Discuter:1962

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Est-on obligé de se limiter à des dates? J'ai une analyse sur le sujet "l'année 62 en France" qui pourrait peut-être servir.. Aasimys

EDIT de Aasimys le 03/05/05 C'est moi qui ai posté le texte que vous avez déplacé. Je suis étudiant et il s'agit d'un extrait d'une dissert que j'ai faite. Il est donc possible de le réintégrer dans l'article "1962".

[modifier] De la page principale

Déplacé ici par villy 11 avr 2005 à 13:06 (CEST) (en attendant de voir quoi faire de ce gros bloc posté par Utilisateur:159.84.37.61 le 7 mar 2005 à 12:33, qui pourrait être un copyvio).

de basculer dans l'affrontement nucléaire. La France est, dans un tel contexte et ainsi que toute l'Europe, un champ de bataille de premier plan pour les deux superpuissances. États-Unis et URSS se livrent une guerre souterraine dans laquelle la France est condamnée à être impliquée. Ainsi, le Général De Gaulle est-il par exemple informé par la CIA au printemps 1962 que plusieurs agents des services soviétiques sont présents dans son entourage et au sein des services français. Alors que la Guerre Froide est à son apogée, l'environnement économique international est paradoxalement très favorable. La France, avec son extraordinaire démographie et l'importance du rôle économique joué par l'Etat, connaît une expansion sans précédent, qui bouleverse son paysage social. Ainsi, les ouvriers sont devenus depuis 1945 le premier groupe socio-professionnel; leur niveau de vie global augmente, et ils ont accès à des formes de consommations jusqu'alors réservées aux classes moyennes, au point que l'on parle de « nouvelle classe ouvrière ». Dans le même temps, les classes moyennes indépendantes, comme les commerçants ou les petits patrons, déclinent, au profit des catégories socio-professionnelles issues de la concentration de l'industrie: classe moyenne salariée constituée d'employés et de cadres, et très haute bourgeoisie d'affaires. Enfin, la paysannerie connaît un déclin relatif.

La dimension contextuelle fondamentale pour la compréhension de l'année 1962 en France est toutefois celle de la guerre d'Algérie, et du retour au pouvoir du Général De Gaulle en 1958. Colonie française depuis 1830, l'Algérie est, fait notable, constituée de trois départements, et donc à ce titre rattachée au Ministère de l'Intérieur, et considérée par les Français comme faisant partie intégrante du territoire national. Mais les profondes inégalités qui règnent entre une population européenne minoritaire et une majorité musulmane pauvre et peu éduquée, ainsi que la dynamique globale de décolonisation, illustrée par l'indépendance du Viet-Nâm en 1954, et dans le même moment les pourparlers avec la Tunisie, vont être à l'origine de la guerre d'Algérie. Débuté à la Toussaint 1954 à l'initiative du Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques (MTLD), le conflit gagne en intensité durant en août 1955 lorsque le Front de Libération National (FLN) algérien orchestre des soulèvements de musulmans dans le Constantinois. La centaine de morts européens entraîne rapidement une répression spontanée qui fait un millier de morts parmi les Arabes et marque ainsi le début du cycle de violences entre communautés. Les Européens d'Algérie deviennent alors favorables à la répression alors que le camp nationaliste algérien se radicalise et gagne en soutien populaire. Alors qu'il souhaitait répondre à la question algérienne par une politique de réformes, le Président du Conseil Guy Mollet est malmené par les colons lors d'un voyage en Algérie et s'engage alors dans la voie de la répression envers les musulmans, sous prétexte de rechercher un « interlocuteur valable ». La profonde crise financière, morale et politique qui s'ensuit va précipiter la chute de la IVe République. À la suite de la crise de mai-juin 1958, le Général De Gaulle est rappelé au pouvoir. Le 28 septembre a lieu le référendum constitutionnel qui met en place la Vè République.



Rappelé pour résoudre la crise algérienne, De Gaulle adopte une position ambiguë sur le sujet, ne précisant pas clairement quelle solution il souhaite apporter au problème. Après avoir semblé opter pour une réponse du type « Algérie française », le Général De Gaulle suit l'évolution des rapports de force. Or ceux-ci sont clairement défavorables au maintien de l'Algérie dans la République française. L'opinion publique française apparaît de plus plus lasse du conflit, alors que la communauté internationale considère l'attitude de la France comme un comportement colonialiste d'un autre âge. La menace d'une guerre civile pousse De Gaulle à s'orienter avec pragmatisme vers la voie de l'indépendance algérienne, d'autant plus que ce conflit constitue une entrave à ses ambitions internationales pour la France. Les contacts avec le FLN, débutés en février 1961, aboutissent à la signature le 18 mars 1962 des accords d'Evian, qui donnent l'indépendance à l'Algérie. Le texte est ratifié par référendum national le 8 avril. Mais l'Organisation de l'Armée Secrète (OAS), créée en janvier 1961 par des partisans de l'Algérie française, décide dès la conclusion des accords de faire obstacle au processus d'indépendance. Après l'échec de l'insurrection qu'elle tente de mener en mars, l'OAS s'engage dans une politique de la terre brûlée, enchaînant attentats et exécutions à un rythme soutenu. Si cette stratégie échoue à empêcher l'indépendance algérienne, elle contraint en revanche les Européens au départ, partagés qu'ils sont entre « la valise ou le cercueil ». Dès lors l'OAS est privée de toute perspective, et cesse en juin les attentats. Le 3 juillet la France reconnaît l'indépendance algérienne. De Gaulle dans cette affaire a agi avec pragmatisme, s'adaptant constamment aux circonstances. Si les actions conjuguées du FLN et de l'OAS l'empêchent d'appliquer sa formule préférentielle d'association comme il l'a fait avec les colonies d'Afrique Noire, il parvient à présenter ses nombreuses concessions comme des victoires. Cette résolution du problème algérien va permettre à De Gaulle d'exprimer la « certaine idée de la France » qu'il a, à l'échelle internationale. Mais sur le plan politique et institutionnel national également, la guerre d'Algérie a eu des conséquences importantes.

Si De Gaulle a été rappelé au pouvoir en 1958, c'est parce qu'il était considéré par beaucoup comme la seule personne capable de résoudre le conflit algérien. Il s'arroge ainsi un « domaine réservé » sur toutes les questions relevant de l'intérêt national, ce qui désaisit de facto le Parlement de tout pouvoir sur la question algérienne. De Gaulle manifeste tout l'estime qu'il porte au Parlement en lui refusant en mars 1960 une convocation extraordinaire requise par la majorité des députés et pourtant parfaitement constitutionnelle. Cette conception du pouvoir heurte de front les intérêts des partis politiques, et De Gaulle perd progressivement ses soutiens parmi eux. Les ministres du Mouvement Républicain Populaire (MRP) quittent ainsi le gouvernement en mai 1962 lorsque le Général fustige l'Europe supranationale. Mais les partis, durant toute la durée du conflit algérien, ne peuvent se permettre d'exprimer ouvertement leur mécontentement face à la pratique présidentialiste du Général, car De Gaulle apparaît comme étant le seul à même d'apporter une réponse à la guerre. C'est pour cela que la fin de la guerre annonce une crise institutionnelle inévitable. Le Général De Gaulle décide de prendre l'initiative des hostilités. Le 14 avril, Michel Debré démissionne et est remplacé par Georges Pompidou. Le départ d'un Premier Ministre qui avait toujours bénéficié du soutien de l'Assemblée et l'arrivée d'un quasi-inconnu au profil de technocrate constitue une véritable provocation aux yeux du Parlement. Il ne fait en effet de doute pour personne que la démission du Premier Ministre s'est faite à l'initiative du chef de l'Etat. C'est toutefois en septembre que la crise se précipite. Profitant de l'émoi provoqué dans l'opinion publique par l'attentat du Petit-Clamart, durant lequel il échappe de peu aux tueurs de l'OAS, le Général De Gaulle annonce un référendum visant à permettre l'élection du Président de la République au suffrage universel direct. Il provoque ainsi un tollé parmi les parlementaires français, pour qui la démocratie directe est opposée à la « tradition républicaine ». Le 5 octobre, une motion de censure adoptée à la majorité renverse le gouvernement Pompidou. Le Général De Gaulle riposte aussitôt en annonçant des élections législatives pour les 18 et 25 novembre. Le référendum qui a lieu le 28 octobre marque la victoire de De Gaulle: le Président sera désormais élu au suffrage universel direct et non plus par un collège de notables comme auparavant. Quant au scrutin législatif, il est le théâtre d'un véritable « raz-de-marée » gaulliste: l'Union pour la Nouvelle République (UNR) emporte quasiment la majorité absolue à elle seule. C'est la défaite des partis traditionnels face au gaullisme.


Les conséquences de ces évènements de 1962 sont considérables sur le plan de la politique française. Sur le plan national, la crise institutionnelle met fin au compromis de 1958. Ce compromis était celui du texte de la constitution de la Vè République, entre d'une part la volonté gaullienne, qui souhaitait un régime aux pouvoirs clairement séparés et donc dont l'exécutif aurait été doté de larges compétences, et d'autre part le parlementarisme réclamé par les partis politiques. La constitution de la Vè République affirmait ainsi le caractère parlementaire du régime, tout en confiant de larges compétences au Président, comme par exemple le recours au référendum. Ainsi donc, le fonctionnement exact des nouvelles institutions demeurait jusqu'à la crise de fin 1962 dans une sorte d'indétermination sur le rapport de force entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Mais la personnalité de De Gaulle, sa conception du pouvoir, la pratique inédite d'une démocratie directe, et les évènements d'Algérie avaient commencé d'orienter le nouveau régime vers le présidentialisme. La confrontation entre De Gaulle et les partis est donc celle du présidentialisme contre le parlementarisme. Pour De Gaulle, le chef de l'Etat, lorsqu'il dispose d'un large soutien du peuple, doit posséder de larges compétences. Sur un plan personnel, il apprécie d'autant moins les critiques d'inconstitutionnalité dont sa pratique fait l'objet qu'il se considère le père de la constitution. Dans sa vision, le gouvernement ne constitue qu'une courroie entre la volonté politique du chef de l'Etat et l'administration. Le Parlement, quant à lui, est virtuellement inutile. Pour les partis en revanche, le Parlement constitue le lieu légitime de l'élaboration des lois. Instance collégiale, lieu de débat public, il reflète et garantit la transparence nécessaire à la promotion de l'intérêt général. La résolution de cette crise institutionnelle confirme la tendance qui s'était dessinée depuis le début de la Vè République. En effet, la mise en place du suffrage universel direct pour l'élection du Président de la République confère au Président une légitimité démocratique justifiant des pouvoirs importants. De Gaulle, avec ce référendum, façonne littéralement la Vè République selon ses conceptions: si lui-même pouvait se contenter de sa légitimité historique pour exercer des compétences exorbitantes de ses attributions strictement constitutionnelles, la pérennité d'une telle conception du rôle de chef de l'Etat ne pouvait être assurée pour ses successeurs que par la légitimité démocratique accordée par le suffrage universel direct. L'issue de la crise marque donc sans conteste la fin du vieux régime parlementaire, et le retour de la démocratie directe pour l'élection du chef de l'Etat, alors qu'elle était devenue taboue depuis Napoléon III.

De Gaulle a désormais les mains libres. Le triomphe de sa conception du pouvoir entérine la notion de « domaine réservé » qui avait été forgée pour justifier les prérogatives extraordinaires du chef de l'Etat dans les affaires relevant de l'intérêt national. De Gaulle a donc enfin la capacité de pratiquer sa politique d'indépendance nationale, d'autant plus que la décolonisation est achevée. En effet, bien que la possession d'un empire constituât un atout en termes d'influences et donc de capacités d'action, la puissance des volontés d'émancipation rendait insoutenable la conservation des colonies, sur les plans financier, militaire, mais surtout politique. Le maintien de l'Algérie sous la férule de la France constituait pour De Gaulle un épuisement inutile des forces politiques et des ressources du pays. Sur le plan international, en donnant l'image d'une France colonialiste, le conflit algérien minait les initiatives politiques du Général. La politique étrangère de Charles De Gaulle s'oriente donc vers l'indépendance nationale; qui ne remet pas en cause les alliances de la France. Ainsi, si De Gaulle brocarde l'idée d'une Europe supranationale et la perspective fédérale, dont il craint qu'elles n'entraînent une sujétion européenne aux États-Unis, il est en revanche favorable à une coopération importante entre les pays européens, et manifeste sa volonté d'instaurer une amitié franco-allemande, lorsqu'il reçoit le chancelier Adenauer en juillet 1962, puis se rend en Allemagne en septembre. A l'égard des deux blocs, s'il réaffirme en 1962 l'appartenance française au « monde libre » en apportant un soutien inconditionnel à Kennedy lors de la crise des missiles de Cuba, il refuse que la France soit placée sous protectorat américain. En effet, De Gaulle considère dès 1958 que le développement d'une société de consommation qui sape les luttes sociales et l'émergence d'un équilibre de la terreur entre les blocs ont rendu caduque la menace communiste. Dès lors, la protection américaine n'apparaît plus comme nécessaire. C'est pour cela que la France quitte en février 1966 le commandement intégré de l'OTAN: cela lui permet de recouvrer sa souveraineté militaire et d'éviter une subordination au commandement américain. Cette politique de grandeur passe également par une normalisation des relations avec l'Union Soviétique, l'acquisition de l'arme nucléaire, et une volonté d'indépendance économique et technologique.