Albert Sorel

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Albert Sorel
Albert Sorel

Albert Sorel, né à Honfleur (Calvados) le 13 août 1842 et décédé à Paris le 29 juin 1906, est un historien français, l’un des principaux fondateurs de l’histoire diplomatique en France.

[modifier] Sa vie et son œuvre

Élevé à Honfleur, Albert Sorel a gardé toute sa vie l’amour de sa Normandie natale. Sa vocation littéraire l’a emporté sur la volonté de son père, riche industriel, de le voir lui succéder aux affaires. Il étudie le droit à Paris et, après un séjour prolongé en Allemagne, il entre aux Affaires étrangères en 1866.

Possédant un goût littéraire et artistique fort développé, c’était un musicien enthousiaste et même un compositeur, qui a également composé de la poésie et des romans : La Grande Falaise, 1785-1793 (1871) et Le Docteur Egra (1873), mais il n’était pas très porté sur les mondanités.

Désireux de comprendre les événements passés aussi bien que présents, il était avant tout étudiant. En 1870 il est engagé comme secrétaire par le comte Jean-Baptiste Alexandre Damaze de Chaudordy (1826-1899) avait été envoyé à Tours comme délégué responsable de l’aspect diplomatique du problème de la défense nationale. Il s’est avéré être un collaborateur de grande valeur, plein de finesse, d’un bon tempérament et d’excellent jugement et, en même temps, assidu et discret. Après la guerre, lorsque Émile Boutmy a fondé l’École libre des sciences politiques, ancêtre de l’Institut d'études politiques de Paris (Sciences Po), Sorel y a été nommé à la chaire d’histoire diplomatique (1872), responsabilité dont il s’est acquitté avec grand succès. Certains de ses cours ont fait l’objet de publications : Le traité de Paris du 20 novembre 1815 (1873) ; Histoire diplomatique de la guerre franco-allemande (1875) ; et le Précis du droit des gens (1877) édité en collaboration avec son collègue Théodore Funck-Brentano.

En 1875, il quitte les Affaires étrangères pour devenir secrétaire général au bureau nouvellement créé de la Présidence du Sénat. Là encore, il a rendu, dans un poste d’où il pouvait observer et passer en revue les affaires, de très précieux services, en particulier sous la présidence du duc d’Audiffred-Pasquier, bien aise de profiter de ses conseils dans les crises de politique interne les plus aigues. Il remplit également à deux reprises les fonctions de greffier de la Haute Cour de justice, lors des procès du général Boulanger en 1889 et de Paul Déroulède en 1899.

Ses fonctions lui ont néanmoins laissé suffisamment de temps libre pour lui permettre de mettre à bien le grand œuvre de sa vie, L’Europe et la Révolution française. Son but était de renouveler le travail déjà effectué par Heinrich von Sybel, mais d’un point de vue moins restreint et avec un arrangement plus clair et plus serein de l’échiquier européen. Il a consacré près de trente ans à la préparation et à la composition des huit tomes de cette histoire diplomatique de la Révolution française dont la publication s’est étalée de 1885 à 1904. Ce n’était pas simplement un chercheur consciencieux ; son analyse des documents, la plupart du temps inédits, sur la diplomatie française durant les premières années de la Révolution éditée dans la Revue historique (t. V-VII, X-XIII), montre le soin scrupuleux avec lequel il a lu les innombrables dépêches qui lui sont passées sous les yeux.

Albert Sorel était également, avant toute chose, un artiste. Il a dépeint les êtres selon le point de vue d’un psychologue autant que celui d’un historien, en les observant dans leur milieu et en s’intéressant à montrer à quel point ils sont véritablement les esclaves de la fatalité historique. C’est cette fatalité qui a mené les plus irréfléchis des Conventionnels à renouer avec les traditions de l’Ancien Régime qui ont fait de la propagande révolutionnaire la poursuite de l’œuvre de Louis XIV au travers d’un système d’alliances et d’annexions.

Ses premières œuvres frappent par la splendeur et la logique implacable du drame dévoilé par l’auteur et le travail d’ensemble est si accompli et si puissamment construit qu’il suscite l’admiration. Parallèlement à ce grand travail général, Sorel a entrepris diverses études détaillées plus ou moins directement reliées à son sujet. Dans La Question d’Orient au XVIIIe siècle, les origines de la Triple Alliance (1878), il montre comment la partition de la Pologne a, d’une part, renversé la politique traditionnelle de la France en Europe de l'Est et, d’autre part, contribué au salut de la France républicaine en 1793. Il a rédigé les articles Montesquieu (1887) et Germaine de Staël (1891) pour la série Grands écrivains. Le portrait qu’il y dresse de Montesquieu est frappant par les affinités intellectuelles qu’il révèle entre lui et l’auteur des Lettres persanes et de l’Esprit des lois.

Il a produit par la suite, dans Bonaparte et Hoche en 1797 (1896), une comparaison critique qui est l’une de ses œuvres les plus achevées. Il a également préparé la partie traitant de l’Autriche (1884) du Recueil des instructions données aux ambassadeurs. La plupart des articles qu’il a publiés dans la Revue des deux mondes, la Revue politique, la Revue bleue et le journal le Temps ont été rassemblés dans les Essais d'histoire et de critique (1883), Lectures historiques (1894), Nouveaux essais d'histoire et de critique (1898), Études de littérature et d'histoire (1901), où se trouvent beaucoup d’informations et d’idées non seulement au sujet des hommes politiques des XVIIIe et XIXe siècles, mais également au sujet de certaines personnalités littéraires et artistiques de Normandie.

Il a reçu, non en tant que fonctionnaire, mais comme auteur éminent, nombre de distinctions. Il a été élu à l’Académie des sciences morales et politiques le 18 décembre 1889 en remplacement de Fustel de Coulanges et au fauteuil 25 de l’Académie française le 31 mai 1894 en remplacement de Taine dont il était le disciple critique. Ses discours de réception sur ses deux illustres prédécesseurs montrent la profondeur de sa sensibilité à la beauté ainsi que l’impartialité de son jugement, même à l’égard de ceux qu’il avait aimés et estimés le plus.

Il venait d’obtenir le grand prix Osiris de cent mille francs décerné pour la première fois par l'Institut de France lorsque la dernière maladie qui devait l’emporter le frappa. Il était le cousin du penseur Georges Sorel.

[modifier] Ouvrages

  • La Grande Falaise, 1785-1793 (1872)
  • Le Traité de Paris du 20 novembre 1815 (1872)
  • Le Docteur Egra (1873)
  • Une Soirée à Sèvres pendant la Commune (1873)
  • Histoire diplomatique de la guerre franco-allemande, 2 vol (1875)
  • Précis du droit des gens, avec Théophile Funck-Brentano, (1876) Texte en ligne : [1]
  • La Question d'Orient au XVIIIe siècle : le partage de la Pologne, le traité de Kaïnardji (1877)
  • Sur l'Enseignement de l'histoire diplomatique (1881)
  • De l'Origine des traditions nationales dans la politique extérieure de la France (1882)
  • Essais d'histoire et de critique : Metternich, Talleyrand, Mirabeau, Elisabeth et Catherine II, l'Angleterre et l'émigration française, la diplomatie de Louis XV, les colonies prussiennes, l'alliance russe et la restauration, la politique française en 1866 et 1867, la diplomatie et le progrès (1883) Texte en ligne : [2]
  • Recueil des instructions données aux ambassadeurs et ministres de France depuis la paix de Westphalie jusqu'à la Révolution française : Autriche (1884) Texte en ligne : [3]
  • L'Europe et la Révolution française, 8 vol (1885-1904)
  • Montesquieu (1887) Texte en ligne : [4]
  • Madame de Staël (1890)
  • Lectures historiques : mémoires de soldats, le drame de Vincennes, Talleyrand et ses mémoires (1894) Texte en ligne : [5]
  • Bonaparte et Hoche en 1797 (1896)
  • Nouveaux Essais d'histoire et de critique (1898)
  • Études de littérature et d'histoire (1901)
  • Introduction au livre du centenaire du Code civil (1904)
  • Pages normandes (posthume, 1907)
  • Vieux Habits, vieux galons (posthume, 1921)

[modifier] Lien externe


Précédé par
Hippolyte Taine
Fauteuil 25 de l’Académie française
1894-1906
Suivi par
Maurice Donnay
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