Doctrines et techniques de conservation - restauration

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Les « doctrines » de conservation - restauration prennent en compte l’ensemble de l'histoire du patrimoine pour orienter les partis de restauration.

Les « techniques » à mettre en œuvre sont, elles, déterminées par les études spécifiques à chaque chantier. Celles-ci faisant appel à des archéologues, historiens de l’art, historiens et parfois à des laboratoires spécialisés. Le maître d’œuvre doit en effet pouvoir disposer de toutes les informations nécessaires préalablement à la mise au point de son projet de restauration..

Sommaire

[modifier] Définition

Des progrès sont régulièrement constatés grâce à la recherche scientifique et l’évolution des techniques. Le "Réseau européen du patrimoine (Réseau HEREIN)" permet en outre la mise en œuvre et le suivi des conventions européennes relatives aux patrimoines architectural et archéologique.[1]

De nouveaux lieux de concertation se sont développés et ont ainsi permis d'enrichir les débats sur ces notions de "doctrines" et "techniques" afin de confirmer et préciser les orientations recommandées par la "Chartes de Venise" :

  • en France, les Commissions supérieures de monuments historiques ou des sites, perspectives et paysages, Commission des orgues non classés, Commissions départementales des objets mobiliers,...
  • en Europe, le programme de coopération et d’assistance techniques du Conseil de l’Europe qui a intégré la notion de "conservation intégrée du patrimoine culturel". Les principes de conservation intégrée énoncent les lignes directrices d'une politique globale de sauvegarde et de réhabilitation du patrimoine culturel prenant en compte la valeur et le rôle de ce patrimoine pour la société. Ce concept a influencé l'élaboration des politiques partout en Europe et a considérablement élargi la notion même de patrimoine.

Au niveau de la mise en œuvre, la méthodologie appliquée aux interventions sur le patrimoine a évolué d’une façon spectaculaire avec les études préliminaires et préalables associant tous les acteurs du patrimoine. En outre les savoir faire des intervenants (conservateurs, archéologues, architectes, bureaux d'études, laboratoires, artisans et entreprises, réseaux asociatifs,...) se sont - heureusement - mobilisés et ont coordonné leurs interventions[2].

[modifier] Concept

Il est évident qu’il ne peut pas et ne doit pas exister de doctrine générale pour le parti à prendre dans la conservation, restauration, réutilisation et mise en valeur des différents types de patrimoine. Il est normal, il est souhaitable qu’un débat permanent soit ouvert pour redéfinir à chaque grand chantier le parti à prendre.

La discussion doit être ouverte de savoir par exemple si une ruine doit faire l’objet d’une restauration complète ou partielle ou seulement d’une consolidation archéologique qui la gèle dans son dernier état. La discussion doit être ouverte aussi de savoir si le monument a une vocation de musée, une fonction pédagogique en soi (si une église doit enseigner ce qu’est une église, et un château ce qu’est un château), ou si on peut le réutiliser pour un objectif contemporain. Par contre, il n’est pas du meilleur intérêt pour les monuments de servir à des expériences de singularisation ni de prétexte à des créations artistiques contemporaines comme il était de propos au XIXe siècle.

Les études doivent permettre de cerner les diverses données, les contraintes, les exigences et les solutions envisageables propres à l’opération concernée, ainsi que les conditions de faisabilité sous tous les aspects.

Historiens, Architectes, Archéologues ont de tous temps contribué par leurs publications, recommandations, dictionnaires à définir les bases de la connaissance, les techniques et doctrines de conservation - restauration (Vitruve, Eugène Viollet-le-Duc, Prosper Mérimée,…). La recherche scientifique, technique, archéologique, avec ses nombreux spécialistes et laboratoires a apporté un nouvel éclairage indispensable aux études préliminaires et études préalables aux restaurations. Sans oublier les colloques nationaux et internationaux, les entretiens du patrimoine, qui ont permis d’échanger les connaissances et les expériences. Les progrès de la science et des techniques ont été et sont encore permanents. L’engouement constant des institutions publiques et privées pour des travaux de qualité a généré une véritable passion du public et des débats européens et internationaux. Des Chartes, Conventions et Accords[3]. ont dégagé, de manière collégiale, des orientations, des recommandations et aussi des contraintes à respecter.

Dans le passé, certains, comme Viollet-le-Duc, ont affirmé que « restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné ! ». D’autres ont affirmé que la valeur d’ancienneté n’était fondée que sur la dégradation du monument ; cela impliquerait qu’un monument restauré perdrait sa valeur historique. Dans sa communication du 29 mai 2002 à l’Académie des Beaux-Arts, Michel Bourbon, Restaurateur d’œuvres d’art, estimait lui, que « c’est certainement à partir de l’Inventaire général qu’il faudrait systématiquement décréter les interventions qui, dans la plupart des cas, représenteraient une opération minimum, à savoir : mettre en état conservatoire sans aller plus loin dans les décisions d’embellissement, de remplacement, de copies, de reconstructions ou de créations ».

Les restaurations abusives longtemps pratiquées par l’école de Boeswillwald et Eugène Viollet-le-Duc ne sont pas étrangères à cette réaction : celui-ci avait en effet des conceptions très personnelles sur la restauration des monuments. Comme nous le rappelons ci - avant, il lui importait peu d’être fidèle à la construction originelle. Il poussait même le raisonnement jusqu’à estimer qu’il fallait si nécessaire corriger « les erreurs de style ». Les excès des falsificateurs ont été tels que l’on peut comprendre les rejets brutaux et a priori à l’idée de nouvelles interventions. Mais les excès de ces réflexes épidermiques ont-ils de meilleures conséquences pour les monuments ?

Le parti pris forcené (particulièrement pour les monuments en ruine qui, sous couvert de romantisme, rejette toute protection et toute restauration, ne relève que d’un égoïsme immédiat condamnant la transmission des œuvres.

De nos jours, les principes de restauration et de protection ne sont plus les mêmes. Et si tout n’est pas parfait, s’il subsiste des faux pas, les restaurations s’honorent par leur discrétion. Les ajouts des restaurations sont soulignés pour ne pas tromper le visiteur et le chercheur, et non plus en faire-valoir de pseudo-créations.

Si certains États intègrent la notion de patrimoine dans leurs lois d’urbanisme et de la construction, d’autres - de plus en plus nombreux – ont privilégié une réglementation spécifique et adaptées aux différents types de patrimoine. Aujourd’hui, il semble que l’on s’oriente vers une appréhension plus globale du patrimoine.

Les clivages de l'administration française constituent un exemple de complexité de gestion des espaces : Il existait des collèges régionaux du patrimoine et des sites, qui, sous l’autorité du Préfet de région, participaient à la définition et la mise en œuvre des projets de création de Zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP), et des commissions régionales du patrimoine historique, archéologique et ethnologique (COREPHAE), instituées également auprès des Préfets de région qui, elles, étaient compétentes par exemple pour l'inscription sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. Mais les COREPHAE n'avaient aucun droit de regard sur les abords des monuments dont elle proposait la protection ! Fort heureusement, à l’initiative du sénateur Richert et sur l'insistance du Sénat, ces deux organismes de consultations ont été regroupés dans les Commissions régionales du patrimoine et des sites (CRPS) instituées par la Loi n° 97-179 du 28 février 1997 fournissant un outil d'appréhension globale des espaces.

Pourtant la réforme n'a pas menée jusqu'à son terme puisque les Sites font encore l'objet d'une instruction distincte dans des commissions départementales des Sites. Or, les administrations peuvent parfois être amenées à gérer des espaces qui cumulent plusieurs types de protections : Monuments historiques, Abords des monuments historiques ou ZPPAUP, Secteurs sauvegardés et Sites naturels classés ou inscrits. On peut citer à titre d'exemples : le Site de Glanum à Saint Rémy-de-Provence (Bouches du Rhône), le Vieux Strasbourg,... La dernière amélioration du fonctionnement du CRPS est intervenue avec le décret n°2004-142 du 12 février 2004 (JO du 14) relatif à la Commission régionale du patrimoine et des sites et l’instruction de certaines autorisations de travaux (Application de l’article 112 de la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité).

On le voit, le cloisonnement des structures administrative peut ainsi avoir une incidence forte sur les doctrines à mettre en œuvre en matière de protection du patrimoine et des espaces.

Sans doute forte de ce constat, la Direction de l’architecture et du patrimoine, a organisé le 24 juin 1998 un colloque sur le thème « Mémoire et Projet ». Ce colloque faisait suite aux travaux d’un groupe de réflexion réuni à l’initiative du Directeur de l’architecture et du patrimoine et présidé par Joseph Belmont. Ce groupe s’est interrogé sur les démarches de conservation et de création, qui souvent s’ignorent, voire s’opposent, et sur les conditions de leur enrichissement réciproque. Cet enjeu est en effet majeur au regard du ministère de la Culture et de la communication, de réunir les Directions de l’architecture et du patrimoine, visant à réconcilier mémoire et projet, approche patrimoniale et approche contemporaine de l’espace construit. Il s’agit de mettre en relation ce qui existe et ce qui pourrait être, de protéger et de transmettre sans forcément tout conserver, de créer en cherchant le plus souvent à transformer et à poursuivre la continuité du récit qui fonde la ville dans son ensemble, de laisser la mémoire provoquer le projet.

« Aujourd’hui, quand on parle d’urbanisme et de conservation du patrimoine, on a un peu l’impression qu’il faut choisir son camp. L’urbaniste, le conservateur, l’architecte, chacun œuvre pour sa propre chapelle. Et il semble, dans ce tournoi singulier, que les tenants de la « Protection » prennent l’avantage, malgré la médiatisation des grands projets d’architecture. La volonté de protection semble même sans limite puisque ses fidèles n’hésitent pas à prôner les « délices de l’imitation » pour se prémunir contre l’invasion contemporaine » (Michel Darnet, avocat à la Cour et professeur d’architecture à Toulouse). À l’inverse il faut déplorer le fait que même les villes historiques les plus importantes n’ont su conserver que de tout petits secteurs sauvegardés, alors que le bâti moderne, souvent trop hâtivement et trop abusivement qualifié de « création » et de « patrimoine » ne cesse de s’étendre.

[modifier] Annexes

[modifier] Bibliographie

  • J.P. Babelon, « Restauration et histoire » in Acte du colloque sur les restaurations françaises et la charte de Venise, 13-16 octobre 1976.
  • Françoise Bercé, Des monuments historiques au patrimoine, du XVIIIe à nos jours, ou « Les égarements du cœur et de l’esprit », Flammarion (Paris), 2000.
  • Théorie de la restauration, École du Patrimoine, Visibilité de la restauration, lisibilité de l’œuvre, Paris, 13 – 15 juin 2002.

[modifier] Articles connexes

[modifier] Lien externe

[modifier] Notes et références

  1. La 4ème conférence européenne des ministres responsables du patrimoine culturel organisée à Helsinki par le Conseil de l’Europe en mai 1996 a recommandé : « … d’étudier la mise en place d’un système permanent d’information (Le Réseau européen d’information sur le patrimoine) à la disposition des administrations, des professionnels, des chercheurs et des spécialistes de la formation pour connaître l’évolution du patrimoine dans les divers pays, en utilisant l’acquis du rapport sur les politiques du patrimoine architectural en Europe précédemment établi par le Conseil de l’Europe… ». Le Réseau européen du patrimoine (Réseau HEREIN) est un système permanent d'information regroupant au sein du Conseil de l'Europe les services gouvernementaux européens responsables de la protection du patrimoine. Le Comité Directeur du Patrimoine Culturel (CDPAT) composé des représentants des 48 Etats membres de la Convention culturelle européenne fixe les grandes orientations du Réseau.
  2. René Dinkel, « L'Encyclopédie du patrimoine (Monuments historiques, Patrimoine bâti et naturel - Protection, restauration, réglementation - Doctrines - Techniques - Pratiques)», Paris, Les Encyclopédies du patrimoine, 1997. Notices « Doctrine » pp. 663 à 669 ; « Entretien des monuments » pp. 716 et à 718 ; « Monument historique » pp. 929 à 931 et « Restauration » pp. 1125 à 1127 - Giuseppe Carnonara, Trattato di restauro architettonico, éd. Unione Typografico-Editrice Torinese, Turin, 1996 - Georges Duval, Restauration et réutilisation des monuments anciens, techniques contemporaines, Éditions Mardaga - Bollettino Europa Restauro, Nardini Editore, Gennaio, 2000 - Pascale Joffroy, La réhabilitation des bâtiments, Éditions Le Moniteur, 1999.
  3. Chartes, Conventions, Traités et Accords internationaux relatifs aux techniques et doctrines de conservation, restauration, réutilisation et mise en valeur des différents types de patrimoine. Engagements internationaux de la France.Traités internationaux.Archives et patrimoine. Les grands accords internationaux sur le développement durable.
    • Recommandations et Avis
    Recommandations et Avis de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe : Patrimoine architectural rural (Recommandation 881 - 1979) ; Le patrimoine culturel maritime et fluvial (Recommandation 1486 (2000) ; Conservation du patrimoine architectural de l'Europe [Recommandation 750 (1975)]; Edifices hospitaliers et militaires désaffectés [Recommandation 1485 (2000)] ; Patrimoine culturel en danger : un défi pour l’Europe [Doc. 10606. 21 juin 2005 Proposition de recommandation] ; Moyens de faire le point sur l'état de conservation du patrimoine architectural [Recommandation 788 (1976)] ; Mesures fiscales visant à encourager la conservation du patrimoine culturel [Recommandation 1634 (2003)] ; Gestion des cathédrales et autres grands édifices religieux en activité [Recommandation 1484 (2000)] ; Cathédrales et autres grands édifices religieux en Europe [Doc. 8826 rév. 27 septembre 2000] ; Projet de convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel et projet de protocole sur la protection des productions télévisuelles au projet de convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel [Avis n°230 (2001)] ; Monuments commémoratifs (Patrimoine funéraire,…) [Recommandation 898 (1980)] ; Convention d'Unidroit sur les biens culturels volés ou illicitement exportés [Recommandation 1372 (1998)] ; Gestion et protection du paysage: une convention européenne [Recommandation 1393 (1998)] ; Projet de convention européenne du paysage [Avis n° 220 (2000)].