux efforts expulsifs maternels
  5. Rétention de tête dernière lors des accouchements du siège
  6. Difficultés d'extraction foetale lors d'une césarienne le plus souvent sur hypertonie utérine, soit en présentation céphalique, soit dans le cadre d'une rétention tête dernière au niveau de l'hystérotomie
  7. Procidence du cordon tête engagée et semblant "facilement accessible" à l'extraction instrumentale



[modifier] Facteurs de risques menant à l'utilisation des extractions instrumentales

[modifier] Risques liés à l'utilisation des forceps

[modifier] Risques maternels

Les risques maternels sont ceux de l'accouchement rapide plus ceux liés aux lésions pouvant être produites par la pose des cuillers.

  1. Plaies vaginales, désinsertion vaginale latérale ou de la cloison recto-vaginale, facteur de risque important de la formation d'un thrombus
  2. Déchirure périnéale de degré I (simple); II (périné complet non compliqué) ou III (périné complet compliqué) suivies parfois de fistules obstétricales
  3. Plaies cervicales : déchirure du col
  4. Hémorragie massive liée à ces différentes lésions
  5. Lésions nerveuses (nerfs honteux)
  6. Lésions vésicales, urétrales exceptionnelles en cas de délabrement massif de la paroi antérieure du vagin
  7. Lésions osseuses : fracture coccygienne
  8. Incontinence fonctionnelle urinaire et/ou anale (aux gaz ou fécale)
  9. Complications liées l'épisiotomie (désunion, infection...)
  10. Dyspareunies
  11. Traumatisme psychologique, facteur d'anxiété pour une éventuelle grossesse ultérieure

[modifier] Risques foetaux

[modifier] Comparaison des forceps avec d'autres méthodes

[modifier] Forceps ou ventouse

[modifier] Forceps ou césarienne

[modifier] Risques médico-légaux liés au choix des forceps