Dominique Bertrand

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Musicien voyageur et écrivain, il propose un regard anthropologique original sur l'Homme Sonore, à partir des diverses traditions plaçant l'écoute, l'usage du son et de la résonance au centre de leurs préoccupations. Entre l'Inde avec le Nada Yoga, l'Amérique Latine avec le Chamanisme, le Maroc, la Turquie et l'Afghanistan avec le Soufisme et son intérêt pour l'Europe médiévale, il tisse des liens qu'il confronte à l'histoire de la pensée occidentale. Il collabore depuis 1980 avec le monde de la musicothérapie à Paris, au Mexique et au Québec, mettant en dialogue les données liées aux techniques traditionnelles avec les divers langages de la psychothérapie et de la psychanalyse. Sa rencontre avec Alain Didier-Weill lui permet de découvrir l'univers de Jacques Lacan, et de commencer une traduction des notions propres à la résonance impliquant les interactions entre conscient et inconscient, pulsion et pulsation, tradition et modernité.


Dans "Le Diabolus des Sages" éd. Signatura, il développe un vaste portrait du destin occidental depuis Pythagore, en prenant la musique comme guide à partir de la gamme naturelle , et plus précisément cet intervalle interdit - nommé Triton (musique) ou Diabolus in musica - qui jouera un rôle décisif dans cette invention propre à l'Occident: la musique tonale, avec pour corollaire le tempérament égal. Il y montre les rapports intimes entre la mutation de l'écoute collective et l'invention de la modernité au XVII° Siècle, lorsque Monteverdi use précisément de cet intervalle pour opérer le premier mouvement de la modulation tonale. Musicalement, la modernité consiste à transgresser l'interdit (la dissonance considérée comme insoutenable, symbole diabolique), pour en faire un vecteur de mutation, de mobilité, ouvrant l'espace-temps musical vers des horizons immenses (toute la "Grande musique" occidentale en est le fruit). Le fait que cet intervalle mesure Racine carrée de 2 - nombre irrationnel découvert par Pythagore et, selon la légende, dont le secret devait être gardé sous peine de mort - constitue le point de départ d'une histoire de l'Interdit en Occident couvrant vingt-cinq siècles.

Dans "La Prière du Serpent" éd. Signatura, il se met à l'écoute des sons dans la tradition biblique - par la médiation de la Kabbale - découvrant que Dieu y parle selon un modèle poétique en va-et-vient, et y voit une transposition, dans la parole, du mouvement intime de la voix. Support à une réflexion sur les "rapports incommensurables" entre ces deux dimensions, il pousse l'écoute en va-et-vient jusqu'à la totalité des cinq livres de la Torah, pour découvrir que le Serpent maudit est désigné, de la façon la plus improbable, par la lettre se trouvant au juste milieu des 304805 lettres de la Torah. Cette masse sonore constituant, selon la tradition de la Kabbale, le "Grand Nom de Dieu", c'est à une opération poétique que l'essai invite le lecteur, qui rentre curieusement en résonance avec le fait que la place du serpent au milieu de la Torah est analogue à celle du Diabolus in musica au sein de l'octave, et constitue le point de départ d'une méditation sur les rapports intimes liant l'homme au monde par la médiation de la parole.

Président du Centre International de Musicothérapie. Co-directeur de la revue "Insistance" (Art, Psychanalyse, Politique)

Site de Dominique Bertrand : Recherches sur les lois, les effets et la symbolique de la résonance.