Faranche

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Une faranche est une communauté rurale "affranchie", car elle a racheté aux seigneurs dont elle dépendait les droits d'utiliser la terre sans lui reverser d'impôts et en s'administrant elle-même, par le bias d'un "conseil de village" ou "conseil de vallée".

Les “ Faranchins” sont ainsi les habitants de la commune de "Villar d’Arène", la “Faranche”, à la frontière du département de l'Isère et de celui des Hautes-Alpes. Ils se sont donnés ce nom, qui signifie “ les Affranchis ”, après avoir racheté au Seigneur Dauphin, entre 1361 et 1393, un certain nombre de libertés, leurs “privilèges” : la possession des terres communales, des fours et des moulins, le droit de répartir eux-mêmes les impôts, celui de s’assembler librement pour élire leurs responsables ( et pour gérer leur communauté. Ils ont préservé jalousement cette autonomie jusqu’en 1789.

Durant des siècles, plusieurs communautés du Haut Dauphiné, dont celle du village voisin de La Grave ont été gérées par leurs habitants de façon démocratique.

Sommaire

[modifier] Une démocratie directe, à l'image d'autres communautés montagnardes

Cette forme de démocratie directe et d'indépendance rappelle ce qui prévalait en Suisse, au Lichtentstein, à San Marino et ou dans plusieurs vallées pyrénéennes, dont celles du Val d'Aran et de l'Andorre où l'on trouve dès le 16e siècle une "maison des vallées", qui fait office de parlement et dès 11 février 1419, à la Seu d’Urgell, un "Conseil de la Terre, assemblée formée par certaines personnes représentants du peuple et veillant à celui-ci"[1].

Le Val d'Aran, voisin, a lui aussi refusé le pouvoir du clergé d'Urgell et très tôt bénéficié d'un régime d'autonomie, de "marche" indépendante défendant ses coutumes propres, qui a fait que certains auteurs ont été jusqu'à parler de République pyrénéenne. Son indépendance a été résolue en le plaçant sur le territoire espagnol, alors qu'il est clairement situé sur le versant français et donne source à la Garonne.

[modifier] En 1343, les 50 faranches et bourgades du Grand Escarton

Dans le Haut-Dauphiné, on voit apparaître en 1343 une "République des escartons" fédérant une cinquantaine de communautés villageoises où vivent 40.000 personnes, dont Briançon, qui est à l'époque plus peuplée que Grenoble. Tous les ans, à la Chandeleur (le 2 février), les chefs de famille du village se réunissaient pour désigner leur "consul". Redoutant la cession, profitent qu'Humbert II, seigneur du Dauphiné est financièrement aux abois pour acheter leur affranchissement le 29 mai 1343 au château de Beauvoir pour 12 000 florins d'or, et une rente annuelle de 4000 ducats. Le Dauphiné réunit désormais Franc-bourgeois des bourgades et faranchins (affranchis) des campagnes [2].

Avant 1343, les nobles, pratiquement dépourvus de pouvoir féodal, abusaient de celui que leur conférait la position très recherchée d'officier delphinal : viguier, bailli, et autres. D'où des conflits fréquents qui disparaissent. Des nobles quittent les escartons au cours des deux siècles suivants après avoir réalisés leurs biens et se fondent dans la bourgeoisie sans plus de façons, d'autres se font élire consuls grâce à leur entregent.


[modifier] La Faranche, économie d'alpage et d'usufruit

La faranche est adaptée à l'économie des Alpages, où les troupeaux paissent d'un alpage à l'autre et demandent une surveillance importante. Le produit de l'exploitation, le fromage, est appelé "fruit" (on trouve de nombreux vallons du fruit dans les Alpes), terme qui donnera naissance à celui d'usufruit. Les alpagistes ne sont pas propriétaires de la terre mais ont racheté la liberté de s'en servir. Les nobles préfèrent éviter ces terres pauvres, ingrates (la neige est présente 7 ou 8 mois de l’année), menacées par les crûes des torents et les brigands qui attaquent les voyageurs passant les cols.

Ces pratiques sont méconnues fautes de beaucoup de traces écrites. La cession des droits aux communautés est progressive. En catalogne française, il s'agit d'un "droit à l'herbe" lorsque le seigneur Ramon de Vinça ouvrit cet herbage à la communauté du bourg de Puigcerda, tout en conservant la possibilité de fenaisons[3].

Plus à l'Ouest, le processus est violent: en 988,les Andorrans unis s’emparent du château de Bragafols et s’opposent pour deux siècles à la main-mise féodale, profitant du fait que "la domination des Vallées s’avère difficile et de peu de profitavant" que les "[pareage]", des accords de partage officiel entre les comptes de Foix et l'abbé d'Urgell ne vienne discrêtement masquer cette indépendance de fait, [4].

Par ailleurs, le fruit des alpages est facile à dissimuler dans les caves naturelles de la montagne et il est donc difficile pour le seigneur ou le clergé de prélever l'impôt.

[modifier] Administration, fiscalité et services publics

Les faranchins du haut-dauphiné répartissaient eux-mêmes les impôts au prorata des biens de chaque famille, élisaient pour un an un "consul", un secrétaire, des conseillers et les différents responsables: le marguillier, le champier, l'homme chargé de l'entretien des chemins, celui qui accompagnerait les voyageurs de passage, les pétrisseurs et le fournier qui feraient le pain.

L’assemblée fixait les dates de la fauchaison, de la moisson, du départ des bêtes à l’Alpe et de leur retour et leur répartition dans les pâturages. Elle jugeait les délits ordinaires, décidait des procès de la communauté.

Au Vilar d'Arene, il y avait une trentaine d'assemblées par an en moyenne. C’était généralement le consul qui prenait l’initiative de les convoquer, mais tout Faranchin pouvait susciter une réunion. À la belle saison, les hommes se réunissaient sur la place, autour du banc, pivot de la vie communale.

[modifier] Sources et références

  • Le site du village de Vilar d'Arene [1]
  • Maître Albert et les Faranchins, Chronique d'une communauté de montagne Madeleine Martin-Burle[2], enquête sur les petits-fils de faranchins, d'après la correspondance du notaire Jean-Baptiste Albert (1811-1887).
  • Le temps des consuls, la Faranche démocratique [3]
  • Roland Viader identifie la vista à “ une assemblée générale caractérisée par son versant délibératoire ” (R. Viader, L’Andorre du IXe au XIVe siècle. Montagne, féodalité et communautés, Toulouse, PUM, 2003, p. 234).
  • Le grand escarton [4]
  • Parmi les travaux récents sur les montagnes alpines (J.P. Boyer, Hommes et communautés du haut pays niçois. la Vésubie (XIIIe-XVe), Nice, Centre d’Études Médiévales, 1990 ; H. Falque Vert, Les hommes et la montagne en Dauphiné au XIIIe siècle, Grenoble, PUG, 1997 ; N. Carrier, La vie montagnarde en Faucigny à la fin du Moyen Âge. Économie et société, Paris, L’Harmattan, 2001.
  • R. Viader, “Silences, murmures, clameurs : les communautés pyrénéennes au Moyen Âge”, La ciutat i els poders. La ville et les pouvoirs, Actes du huitième centenaire de la charte de Perpignan,(octobre 1997), Perpignan, 1999, pp. 230-246.
  • Roland VIADER, L’Andorre du IXe au XIVe siècle, Montagnes, féodalité et communautés

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