Discuter:Bruno Latour

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J’ai lu avec intérêt l’article sur Bruno Latour et il m’inspire trois brèves remarques.

Pour comprendre le travail de Bruno Latour, il faut tout d’abord remonter à son travail de thèse sur l’exégèse. Ses recherches se sont dirigées vers l’examen des conditions de production de la vérité, qu’elle soit scientifique, religieuse ou politique. C’est ce qui permet de comprendre, selon moi, la cohérence de son œuvre, de son travail de thèse à son ouvrage Jubiler ou les tourments de la parole religieuse, de la sociologie des sciences aux travaux sur l’ethnologie du conseil d'Etat. C’est, entre autres, ce qui permet de rejeter l’accusation de relativisme qui lui a été adressée : de même que Latour ne condamne pas la foi mais décrit le mode de production réel des vérités religieuses, il ne cherche pas à dénoncer le caractère prétendument fallacieux de la science mais le mythe qui s’est greffé sur l’activité et qui interdit l’entrée des sciences en politique. Son travail de sociologue est une tentative de réponse à la crise de l’objectivité des sciences (dont atteste par exemple la crise écologique) par une laïcisation de l’activité scientifique.

Ensuite, il me paraît tout à fait erroné de dire que le travail latourien s’inspire des philosophies de Sartre et de Marx. Je soutiendrais, au contraire, que la philosophie latourienne (car il fut philosophe avant d’être sociologue des sciences) est un anti-existentialisme et un anti-marxisme. Il faut revenir à Abidjan où le philosophe décide de se lancer dans une anthropologie de ce qui fait le cœur des sociétés modernes et qui n’est jamais interrogé sociologiquement, le laboratoire. A cette époque, il participe à deux cercles d’études : dans le premier on y critique le Capital, dans le second on y lit l’Anti-oedipe de Deleuze et Guattari. Je vois dans ce passage de Marx à Deleuze une passe d’arme : son travail de philosophe s'opposera au marxisme pour aller vers un deleuzianisme. Nous trouvons les traces de cet itinéraire philosophique dans son aversion pour les pensées qui tentent de court-circuiter la délibération politique –ce qu’est typiquement, à mon avis, le matérialisme historique. Une autre figure essentielle dans son travail est la réminiscence du rhizome deleuzien : objets chevelus, faictiches, attachements, etc. C’est là le cœur de la philosophie de Latour, une pensée de l’attachement plus que de la liberté qui est aux antipodes de l’existentialisme sartrien. Je considère donc la référence à Sartre et Marx comme une erreur. Je me suis don permis de corriger ce point dans le texte.

Enfin, il me semble important de souligner que la sociologie des sciences n’est qu’un aspect du travail de Bruno Latour. Non seulement il est engagé dans le développement de la théorie de l’acteur-réseau (Actor Network Theory, ou ANT) avec Callon et Law, mais il est également le chef de file des cosmopolitiques. La définition des cosmopolitiques mériterait à elle-seule un article –c’est un objet chevelu. Je ne pense donc pas pouvoir les définir ici et je propose en échange quelques références : les travaux éponymes d’Isabelle Stengers et les Nous n’avons jamais été modernes et Politiques de la Nature de Bruno Latour, ainsi que Quand le loup dormira avec l’agneau de Vinciane Despret pour en voir une application en épistémologie de l’éthologie. Il faut aussi consulter les numéros de la revue cosmopolitiques –notamment le premier sur la nature qui en est en quelque sorte le manifeste. Enfin, Pilippe Descola vient de sortir un ouvrage qui promet d'être très intéresant, Insérez le texte à mettre en italique à la place de celui-ciPar delà Nature et Culture".

Je laisse un contact, si quelqu'un à quelques objections.

Weka not_a_lemon05@yahoo.fr


Votre interprétation est intéressante. Néanmoins c'est éxagéré d'affirmer que comprendre Latour exigerait de revenir à "Jubiler". Il a quand même écrit l'écrasante majorité de ses bouquins et articles sur les sciences et techniques, on peut considérer que quelqu'un qui a lu "Science in Action", "Pasteurization of France", (dans le désordre, et tout le reste) peut prétendre à une compréhension de Latour. Ensuite sur les inspirations marxiennes et sartriennes, elles existent, c'est trop de dire qu'il les aurait totalement évacuées. Elles ne sont pas politiques (son radicalisme n'a rien à voir, ok), mais épistémiques. Comme Marx et Sartre, il pense que la connaissance est matérielle. Latour cite régulièrement les premières lignes de l'Etre et le Néant : Un phénomène n'existe pas en dehors de la totalité de ses manifestations. De plus, il est facile de rapprocher Latour du Marx des Thèses sur Feuerbach : un matérialisme élaboré qui permet de penser la connaissance en rapport avec "la société" (rapport de co-production). Symétriquement (et oui!) on peut relativiser le "deleuzisme" de Latour : dans Irréductions, il critique assez vigoureusement le concept central chez deleuze de "machine". Enfin, je me demande pourquoi Latour parle aussi peu de l'ANT en France. Bien beaucoup de ses textes soient traduits, j'ai l'impression que ceux qui concernent l'acteur-réseau restent essentiellement en anglais. Je ne sais pas s'il s'agit d'un travail délibéré d'édition séléctive (genre pour adapter son discours au cas français). Sinon l'article est très bien


Je trouve vos remarques intéressantes et je n'ai, dans l'ensemble, rien à redire. Je voudrais seulement apporter deux précisions : - Jubiler est selon moi très important en ce qu'il permet de comprendre la trajectoire intellectuelle de Latour. Nombre de ses critiques voit dans son oeuvre un travail dispersé et incohérent, je ne suis pas d'accord. - Ensuite, ma formulation était trop catégorique: Latour discute évidemment Marx et Sartre qu'il connait bien. Je répondais à l'article qui faisait plus ou moins de Latour un philosophe marxiste et sartrien, ce qui, de mon point de vue, est excessif et mènerait à des contre-sens. - Enfin, votre dernière question est intéressante. De même, il n'y a pas à ma connaissance de groupes de discussion francophone sur l'ANT...

Sommaire

[modifier] Anecdote personnelle

Je ne peux resister a placer cette anecdote personnelle. J'ai lu Aramis ou l'Amour des techniques en 1992, a sa sortie. A l'epoque j'etais ingenieur a Toulouse, sur, ... le programme Hermes ! 72.254.41.169 31 janvier 2006 à 06:02 (CET)

[modifier] Vignerons, viticulteurs ou négociants en vins

Il me semble que les Latour sont plutôt de riches négociants-éleveurs en vin de Beaune, plutôt que de pauvres vignerons. Voyez leur page Web. J'ai donc corrigé. Pierre de Lyon 13 septembre 2006 à 09:01 (CEST)

Pas du tout sur que ce soit la même famille. Je pense qu'on peut supprimer l'origine famliale, qui, me semble t il, n'a pas grand chose à faire dans la biographie d'un intellectuel (sauf si cela joue un rôle dans sa pensée ce qui n'est ici clairement pas le cas). Je supprime la phrase, rétablissez si vous voulez.

[modifier] "Nature" ou "Non-humains" ?

J'ai trouvé inexact d'écrire que pour latour, le parlement des choses est le lieu de représentation de la nature, alors qu'il s'est appliqué à remplacer l'opposition nature / culture par une symétrie humains / non humains. "Il faut bien que les non-humains soient représentés", écrit-il précisément dans l'article du monde cité en référence. J'ai donc supprimé cette idée de représentation de la nature, totalement incohérente avec la pensée de Latour, et je l'ai remplacée par une représentation des non humains, qui a plus de sens.

[modifier] Problèmes théoriques

Après lecture plus sérieuse, l'article est totalement faux, en particulier le paragraphe sur le fait que les objets scientfques seraient socialement construits, qu'ils représenteraient des rites et des "croyances", et n'existeraient que dans la tête des chercheurs. Latour affirme totalement autre chose, et ceci à plusieurs reprises. Il l'a explicitement fait entre les deux éditions de son premier livre "La vie de laboratoire", sous titrée en 1978 "La construction sociale des faits scientifiques", puis dans la 2ème ed. "La construction des faits scientifiques". Pour Latour cela n'a rien à voir puisque "la société" est un mot qui ne veut rien dire, et qu'il ne nie absolument pas la "réalité" des faits scientifiques "solides" indépendants de "croyances culturelles". Je n'a pas le temps d'écrire maintenant un résumé de sa pensée, passablement compliquée, mais j'essaierai de le faire dans le futur si personne ne s'y attèle plus sérieusement que dans cet article.

La règle sur Wikipédia veut que l'on signe et date les interventions en page de discussion, surtout lorsque l'on remet en cause un article dans son intégralité en le jugeant "totalement faux".--Ben D 6 décembre 2006 à 20:35 (CET)