Discuter:Ascenseur social

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De nombreux projets ont, depuis le début des années 2000, vu le jour dans les Grandes Ecoles. Ils répondent à un besoin de démocratisation des hautes études et d’hétérogénéité sociale au sein des Ecoles. Grenoble Ecole de Management s’est lancé dans l’aventure en 2004 et s’apprête aujourd’hui à lancer son propre programme, issus des recommandations d’études sur le problème.

Sommaire

[modifier] L’ascension sociale, une problématique plus que jamais d’actualité.

Depuis le XVIIIème siècle, la problématique de l’ascension sociale est de plus en plus présente dans la société française. En effet, la croissance démographique et la révolution industrielle ont permis un large mouvement de mutation sociale. Les gains de productivité dans les campagnes et la surcharge de la population rurale ont poussés de nombreux fils de paysans vers les nouvelles villes industrielles qui offrent des perspectives d’emplois salariés. Dans ce cas, la ville est un lieu propice à l’ascension ou la chute sociale. Le principe napoléonien de méritocratie fait alors son apparition. Celui-ci désigne un système politique, économique et social à l'intérieur dans lequel le pouvoir est obtenu par le mérite, celui-ci étant basé sur la reconnaissance universitaire et l'expérience. En effet, l’esprit d’entrepreneur et la réussite sont consacrés et la sociabilité et détermine le degré d’ascension sociale de chacun, si bien que l’organisation de la société urbaine se complexifie.

La classe ouvrière et la nouvelle bourgeoisie industrielle prennent de plus en plus d’importance face à l’élite traditionnelle. De plus, l’école devait revoir les structures initiales de l’école de la Troisième République. Ferdinand Buisson est le premier qui demandera de revenir sur les deux ordres scolaires qui répartissent les enfants dans des classes différentes : les unes « installées avec luxe », les autres « ayant à peine le nécessaire », comme il dit. En séparant les publics d’élèves, ces deux ordres scolaires initient « dès le bas âge à la notion et à la superstition de l'inégalité sociale ». Le premier ordre doit être accessible à tous car, ce « complément d'instruction n'est ni un luxe, ni une spécialité propre à quelques uns ». Après la révolution de 1848, de nombreuses mesures sont mises en place par l’Etat qui a la volonté de préserver l’ordre social et de moderniser l’économie française. Ainsi Jules Ferry met-il en place plusieurs lois sur l’enseignement qui donne à tous, garçons et filles, une éducation laïque et gratuite. De même, la restauration du service militaire obligatoire de cinq ans permet un brassage social des jeunes de 20 à 25 ans et une homogénéisation des modes de pensées et des modes de vie.

Pourtant, on constate que malgré l’ouverture par le bas des institutions et de l’éducation, l’endogamie est encore dominante (78,5% des mariages sont endogames en 1914) et le mythe du boursier méritant n’a pas de réalité statistique. C’est pourquoi les inégalités sociales sont toujours présentes.

Après guerre, la problématique de l’ascension est de nouveau au cœur du débat avec la démocratisation de l’enseignement. En effet, avec le rallongement de la durée obligatoire de scolarité, le collège unique et l’objectif de 80% d’une génération bachelière, les années 1960 sont marquées par l’explosion scolaire. La part de bacheliers dans une génération est passée de 4 % en 1946 à plus de 60 % en 2002. Pourtant, la massification de l’enseignement supérieur et les mesures d’uniformisation des enseignements n’ont pas réduit les inégalités sociales face à l’école et la réussite pour tous.

En 1982, face à la persistance de l’échec scolaire parmi les élèves les plus défavorisés, une expérience rompant avec l’idée d’égalité de traitement est tentée. En juillet 1981, Alain SAVARY crée les zones d’éducation prioritaire qui ont pour objectif de répondre aux besoins spécifiques de zones géographiques défavorisées en matière d’éducation et d’enseignement. Les ZEP promettent de «donner plus à ceux qui ont moins» et sont censées durer quatre ans, juste le temps pour les 363 zones identifiées à la rentrée 1982 de rattraper leur retard. Le taux d'élèves issus de familles défavorisées est de 65,4 % en ZEP (contre 44,7 % hors de ces zones). En réalité, les ZEP sont conservées au delà de cette période et est même étendu à un plus grand nombre d’écoliers.

L’efficacité de cette mesure est aujourd’hui remise en cause par de nombreux spécialistes. Un rapport de l’Insee de septembre 2005 sur le sujet estime que «la mise en place des ZEP n'a eu aucun effet significatif sur la réussite des élèves». Les données concernant les acquis scolaires sont perçus comme décevant par rapport à l’objectif initial des initiateurs d’ « excellence pédagogique » et certains économistes, comme Denis MEURET, affirment que les élèves en ZEP réussissent un peu moins bien qu’ils ne réussiraient ailleurs.


[modifier] L’inégalité d’accès aux études supérieures et aux ESC.

La mise en place du projet d’Ascension Sociale part d’un constat.

Depuis l’après-guerre, des études sociologiques sur l’école ont montré que les étudiants issus de milieux ouvriers sont sous-représentés dans les filières d’études longues. En effet, alors qu’au sein de la population active, on compte plus de 30 % d’ouvriers ou d’employés, les étudiants issus de ces CSP représentent à peine 3,4% en Ecole de Commerce.

Situation socioprofessionnelle des chefs de ménage des élèves des Grandes Ecoles et des étudiants de l'Université (année 2001-2002)

CSP du chef de ménage Ecole d'ingénieurs Ecole de Commerce 3ème cycle universitaire Population totale
Agriculteurs exploitants 4.1 2.1 1.9 1.6
Artisans commercants chefs d'entreprise 5.5 6.9 6.7 5.0
cadres supérieurs et professions libérales 59.4 69.5 45.7 9.6
Professions intermédiaires 11.3 7.5 16.5 14.1
Employés 6.3 4.5 8.9 11.5
Ouvriers 6.1 3.4 6.3 19.4
Retraités Inactifs 7.3 8.0 14.0 38.8


Cette situation est expliquée de plusieurs façons.

[modifier] Le frein économique.

Poursuivre des études a un coût élevé et d’autant plus en école de commerce, les frais de scolarité étant très élevés (7500€ à Grenoble Ecole de Management). Même si le système français prévoit l’allocation de bourses d’études en fonction des revenus des parents, celles-ci ne permettent pas de payer les frais de scolarité et les frais quotidiens de vie. Les frais d’étude sont un coût important pour les familles modestes et cela explique que les études sont davantage perçues comme une perte de temps que comme un investissement sur l’avenir. Il est alors nécessaire d’optimiser les études. Les étudiants issus de milieux ouvriers préfèrent alors abandonner cette perspective et optent davantage pour des études courtes pour être le plus rapidement autonomes financièrement. Cela explique donc leur préférence, dès le lycée, pour les filières technologiques et professionnelles qui leur assurent une entrée rapide sur le marché du travail.

[modifier] Le frein culturel.

De plus, un problème culturel se pose dans le choix d’orientation. Tout d’abord, les études longues sont, pour ces étudiants, réservées à une élite sociale. Ils ne se retrouvent pas dans des études menant à des carrières qu’ils n’ont pas l’habitude de côtoyer. Ils s’autocensurent. Pierre Bourdieu, sociologue français, expliquent bien ce principe avec la notion d’habitus de classes. Celui-ci regroupe « les dispositions générales (façons de faire, de réagir, manières d'être) résultant de l'intériorisation et de l'accumulation par chacun de nous, au fil de notre histoire, des apprentissages passés, d'un savoir-faire inculqué par la famille, l'école ou l'environnement social lors du processus de socialisation. » Nos choix résultent inconsciemment de notre phase de socialisation, des habitudes acquises tout au long de notre vie et de l’environnement dans lequel nous évoluons. Les études longues ne font pas partie de l’habitus des milieux ouvriers. C’est pourquoi cette option n’est même pas envisagée.

Un second problème culturel se trouve au cœur même des enseignements et des critères de sélection des concours. En effet, ceux-ci sont construits sur une importante culture générale. Or, même si celle-ci est prodiguée par l’école, les activités extrascolaires jouent un rôle majeur dans cette acquisition. Le capital culturel, défini par Bourdieu, est alors un élément discriminant dans la réussite scolaire entre les enfants de milieux à dominante culturelle (comme les enseignants) et ceux issus de milieux à faible contenance culturelle. Les épreuves de philosophie, de dissertation, de langues étrangères ou de synthèse de dossier avantagent les étudiants issus de CSP supérieures, ceux-ci bénéficiant d’un soutien pédagogique et culturel avantageux.


[modifier] La mise en place de programmes d’Ascension Sociale.

Face à cet échec et la montée de la frustration des jeunes issus de milieux défavorisés, de nouveaux projets sont mis en place dès les années 2000.


[modifier] L’institut de Sciences Politiques de Paris, un précurseur en la matière.

À partir de 2001, l'Institut d'études politiques (IEP) de Paris a été l'un des premiers établissements à mettre en place un programme de discrimination positive en France, lancées par le directeur Richard DESCOINGS. Une procédure d'admission spéciale pour des lycéens venant de ZEP a été instaurée ; ils sont dispensés de concours d'entrée et sont recrutés sur dossier et sur entretien. Ils bénéficient ensuite de la formation normale des étudiants de l'IEP, qui leur permet notamment d'occuper des postes de direction en entreprise et au sein de la haute fonction publique. Malgré une vague de contestation au sein même de l’école et de critique du projet, considéré comme étant une politique dévalorisante et injuste par rapport aux autres étudiants, le bilan est aujourd’hui largement positif et constitue un modèle à suivre pour les autres Grandes Ecoles. Le taux de réussite aux examens est le même que celui des autres étudiants, leur intégration dans l’école et le monde associatif est excellent et, du côté des grandes écoles, on a compris le bien-fondé du développement de toutes ces formes d’accès; on assiste au développement d’un grand nombre de propositions qui suivent cette expérience exemplaire.

[modifier] L’ESSEC, le tutorat vers les études supérieures.

La première école de commerce à mettre en place des mesures d’ascension sociale a été, en 2001, l’ESSEC. A travers ce programme, mis en oeuvre depuis l’année scolaire 2002-2003, l’ESSEC souhaite accroître les chances des lycéens, issus de milieux modestes ou défavorisés, de poursuivre et de réussir des études supérieures ambitieuses. Des étudiants de l’ESSEC accompagnent des jeunes de la Seconde à la Terminale, scolarisés dans des lycées de proximité, pour leur donner des clés de réussite auxquelles leur environnement familial et social ne donne pas accès. Les premiers résultats confirment la légitimité des choix proposés et ouvrent la voie à d’autres Grandes Ecoles. En janvier 2003, 23 élèves de Seconde de lycées de l’académie des Yvelines sont sélectionnés sur la base de leurs résultats scolaires, leur envie d’apprendre et leur motivation. Trois ans après, ils sont encore 19 à participer au programme. Au fur et à mesure, leur projet professionnel s’est précisé, ainsi que la filière de formation à suivre pour y parvenir. Sur les 19 lycéens de la première promotion, 15 ont pour objectif d’intégrer une grande école, 1 s’oriente vers une faculté de médecine et 3 ont opté pour un IUT.

[modifier] Un problème incontournable dans les écoles et les universités.

On a vu que notre système éducatif se caractérise par le renouvellement des élites sociales et que la reproduction sociale est de plus en plus forte. Or, dans les temps de crise économique comme celui que nous traversons depuis les années 1980, il est nécessaire pour les entreprises de trouver de nouveaux modes de pensée et de fonctionnement et que la différenciation est un avantage concurrentiel des plus importants. De plus, la reproduction des élites pose le problème de leur légitimité aux yeux de la société. Dans ce cas, les universités et Grandes Ecoles sont conscientes de leur rôle politique, social et moral dans cette endogamie des élites et cherche de plus en plus à ouvrir leurs portes à la mixité sociale.

C’est dans ce contexte que la Conférence des Présidents d’Université et la Conférence des Grandes Ecoles se sont engagées, au nom de leurs membres, à mettre en place des dispositifs expérimentaux et des partenariats entre les établissements d’éducation du secondaire pour offrir les mêmes chances de réussite et enrichir les étudiants de ces échanges culturels par le brassage des histoires et des parcours individuels.

[modifier] Conclusion :

Depuis quelques années, l’inégalité des chances est un problème dont la société est de plus en plus consciente. La difficulté d’accès aux études supérieures et, en conséquence, à l’emploi oblige les acteurs de notre société à agir contre les effets d’une fermeture à la diversité. Les émeutes de novembre 2005 ont plus que jamais mis en exergue les problèmes de discrimination et d’exclusion des jeunes en raison de leurs origines sociales ou ethniques. De nombreux projets sont donc mis en place pour contrer ce fait de société. Pourtant, il reste énormément de travail pour éradiquer les discriminations qui sont, de plus en plus mises en lumière et de moins en moins tolérées par la société.