Utilisateur:Alceste/De l'unité de l'Humanité ou du syndrome de Babel

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De l’Unité de l’Humanité ou du syndrome de Babel

Sur l’article paru dans le journal Le Monde du 17 décembre 2006 intitulé « Sur le Net aussi, l'humanité est en guerre, par Jean-Michel Dumay »


Sommaire

[modifier] Objet de l’article

J’ai appris qu’un article de monsieur Dumay publié le 17 décembre 2006 dans le monde se référait à ma contribution à l’encyclopédie libre Wikipedia sous le pseudonyme Aleste ; j’en ai pris connaissance.

J’ai été tout naturellement enthousiaste de cette petite notoriété inattendue, et ai apprécié l’intention de l’article. L’auteur a voulu saisir une anecdote expressive pour proposer une réflexion intéressante sur les conflits qui ne connaissent pas d’instance souveraine législatrice pour leur règlement et s'empètrent dans la guerre, tels les conflits internationaux. En effet, l’Humanité étant déchirée par les guerres, la reconnaissance de celle-ci comme unité, non pas seulement formelle, est problématique, et distinguer cette « pédagogie de la paix », de la non-violence, n’est pas sans m’inspirer effectivement une certaine adhésion. Il faut simplement remarquer que les enjeux existentielles relativement faibles de Wikipedia pour un contributeur favorisent de tels mode de traitement des conflits et la résignation de ne pas voir sa réflexion partagée ; de plus les guerres éditoriales, du moins certaines, sont ici motivées par ce qui rassemble les contributeurs : la beauté du projet Wikipedia et sa qualité. Monsieur Dumay a su d'ailleurs parfaitement résumer le projet Wikipedia.

[modifier] Rectification

Cependant, ma lecture a fortement été contrariée du fait de voir les termes de la guerre éditoriale dans laquelle je suis impliqué déformés, et ma position non pas mal formulée, mais exposée de façon totalement erronée, avec, en prime, un contenu stupide. Mon opposition à Idéalités ne consiste absolument pas à « fusionner l’article [Humanité] avec Homo sapiens » (le « H » d’Homo sapiens est toujours en majuscule), mais au contraire à faire respecter la polysémie du mot « humanité », en refusant le dénigrement des différentes acceptions, différentes vérités qui sont la base même de toute réflexion philosophique, et en refusant sa réduction par Idéalités à une vaste démonstration de la thèse socio-anthropologique défendue par Pascal Picq pour qui, selon Idéalités, l’Humanité désigne une entité qui ne serait pas une entité actuelle mais en construction, et dont l’avènement est présenté comme un idéal. La « guerre » qui m’oppose à Idéalités tiens donc moins d’une conviction de détenir la vérité, car je ne remet pas en cause la réflexion de Pascal Picq dans la démarche qui est la sienne telle que exposée par Idéalités, que de l’exaspération suscitée par un débat où les réponses de madite adversaire ne répondent pas aux objections de nature méthodologique, la neutralité par le respect de la « diversité conceptuelle » au sein de Wikipedia, mais déforment celles-ci et répondent donc obstinément à côté.

[modifier] Réflexion inspirée par l’objet de l’article et son contenu

[modifier] L’article initie sa propre contradiction

Certes, sur le plan formel de la démonstration de monsieur Dumay, le contenu du litige qui m’oppose à Idéalités est accessoire relativement à l’existence d’une « guerre » sur l’article « Humanité » et à son mode de traitement ; néanmoins il est paradoxal qu’un article promouvant la paix attente dans sa démonstration à l’intégrité de la pensée des protagonistes et soit, par là-même, source d’un préjudice qui est, toute proportion existentielle gardée, d’un ordre similaire à l’origine des litiges internationaux. En effet l’enjeu est la reconnaissance d’une identité et le respect de son intégrité : ici la pensée, là-bas des valeurs, des territoires, la souveraineté.

Ce qui est surprenant est que cette « guerre », pourtant loin de l’éloignement proprement géographique des guerres habituellement relatées car s’effectuant ici virtuellement sur Internet, cette « guerre », loin de l’éloignement proprement culturel de ces même guerres car s’effectuant ici en français et dans un état d’esprit, pour ainsi dire, occidental, cette « guerre », malgré donc son accessibilité permanente et directe sur la page discussion de l’article encyclopédique en cause, est en définitive incomprise et relatée de façon erronée. Cette page a-t-elle vraiment été lue ? Est-ce le résultat du souhait du lecteur de vouloir absolument dégager un sens théorique sur le fond de la notion humanité alors que la guerre est méthodologique ? Est-ce le fait que le sens de cette guerre ne puisse être atteint immédiatement par le lecteur parce que le déroulement de celle-ci est sophistique, les réponses ne répondant pas aux objections, et empêtrent donc ce lecteur dans l’absurde ? Me suis-je mal exprimé ?

[modifier] Une source des violences qui divise l’Humanité : l’incompréhension

Ce qui émerge en définitive c’est l’incompréhension souveraine, comme source de guerre d’édition sur Wikipedia et finalement également comme origine de cette réponse rectificative à l’attention de monsieur Dumay, qui se réfléchit sur la source même des guerres qui divisent l’Humanité. Cette source semble moins être une question de conviction de vérité, que l’étape précédente : la prétention même à pouvoir recourir au dialogue comme alternative pacifique à l’empoigne, prétention qui repose sur la tentative de formulation de ce qui pourrait être une vérité, et sur l’espérance de se voir être compris.

[modifier] L’incompréhension implique l’unité de l’Humanité : le syndrome de Babel

Dès lors dans ce phénomène d’incompréhension générale, aussi paradoxale que cela paraisse c’est l’unité de l’Humanité qui est en réalité parfaitement vécue : non pas comme une osmose mais comme lien de ceux qui se reconnaissent comme interlocuteurs, comme prétendant à la faculté de se comprendre, mais ne parviennent pourtant précisément pas à se comprendre. Quelle autre entité que l‘Humanité en effet veut construire cette mythique tour de Babel, dans la quête du sens ultime, croyant construire l’unité alors que les constructeurs se comprennent de moins en moins et vouent le projet à l’inachèvement ou à l’absurde ? Qui d’autre dans la prétention même à la compréhension et à pouvoir donner la leçon, se hâte plus à affirmer et produire qu’elle ne se soucie de comprendre et est en train finalement de construire à sa manière cette bibliothèque de Babel, née sous la plume de Borges, dont la vérité du contenu est hors de toute appréhension possible, perdue dans l’infinité des livres possibles qui exposent aussi bien toutes les vérités, que leurs contres vérités et contres contres vérités ? Comment ne pas songer à l’ironie de l’Histoire qui veut que cette antique Mésopotamie, où sont situées l’apparition de l’écriture et parmi les premières civilisations rayonnantes, cette antique Mésopotamie qui est le carrefour historique des cultures asiatiques, africaines et européenne, cette antique Mésopotamie devenue l’Irak, avec son ancienne Babel et sa province actuelle Babil, ou Babel, cette antique Mésopotamie qui est depuis l’origine de l’Histoire le théâtre privilégié de guerres de cultures, soit aujourd’hui encore lieu de confrontation des cultures, objet de conquête cette fois-ci d’un empire du continent américain, guerre de surcroît légitimée, à en croire les médias, par l’avidité, la prétention et la tromperie sous l’étendard d’un idéal de Liberté universelle. La pensée de l’unité de l’Humanité n’est-elle pas atteinte d’un syndrome de Babel ? Ce syndrome, loin de la réduction à un problème linguistique, serait le fait de perdre la compréhension de l’unité effective de l’Humanité en regardant en permanence ailleurs ; il serait l’unité qui s’illusionnant et se précipitant dans la quête d’un idéal, d’un paradis, s’oublie finalement elle-même et produit et entretient sur Terre son propre Enfer.

[modifier] Dépasser le syndrome de Babel : comment penser l’unité

L’Humanité n’est pas un peuple, une culture, c’est l’entité qui se connaît comme telle, malgré elle et malgré la pluralité de ce qui la compose. Et vouloir « penser » son unité entendue comme une conformité de l’Humanité à une conception prédéterminée de valeur ou à un idéal n’est encore que s’inscrire dans une quête, celle d’un résultat à attendre ou à atteindre, qui néglige de comprendre ce qui est déjà et qui permettrait alors peut-être en-soi de mettre un terme aux guerres. De même la pluralité des cultures n’empêche nullement de « penser » l’Humanité comme une, bien au contraire : identifier la pluralité des cultures, qui va jusque dans l’incompréhension entre ceux qui pourtant partagent une même langue, est par là-même poser l’existence d’une entité commune et unificatrice : cette conscience de la diversité, conséquence de la reconnaissance réciproque des cultures et de leur incompréhension réciproque, et qui précède toute prétention à détenir une vérité et vouloir identifier l’unification à la paix, prétention qui néglige ce qui est pourtant déjà uni dans ce qui produit sa propre guerre. Comprendre cela c’est alors comprendre que l’unité de l’Humanité repose sur une question d’exigence, d’exigence envers soi-même : exigence de revenir à la compréhension de soi-même, de la valeur de ses propres valeurs, de sa propre vie, dans ce que nous renvoient les autres dans ce que nous en comprenons, en s’assurant obstinément que nous les comprenons, afin d’arrêter de vouloir pour vouloir, de produire pour produire, de réciter sans intelligence, de disserter sur ce qui est erroné, de mimer pour agir, de vivre pour tuer, d’invoquer Dieu pour répandre l’Enfer, de chercher dans les autres ce qui dépend avant tout de soi, et ainsi de produire et entretenir la perte de l’unité du sens (étant clairement entendu que l’unité n’exclue pas la diversité de ce qui la compose : il faut ici être hégélien !). C’est cette exigence qui permet de dépasser une analyse binaire et extérieure : vrai ou faux, moi et l’autre, une culture et une autre ; c’est cette exigence qui impose de chercher sous l’apparence du faux l’existence du vrai, et inversement, qui impose de voir dans l’unité la possible coexistence du vrai et du faux, qui impose de chercher les fondements et les axiomes sans lesquels aucune vérité ne pourrait prétendre être formulée, et sans lesquels il est impossible de cerner les subtilités qui imposent de voir que chacun détient en un sens ou un autre une certaine vérité ; bref c’est cette exigence qui impose de comprendre notre affirmation individuelle (en tant qu’individu ou membre d’un groupe), notre identité, notre vérité, comme affirmation d’un contenu complexe et problématique fruit et germe de notre culture, comme de toute culture ! C’est sur cette exigence partagée que l’esprit de tolérance peu dès lors prendre son empire.

[modifier] Conclusion : penser l’Humanité comme une c’est penser ce qu’est notre propre vie

Oui l’Humanité peut-être « pensée » comme une, car cette unité est vécue dans la conscience de l’identité de nos différences, et donc de la pluralité des cultures. Ce qui empêche de la « penser » comme telle, et comme pouvant être « unie » idéalement pacifiquement malgré les désaccords ou conflits persistant, ce n’est donc pas la pluralité des cultures, mais la pensée prenant prétexte de cette pluralité pour se précipiter vers une fin, une connaissance, une conclusion, un but et une domination, autrement dit vers un idéal, au détriment de l’être, de la contemplation, de l’étonnement, du sens, et du contentement, autrement dit au détriment de ce qu’est le cheminement constitutif de l’identité, de la culture, ce segment qui est la substance même de la vie de tout homme, la substance même de l’Humanité.

Il me semble qu'une éducation à la paix ne pourra hélas être diffusée et entendue que sur la considération de ce préalable.

[modifier] Observation réflexive : …

Au terme de cette lettre rectificative qui s’est transformée en une libre réflexion sur l’article de monsieur Dumay, j’ai conscience de contribuer à cette Bibliothèque de Babel, j’ai conscience d’être non exhaustif, j’ai conscience de pouvoir ne pas être compris, j’ai conscience de risquer me voir reprocher ne pas avoir compris, j’ai conscience que l’avenir me montrera peut-être que je n’ai pas compris…..........


Alceste