Chimiosynthèse

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La chimiosynthèse désigne les mécanismes de la production de composants organiques par des organismes vivants.

Sommaire

[modifier] La chimiosynthèse : mise en perspective

Un type trophique se caractérise par trois critères :

  1. la nature de la source de carbone (auto-, hetero-)
  2. la nature de la source de l'énergie qui sera emmagasinée dans les molécules organiques synthétisées (photo- , chimio-)
  3. la nature organique (-organo-) ou inorganique (-litho-) du donneur d'électrons

Les critères 2 et 3 permettent de composer le nom du type trophique. Il y a quatre combinaisons. Toutes existent. Le critère 1 permet de classer les organismes en autotrophes et hétérotrophes (voir plus bas). Nous allons constater que cette nomenclature est assez contradictoire, et il faut un peu de temps pour déjouer les pièges de l'étymologie et même de la logique élémentaire... Il est toutefois possible de se faire une idée précise et rigoureuse de cette nomenclature, à condition de bien comprendre ce qu'il y a derrière chaque terme.

[modifier] Les autotrophies

Au début d'une chaîne alimentaire (=chaîne trophique, du grec trophein = manger), il y a toujours un organisme autotrophe, capable de produire les molécules organiques de structure et de fonction qui le constituent en effectuant la réduction du CO2 (carbone inorganique) en carbone organique.

  • Les organismes photolithotrophes sont les végétaux chlorophylliens, les cyanobactéries, les bactéries sulfureuses vertes ou pourpres. Tous réalisent une photosynthèse grâce à des pigments photosynthétiques. La réduction du carbone inorganique nécessite un donneur d'électrons : l'eau pour les végétaux chlorophylliens et les cyanobactéries, qui rejettent finalement du dioxygène, et le sulfure d'hydrogène H2S pour les bactéries sulfureuses.
  • Les organismes photoorganotropes utilisent des molécules organiques comme source de carbone mais pas comme source d'énergie. Exemples: les bactéries non sulfureuses pourpres.
  • Les organismes chimiolithotrophes sont des bactéries, qui utilisent soit des molécules organiques, soit des composés minéraux comme source d'énergie (c'est à ce dernier cas qu'on réserve le terme de chimiosynthèse, comme terme consacré. Ne pas se fier à l'étymologie du mot, donc.), et des composés minéraux oxydants (NO3, O2...) comme donneurs d'électrons.

[modifier] Les hétérotrophies

On distingue les photoorganotrophes et les chimioorganotrophes, qui utilisent respectivement la lumière et l'énergie des liaisons chimiques comme source d'énergie.

  • Les organismes photoorganotrophes sont des bactéries photosynthétiques (Athiorhodacées) qui utilisent le CO2 comme source de carbone, une molécule organique comme source d'électrons pour la réduction de ce carbone, et la lumière comme source d'énergie.
  • Les organismes chimioorganotrophes sont les Animaux, les Mycètes (champignons, levures), les végétaux chlorophylliens et non chlorophylliens, et des bactéries. Cette fois, les sources d'énergie, de carbone et d'électrons sont toutes trois des molécules organiques. Le dioxygène joue le rôle d'accepteur final d'électrons dans le cas de la respiration aérobie, mais ce peut-être aussi un ion (nitrate, sulfate, carbonate...) dans le cas de la respiration anaérobie, ou une molécule organique dans le cas de la fermentation (lactate pour la fermentation lactique, éthanol pour la fermentation alcoolique...).

Remarque : Les végétaux chlorophylliens consomment de la matière organique qu'ils ont eux-mêmes produite : ils respirent aussi et consomment de l'oxygène, en présence comme en l'absence de lumière. Ce sont donc à la fois des chimioorganotrophes et des photolithotrophes. Ce point est très important : il faut garder à l'esprit que ces catégories ne sont pas nécessairement exclusives les unes des autres. Un même organisme peut appartenir simultanément ou successivement à plusieurs de ces catégories. Toutefois, on préfère souligner la source primaire d'énergie : on qualifiera donc les végétaux chlorophylliens de photolithotrophes, car ils ne sauraient être que chimioorganotrophes.


Une belle expérience, connue sous le nom de colonne de Winogradsky, permet de réunir dans une biocénose bactérienne tous ces types trophiques à la fois. Le biologiste russe Sergueï Winogradsky (1856-1953) est d'ailleurs à l'origine de la découverte de la chimiolithotrophie des bactéries sulfureuses dans les années 1885-1888 (Laboratoire de botanique, Université de Strasbourg).

[modifier] Les différentes chimiosynthèses

Il serait raisonnable de parler de chimiosynthèse par opposition à photosynthèse, c'est-à-dire dès que la source d'énergie est d'origine chimique au lieu de lumineuse. Peu d'auteurs le font. Beaucoup réservent le terme de chimiosynthèse aux métabolismes chimiolithotrophes oxydant des composés minéraux. Ainsi, les autres chimiolithotrophes, oxydant des composés organiques, et les chimioorganotrophes que nous sommes sont exclus de ce vocable. Mais il est juste de dire qu'un être humain a un métabolisme chimiosynthétique.

Dans la pratique, le terme de chimiosynthèse est souvent employé pour désigner le métabolisme des autotrophes découverts par les bathyscaphes américain ALVIN et français CYANA dans les années 1977-1979 lors de plongées sur des dorsales océaniques dans le Pacifique oriental par environ 2500 mètres de fond (Première observation de "fumeurs noirs" sur la dorsale des Galapagos en 1977 par l'ALVIN par 2630 mètres de fond).

A cette profondeur, tout le rayonnement solaire utilisable est absorbé (l'obscurité est totale). Un paradigme de la biologie avant cette époque consistait à penser que le soleil était absolument nécessaire à toute chaîne trophique, comme source d'énergie pour les producteurs primaires. Certes, on connaissait des chimiolithotrophes minéraux depuis le XIXe siècle, mais la biomasse de départ ne pouvait être fournie de façon suffisante que par des végétaux. D'autres métabolismes autotrophes allaient être découverts.