Éditions Belin

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Fortes de leur longue histoire, les éditions Belin maison d'édition fondées en 1777 , s'attachent à apporter leur contribution éditoriale dans de nombreux secteurs de la connaissance et du savoir et notamment dans le domaine scolaire. Elles sont aujourd'hui un des derniers éditeurs scolaires indépendants. Cette indépendance, qui se traduit par un actionnariat entièrement familial, est confortée par une structure de production totalement intégrée au service de l'édition. L'édition, la documentation, la maquette et la fabrication sont, d'une certaine façon, dans la même pièce au cœur du quartier latin. L'architecture même de la maison, totalement transparente, permet et rend aisé ce type de fonctionnement. De plus, les éditions Belin maîtrisent complètement leur diffusion et leur distribution, avec une force de vente propre et un centre logistique à Morangis, en banlieue sud de Paris.

L'édition scolaire reste leur métier premier. Elle représente environ les deux tiers de notre activité. Ils restent convaincus que le livre scolaire, véritable « guide de voyage » dans les savoirs, sous des formes qui peuvent évoluer au gré des évolutions technologiques, est le vecteur central de la diffusion des connaissances, et qu'il est aussi le principal créateur de lecteurs pour tous les types de livres. Parallèlement à cette activité, ils continuent à développer depuis une vingtaine d'années différentes collections dans le domaine universitaire et plus largement autour de la connaissance et du savoir. C'est ainsi qu'ont vu le jour les revues "Pour la Science", en partenariat avec Scientific American, et "Poésie" et des collections comme "Un savant, une époque", "Bibliothèque scientifique" ou, dans le domaine littéraire, "Littérature et politique", "L'Antiquité au présent", ou "L'extrême contemporain", sans oublier un fleuron "Le Français retrouvé".

Plus récemment, d'autres collections ont vu le jour, depuis l'entière rénovation des "Flores de Gaston Bonnier" suivie par une collection d'ouvrages de référence en botanique jusqu'aux collections "Voix américaines", "Socio-histoires", "Histoire et société", "Mappemonde", "Débats", "Regards ", ou de littérature de jeunesse avec "Les albums de Justine", "Rêves de voyages", "Terres insolites", "Charivari", etc.

Ils diffusent et distribuent en librairie leurs propres filiales, Pour la Science, Herscher et Le Pommier, mais aussi différents autres éditeurs, Académie des arts équestres, Atlande, Burillier, Calvacade, Chantecler, Équilivres, France Télévisions Distribution, Grandvaux, Magellan & Cie, Napoléon, ONISEP, Prémium.

Dans le domaine pédagogique, Belin coopère avec les principaux éditeurs scolaires (Bordas, Hachette, Hatier, Magnard, Nathan) au sein de l'Association Savoir-Livre .

Belin en quelques chiffres : 121 collaborateurs. Plus de 1 500 auteurs sous contrat. Plus de 2 500 titres au catalogue. 20 collections en littérature générale. 6 revues. 3 filiales : Pour la Science, les éditions Herscher et Le Pommier. Près de 300 nouveautés par an et 200 réimpressions Plus petit tirage annuel : 100 exemplaires. Plus grand tirage annuel (2007) : 280 000 exemplaires Plus de 10 000 000 exemplaires cumulés pour Le tour de France par deux enfants. Plus de 3 000 tonnes de papier achetées par an. Plus de 240 000 km de papier imprimé, soit six fois la circonférence de la Terre, ou 61 km de rayonnage. Un réseau informatique de 200 micros (Mac et PC).

www.editions-belin.com


Sommaire

[modifier] 'Son Histoire'

Naissance de la « Librairie Belin » L’histoire des éditions Belin a commencé lorsqu’un jeune Champenois, né en 1748, fils de maître d’école, a décidé de chercher fortune à Paris où il est arrivé vers 1770. Le règlement de la profession de libraire (1723) stipulait que : «Aucun ne pourra être admis à faire apprentissage pour parvenir à la maîtrise de Librairie et d’Imprimerie s’il n’est congru en langue latine, et s’il ne sait lire le grec…». François Belin est reçu apprenti-libraire en 1773, chez le maître Chardon, d’une vieille famille de la profession. On ignore où il a fait ses humanités, mais le résultat est là. Le métier d’apprenti n’était pas toujours rose : bien souvent ces jeunes gens étaient traités plus bas que terre et chargés de toutes les corvées par les compagnons plus âgés. Il n’y a aucun document sur l’apprentissage de François, la seule chose connue est sa durée, trois ans et demi. L’acte de naissance de la Librairie Belin est du 10 mars 1777, jour où «syndic et adjoints de la Librairie et imprimerie de Paris certifions à tous que nous avons reçu libraire le sieur François Belin». Ce nom de «Librairie» traditionnel dans l’édition française jusqu’au milieu du XXe siècle (on disait la Librairie Hachette, la Librairie Larousse, etc.), Belin l’a conservé jusqu’au début des années 1970. Le terme d’«éditions» qui l’a remplacé correspond à l’évolution du métier : les libraires au XVIIIe et XIXe siècles – et même au XXe – étaient presque tous imprimeurs (Belin l’est resté jusqu’en 1954), éditeurs, et libraires. Puis ces métiers se sont séparés les uns des autres après la Seconde Guerre mondiale, les libraires n’imprimaient plus et les éditeurs non plus, cependant que les imprimeurs n’éditaient plus ! Le nom de «Librairie Classique Eugène Belin» n’était plus compris, même des professeurs ; c’est la raison pour laquelle Max Brossollet l’a remplacé par l’actuelle appellation, Éditions Belin. François ouvre sa boutique de libraire rue Saint-Jacques, à peu près à la hauteur de l’actuel n° 30 ; en effet, la Librairie dépendait de la Sorbonne, c’est-à-dire de la faculté de théologie de l’Université de Paris (dont le recteur avait la haute main sur les libraires et les imprimeurs). Depuis qu’il existait des libraires, obligation leur était donc faite d’habiter et d’exercer leur profession dans le Quartier latin. «On nomme pays latin le quartier de la rue St-Jacques, de la Montagne Ste-Geneviève et de la rue de la Harpe. Là sont les collèges de l’université, et l’on y voit monter et descendre une nuée de sorbonistes en soutane, de précepteurs en rabat, d’écoliers en droit…» (Louis-Sébastien Mercier – à l’époque depuis peu auteur Belin!). François Belin n’était que libraire à l’époque, car débutant dans le métier et dans la vie, il n’avait pas encore les moyens d’acheter le matériel d’impression. Il se marie en l’église Saint-Séverin en mars 1780, avec Marie-Geneviève Selle, fille d’un traiteur-rôtisseur, voisin de son magasin. Elle a 6 ans de moins que son mari, lui donnera cinq enfants, quatre garçons et une fille ; aucun de ces enfants ne mourra en bas âge, ce qui est très rare à l’époque. Après la mort de son époux, survenue en décembre 1808, Marie-Geneviève tiendra la librairie jusqu’en mars 1820.

François Belin, éditeur éclectique et engagé (1777-1808) Avant la révolution, François Belin publiera et diffusera beaucoup. Dès 1778, au bout d’un an d’exercice, le catalogue, conservé à la Bibliothèque nationale, indique 412 titres, bien évidemment pour la plupart achetés à différents imprimeurs, de la même manière qu’aujourd’hui un libraire s’approvisionne chez différents éditeurs. Ce catalogue est un peu attrape-tout: religion, sciences occultes, histoire, géographie, classiques, droit, musique, théâtre, architecture, médecine, grammaire et une trentaine de dictionnaires. Ensuite, Belin commence à publier des nouveautés qui lui sont propres, par exemple en 1783, trente-trois nouveautés dont vingt comportent de 2 à 34 tomes… Très vite, la tendance à publier des séries se fait jour : ainsi, les Vies des plus célèbres marins, 13 volumes de petit format qui célèbrent Barberousse, Jean Bart, Tourville, Ruyter, Duquesne, etc. L’auteur, Adrien Richer, récidive devant le succès – l’université de Paris choisit ses livres en 1785 pour en faire des livres de prix comme «ne contenant rien contre les mœurs et très propres à encourager et à servir d’exemples à tous les jeunes militaires» et rédige une Collection de vies particulières à la Plutarque, qui présente principalement des vies de souverains et de ministres que leurs vertus ou leurs vices ont conduits à plus ou moins de bonheur ou de malheur; la Bibliothèque nationale en conserve un exemplaire relié aux armes de Marie-Antoinette. Dès cette période, le goût scientifique et pédagogique des Belin s’affirme : en 1782-83, sur quarante titres publiés, cinq sont à vocation pédagogique, trois dans le domaine des sciences, et quelques livres techniques. François publie les Souvenirs de Pilâtre de Rozier, l’année même où celui-ci s’écrase au sol, lors d’une tentative de traversée de la Manche en ballon libre. Un peu plus tard, Ramond de Carbonnières, l’alpiniste-géologue-ethnologue, créateur du «pyréneisme», auteur qui lui restera fidèle, publie chez Belin ses Observations faite dans les Pyrénées avec un privilège de l’Académie des sciences (Condorcet, rapporteur, 3 avril 1789). Bien plus tard, en 1801, Belin publiera du même Les voyages au Mont-Perdu, le Cervin de l’époque. En 1789, l’actualité politique devient plus pressante : François publie trois manifestes de l’abbé Grégoire, l’un pour la défense des «gens de couleur» de Saint-Domingue, véhémente dénonciation du racisme colonial, l’autre sur le redécoupage des paroisses, et enfin la célèbre Motion en faveur des Juifs qui réclame pour ces derniers la pleine citoyenneté. En 1792, François Belin s’associe à un imprimeur chevronné, Claude Simon, qui se trouvait dans le même immeuble que sa librairie, ce qui était probablement une manière prudente de rentrer dans le métier sans trop y investir. Le livre vedette de cette année-là c’est la Constitution française décrétée par l’Assemblée nationale constituante et acceptée par le Roi. L’affaire dût être bonne, car Belin récidiva en 1793 ou 1794, en adjoignant au texte officiel quelques remarques relativement subversives du cru d’un de ses confrères libraires, Froullé. La réaction fut assez rapide: le 23 germinal An II (12 avril 1794), François fut arrêté et détenu sans jugement jusqu’à la chute de Robespierre, le 9 thermidor et libéré le 21 thermidor; Froullé, moins chanceux, avait été jugé et guillotiné le 13 ventose, soit six semaines avant l’arrestation de François. Comme pendant son incarcération, un fils lui était né, il le prénomma Thermidor; ce fut un assez mauvais garnement. François Belin, le calme revenu, continua de faire prospérer sa librairie: l’inventaire établi après son décès, le 10 décembre 1808, indique 1219 titres; il nous montre également le nombre de libraires avec lesquels François était en relation d’affaires: 127 libraires parisiens et 50 libraires de province.

1808-1820 : avanies et héritages Marie-Geneviève est donc veuve – avec encore deux enfants à charge et la responsabilité de la librairie; elle continuera le métier avec les mêmes aides que son mari: Louis, frère plus jeune de François et un garçon de librairie. Elle fera face à plusieurs crises de la profession, naturellement très sensible à la conjoncture agitée de la fin de l’Empire: - crise due à la surproduction de 1806 à 1809, - crise due à la nouvelle réglementation de 1810 qui fixe le nombre de libraires par département: 60 pour la ville de Paris, où ils sont trois fois plus nombreux – en 1811, ce nombre sera porté à 80 - taxe de 5 francs sur la rame de papier qui valait alors entre 3,50 et 5 francs. Cette même année 1811, grave alerte: «On parle d’un décret rendu et non encore publié qui attribue tous les livres élémentaires d’éducation pour les lycées à l’Imprimerie impériale qui les vendra à son profit. L’imprimerie et la librairie en sont consternées». Comme quoi les rapports – plutôt conflictuels – entre édition privée et édition publique ne sont pas d’aujourd’hui! Les faillites se multiplient en 1812, ceux qui veulent s’en sortir réalisent des biens pour dégager du liquide; ainsi, Marie-Geneviève Belin vend sa maison de campagne de Sceaux pour deux fois son prix d’achat, sept années auparavant et le grand Firmin-Didot vend sa bibliothèque… Malgré les intempéries, la maison survit. Auguste-Jean, second fils de François, se marie avec une jeune fille orpheline de père, Adèle Mandar, nièce d’un ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, professeur d’architecture. Marie-Geneviève Belin estime venu en mars 1820, le moment de la retraite : elle fait sa liquidation et rend son compte de tutelle. Nous sommes très mal renseignés sur la manière dont les choses se sont passées: le registre d’inscription des brevets de libraires au ministère de l’Intérieur dit seulement en 1821 à propos de Madame Belin «a vendu son fonds à son fils». On ne sait pas auquel, car des quatre fils de François, trois ont été libraires. Le fameux Thermidor, rebaptisé Théophile (les temps changent!) ne vivait pas à Paris. L’aîné, Léonard-François, dit Belin-Le Prieur, du nom de son épouse, est libraire depuis 1806 quai des Augustins; le second, Auguste-Jean, dit Belin-Mandar, ne sera breveté libraire qu’en 1822. Le plus jeune, Dominique-François sera breveté libraire en septembre 1820. Le plus plausible est que le capital que représentaient le fonds et les locaux a été partagé entre les enfants, ce qui a permis aux uns de se renforcer dans le métier et aux autres de s’y lancer. C’est pour cette raison – les partages – qu’il a été difficile de reconstituer, même très partiellement, le contenu du fonds de François, dont nous ne possédons qu’une toute petite partie (mais heureusement la fameuse Constitution) et ce que ses fils ont publié: le fonds n’est quasi complet que pour les livres publiés après 1870. Auguste-Jean s’installe rue Hautefeuille, n° 13, dès 1822. Cet immeuble a été pendant un siècle un véritable repaire de libraires: Le Breton, éditeur de l’Encyclopédie, Delalain, libraire depuis 1764, Dalloz, avocat qui fondera sa maison en 1845 et enfin, Louis Hachette, qui, en 1849, déjà installé aux numéros 15 et 17 de la rue Hautefeuille, se porte acquéreur du n° 13, à des fins d’agrandissement. Ces bâtiments tout comme celui de la rue Saint-Jacques où François était resté quarante ans, seront démolis par le percement du boulevard Saint-Germain.

Belin-Le Prieur et Belin-Mandar, deux éditeurs parisiens Pierre Blanchard, auteur chez Belin-Le Prieur (François), produit des «ouvrages propres tant à l’amusement qu’à l’instruction»: on ne saurait mieux définir la bonne vulgarisation! Ses best-sellers, comme on ne disait pas, sont plutôt des long-sellers, comme on ne disait pas plus, notamment trois d’entre eux, qui dureront de 1820 à 1880 à peu près: Le Plutarque de la jeunesse ou abrégé des vies des plus grands hommes de toutes les nations depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours (1822) ; Le Voyageur de la jeunesse dans les quatre parties du monde ; Le Buffon des enfants, avec figures coloriées (1830). Belin-Mandar (Auguste) publie une revue, « Le mémorial catholique », dont les auteurs phares sont Lamennais et de Bonald. L’association de Belin et de Lamennais durera des années et sera marquée par l’édition de onze ouvrages de ce dernier, dont deux réimpressions du célèbre Essai sur l’indifférence en matière de religion, paru en 1817, qui d’un coup avait rendu son auteur célèbre. Puis Auguste se lance dans une publication monumentale: le Dictionnaire de la conversation et de la lecture qui comprendra 52 volumes. Les auteurs sont le dessus du panier; par exemple Arago, Casimir Delavigne, Chateaubriand, Champollion, Geoffroy-Saint-Hilaire, Guizot, Victor Hugo, Prosper Mérimée, Thiers, Émile de Girardin et la duchesse d’Abrantès… Les affaires prospèrent parce que, entre autres raisons, l’enseignement de la grammaire et de l’arithmétique se développe sous la monarchie de Juillet. Auguste souhaite alors devenir imprimeur, comme l’était son père. Comme il existait un numerus clausus départemental pour la profession d’imprimeur, on ne pouvait que prendre la succession d’un professionnel décédé ou souhaitant se retirer. Auguste prendra ainsi la succession d’un imprimeur de Saint-Cloud, dénommé joliment Chausse-Blanche. Une deuxième difficulté se présentait alors: il était obligatoire de résider dans la ville où on exerçait. Auguste donne donc sa démission de libraire à Paris, où sa femme sollicite le brevet, et il demande à Saint-Cloud un brevet d’imprimeur. Les deux brevets sont obtenus et signés par le ministre de l’Intérieur, Adolphe Thiers, en octobre 1834. La troisième difficulté est celle de la résidence: le Code civil stipule que les époux doivent habiter ensemble et non pas l’un à Paris et l’autre ailleurs. Qu’à cela ne tienne, ils loueront une maison à Saint-Cloud, rue du Calvaire n° 2 bis. Les deux frères ne suivent pas tout à fait les mêmes routes éditoriales. Belin-Le Prieur va plutôt vers le beau livre illustré : cartonnage polychrome et dorures, filets ornés, vignettes, lithographies hors-texte, et les plus grand dessinateurs romantiques: Tony Johannot, Granville, Bertall. Charles Nodier, le célèbre conteur, dirige la Bibliothèque variée à 3,50 francs appelée aussi «Nouvelle bibliothèque bleue» qui tente de renouer avec la littérature de colportage. La mode des romans maritimes est représentée par un excellent auteur, Léon Guérin, qui publie Les Navigateurs français, histoire des navigations, découvertes et colonisations françaises, Les Marins illustres, Histoire maritime de la France etc. Belin-Mandar, lui, affectionne les grosses entreprises érudites comme en 1838 la Concordantiae Bibliorum Sacrorum Vulgatae Editionis, entièrement rédigée en latin par M. Dutripon; cette concordance de la Bible est un index contenant plus de 25 000 mots, avec pour chacun les références des livres de la Bible où ils sont employés. Cet ouvrage est un in-4° (25 x 32 cm) de 1512 pages sur trois colonnes qui, en 1860, aura été vendu à plus de 27 000 exemplaires, ce qui laisse rêveur l’éditeur d’aujourd’hui. En 1844, Adèle Belin loue à son mari les immeubles du 5 et du 7 rue du Calvaire qu’elle avait achetés en 1843: c’est là que sera installée l’imprimerie Belin pour près de cent ans. Cette même année commence la collaboration entre Belin et l’abbé Drioux, par un Précis de l’histoire du Moyen Âge; cette collaboration durera quarante-huit ans et donnera quatre-vingt seize titres, dont un bon nombre de magnifiques atlas historiques et géographiques.

Naissance de la Librairie Classique Eugène Belin (1845) En septembre 1845, Adèle Belin-Mandar meurt et son mari se porte acquéreur des maisons qu’elle lui louait. L’année suivante, Auguste vend à son fils Eugène, qui l’exploitait déjà depuis plusieurs années, le fonds de commerce de librairie alors situé 5, rue Christine dans l’actuel 6e arrondissement de Paris. La raison sociale de la maison devient alors Librairie classique d’Eugène Belin , fils et successeur de Belin-Mandar. Eugène Belin veut se mettre en règle et sollicite son brevet de libraire parisien, qu’il obtient en août 1847. L’année d’après, il se marie avec Hortense-Bernardine Sangnez qui lui donnera sept enfants, trois garçons et quatre filles. Comme en 1851, son père Auguste meurt à soixante-cinq ans, dans sa maison de campagne de Lèves, près de Chartres, Eugène veut prendre la succession de son père à l’imprimerie de Saint-Cloud. Il obtient l’accord de ses frères et sœurs et de sa belle-mère, Marguerite. Tranquille de ce côté-là, il va tenter la manœuvre qui avait réussi à ses parents: se faire agréer comme imprimeur à Saint-Cloud et faire agréer sa femme comme libraire à Paris. Patatras, c’est refusé, fin 1851. Qu’à cela ne tienne, l’esprit de famille surmonte l’obstacle: pour que l’imprimerie ne change pas de mains, on fait agréer la jeune veuve d’Auguste (remarié en 1846) «en remplacement de son mari et comme tutrice légale et naturelle de Marie-Joséphine, sa fille mineure» en mars 1852, brevet signé par Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République à titre provisoire! Dès lors et jusqu’en 1870, tous les livres publiés par Eugène sortiront de l’imprimerie de Madame Veuve Belin, Saint-Cloud. Il est plus que probable qu’Eugène gérait l’affaire de Saint-Cloud en même temps que la librairie de Paris. Cette même année, Eugène et sa famille s’installent 52 rue de Vaugirard, bel hôtel du XVIIIe siècle; il construit ses bureaux et magasins sur le jardin qui est derrière l’immeuble et y transfère le siège de sa librairie. En 1864, il achètera tout l’immeuble. Il publie beaucoup: de l’histoire, de la géographie, des dictionaires de langues, des atlas, des pièces de théâtre pour livres de prix… la Somme théologique de Saint Thomas en édition bilingue latin-français en 15 volumes…

Hortense Belin, une femme de tête… à la tête de la Librairie Belin (1868-1887) À 52 ans, Eugène Belin meurt en 1868, après avoir été adjoint au maire du 6e, vice-président du cercle de la Librairie, administrateur de la Caisse d’épargne; Hortense Belin reste seule avec sept enfants, l’aîné a 19 ans et la dernière 3 ans; elle reprend, seule, la maison de commerce et l’imprimerie. Elle publie le Dictionnaire latin-français de Lebaigue, qui restera en vente plus d’un siècle et Francinet, livre de lecture, premier ouvrage de G. Bruno, couronné par l’Académie et choisi par la ville de Paris. Arrive la guerre de 1870 qui fait quelques dégâts aux Belin; le siège de Paris avec son cortège de faim et de froid, tant de bouches à nourrir, confinées rue de Vaugirard, et sans nouvelles de l’imprimerie, jusqu’à la signature de l’armistice le 26 janvier 1871, qui permet de ravitailler les Parisiens, d’une part, et qui permet d’autre part à Hortense d’aller constater les dommages à Saint-Cloud; c’est tout simple, les Prussiens ont incendié Saint-Cloud avec méthode pendant tout le mois de janvier : dans cette ville de 5600 habitants, il ne restera que 17 maisons intactes. De l’imprimerie et de son matériel, il ne reste rien. La légende veut qu’Hortense ait dit «Tous les éditeurs me croient ruinée, je reconstruirai deux fois plus grand» et qu’elle ait vendu ses bijoux et son équipage. Le fait est que ce fut reconstruit et dans des dimensions telles qu’aujourd’hui, la maison de maître est un hôpital et les terrains de l’imprimerie les services de ce même hôpital… De nouvelles collections voient le jour, notamment dans l’enseignement secondaire spécialisé, c’est-à-dire de l’enseignement technique : physique, chimie, sciences naturelles, comptabilité et législation commerciale. La veuve Eugène, comme on l’appelle, colle au plus près des évolutions de l’enseignement de la IIIe République et son extraordinaire développement des années 1880. Elle n’en oublie pas pour autant les intérêts immobiliers de sa nombreuse famille: en 1875, elle achète le petit hôtel du 8, rue Férou, en partie mitoyen du 52, rue de Vaugirard. Au bout de 100 ans d’existence, en 1877, le catalogue Belin compte 1039 titres (dont 112 nouveautés) ainsi répartis: - instruction morale et religieuse: 40 - législation usuelle: 10 - pédagogie: 69 - grammaire et littérature: 227 - latin: 174 - grec: 184 - anglais: 31 - allemand: 33 - italien, arabe, espagnol, hébreu: 9 - philosophie: 47 - sciences: 79 - histoire et géographie: 136 Cette même année paraît Le tour de la France par deux enfants. Ce livre, toujours en vente, a été tiré à plus de huit millions quatre cent mille exemplaires en 100 ans, et… cela continue encore. L’édition du centenaire en 1977 reprend l’édition originale de 1877 qui avait été en 1905 « laïcisée » à la suite de la loi de séparation. Cette laïcisation a soulevé de vives controverses, jusqu’à la Chambre des députés, qui sont fort bien relatées dans la belle postface que Jean-Pierre Bardos a écrite pour le centenaire. En 1881, la raison sociale devient Librairie classique Eugène Belin,appellation qui ne changera qu’après 1970. En 1883, Hortense décide d’agrandir les locaux: sur l’emplacement du jardin du 8, rue Férou, elle construit un nouveau magasin et des bureaux, un vaste sous-sol et deux étages au dessus du rez-de-chaussée, en fonte, bois et verre, style très Baltard. L’histoire n’a pas gardé trace des réactions de ceux qui ont vu le jardin sur lequel ils avaient les yeux tous les jours transformé en bâtisse moderniste entre deux hôtels du XVIIIe siècle… En tout état de cause ce bâtiment est actuellement le siège des Éditions Belin!

D’une guerre à l’autre En 1887, Paul, le plus jeune fils, entre à la Librairie et en 1889, Hortense, estimant son rôle achevé, se retire, laissant la maison à ses trois fils, qui se partageront les fonctions. La raison sociale porte maintenant la mention «Belin Frères». Ainsi, un atelier de reliure acquis en 1891, rue du Château, sera la responsabilité de Tony, le deuxième fils, tandis que le plus jeune, Paul, va chaque matin à cheval à l’imprimerie de Saint-Cloud: au bout de la rue de Babylone, c’est la campagne et on peut prendre le galop jusqu’à la côte de Saint-Cloud… Ultérieurement, il prendra le tramway Saint-Sulpice- Saint-Cloud, puis, fou d’automobile, sa belle De Dion-Bouton. Quant à l’aîné, Henri, c’est l’homme des relations extérieures: président du Cercle de la Librairie, Vice-président de la chambre des imprimeurs, membre de la chambre de commerce de Paris, il est extrêmement intéressé par les problèmes coloniaux et les expositions universelles. En 1912, décès de Madame Eugène Belin: la rue de Vaugirard est vendue et tout est regroupé rue Férou. La guerre arrive vite et fait stagner le catalogue de 1430 titres, qui subit comme tous les autres les difficultés du moment: inflation, majoration des prix, etc. En 1917, Paul Belin perd son dernier fils, Max, pilote de chasse descendu en mission. En 1921, Henry Belin meurt, et en 1925, Tony. En 1926, la société Belin frères est dissoute et les actifs sont rachetés par Paul Belin. Outre ses activités d’imprimeur, devenu membre du Cercle de la Librairie en 1885, il en devient Président pendant la Grande Guerre, ainsi que du Syndicat des Éditeurs; il préside également plusieurs caisses de retraite de la profession, et est membre de plusieurs commissions de la Chambre de Commerce de Paris et du Conseil d’Escompte de la Banque de France. En 1927, Maurice Bouchez, publie le premier volume d’un cours d’allemand – Wer Will der Kann – dont la grammaire, refondue après la Seconde Guerre mondiale, est toujours en vente. Il sera un des grands auteurs de cette période. Le latin était encore un marché porteur en 1932, année où le cours de langue latine du Révérend Père Debeauvais, jésuite, voit le jour : cette collection vivra trente ans et trente volumes. En 1929, Philippe Brossollet, frère du gendre de Paul Belin, vient seconder celui-ci, âgé de 67 ans. Ils transforment l’affaire en une SARL dont ils sont tous deux gérants. La maison sombre doucement dans la grande dépression des années trente: quelques titres phares et un immense catalogue de livres à demi - ou aux trois quarts - morts: en 1939, le catalogue comprend 1180 titres dont le meilleur est le Cours moyen Arithmétique pratique et raisonnée de Mortreux, publié en 1908 et refondu en 1925, qui se vend à 7556 exemplaires. Le nombre total de livres vendus est 192 000, mais 500 titres se vendent à moins de 10 unités par an. Cependant, entre 1936 et 1939, certains signes d’espoir apparaissent: la Géographie documentaire de Louis Planel paraît en mars 1939 ; six volumes paraîtront dans cette collection d’un esprit très novateur; le seul Cours moyen, réimprimé 24 fois, atteindra le million et demi d’exemplaires. En avril, Paul Belin meurt: conformément à la tradition, sa veuve le remplace et prend la gérance. L’atelier de cartonnage de la rue du Château est exproprié à cause des extensions de la gare Montparnasse; du coup, l’imprimerie quitte Saint-Cloud et le tout est regroupé à Essonnes, près de Corbeil. Pendant l’Occupation, le papier est très rare et contingenté (jusqu’en 1948), de plus les occupants exigent le retrait d’une quarantaine de titres, on devine pourquoi. Marcel Brossollet, petit-fils de Paul Belin, entre à la Librairie, où il restera trente ans avec comme seule interruption le STO, puis l’engagement dans l’armée à la Libération de Paris. L’évolution des techniques d’impression et de la démographie (toujours plus de couleur et de plus gros tirages) rend les services de l’imprimerie Belin de moins en moins utilisables; en effet, les presses typographiques sont délaissées au profit des machines offset; l’ensemble est donc loué à une imprimerie parisienne en 1949, puis lorsque celle-ci tombe en faillite en 1952, le tout est liquidé: Belin se recentre sur le rôle d’éditeur et ne s’occupe plus d’impression et de façonnage, évolution que la très grande majorité des éditeurs français ont connue. Berthou, Gremaux et Voegelé, trois instituteurs, publient une série Grammaire, Conjugaison, Orthographe qui connaîtra un succès colossal: plus de cinq millions d’exemplaires vendus en cette période où les écoles françaises se rééquipent et équipent les petits enfants du baby-boom… Suite logique de l’école, ce qu’on n’appelait pas encore le collège: Monge et Guinchan, professeurs de mathématiques lancent une collection, en commençant par la 6e . De changements de programmes en refontes Maurice Monge avec son épouse et quelques collaborateurs, publiera 99 volumes aux Éditions Belin. Le best seller sera un livre de 3e qui se vendra à 330 000 exemplaires l’année de sa sortie.

Les Brossollet à la relève (1952-2008) En 1952, Madame Paul Belin meurt. La SARL est transformée en Société anonyme dont Philippe Brossollet prend la présidence, fonction qu’il gardera jusqu’en 1959, année où Jacques Brossollet, gendre de Paul Belin le remplace. Max Brossollet, le dernier petit-fils de Paul Belin entre à la librairie en novembre 1954, juste avant l’arrivée d’un nouvel auteur à succès, le géographe Victor Prévot, dont le ton nouveau et la qualité de l’information feront de ses collections, d’abord en lycée, puis au collège presque vingt ans plus tard, un considérable succès. Max Brossollet devient Directeur général en 1960; les locaux de la rue Férou devenant trop exigus pour stocker dans le sous-sol la production rénovée (de 192000 volumes vendus en 1939, on atteint 1243000) un centre logistique est installé à Cachan. Les locaux du 52, rue de Vaugirard, quittés en 1912, ont été rachetés et aménagés à nouveau en bureaux: ils abritent maintenant la direction, la comptabilité, la mécanographie, la fabrication et l’édition. En 1968, printemps où l’expédition des spécimens et les choix des professeurs ont été légèrement perturbés, sort l’Initiation à la chimie moderne, d’André Cros, fruit de trois grosses années de travail d’auteur et d’éditeur. Seule la classe de l’auteur en est dotée! Mais les ventes explosent, passant de 40 à 400000 par an: la nouveauté radicale de ces ouvrages a convaincu les professeurs qu’on ne pouvait plus enseigner la chimie d’avant la théorie atomique. En 1969, Marie-Claude Brossollet, plus jeune sœur de Max, entre à la librairie, avec d’autres spécialités que son frère, notamment les langues et l’histoire. Elle publie notamment «Imagine you’re English» par Noel Goodey et Diana Gibbs en 1974 (collège première et seconde langue, puis lycée). La collection est complète en 1981 et représente à peu près huit millions de volumes vendus. En 1977, on célèbre le deuxième centenaire de la vieille maison, qui coïncide avec un grand bouleversement du métier, l’application de la loi Haby de 1975, créant le collège unique d’une part, et la gratuité des manuels scolaires dans ledit collège. Sans rentrer dans le détail des mesures (faiblesse des crédits, renouvellements des collections plus espacés que tous les quatre ans) disons que bon nombre de maisons d’édition scolaire n’ont pas résisté à la gratuité au collège, ce qui a donné en quelques années le paysage actuel, où dans l’enseignement dit général il ne subsiste plus guère que 6 ou 7 acteurs notables. Belin devant cette situation nouvelle plus difficile, cherche à se diversifier. En juin 1975, premier numéro du trimestriel Po&sie, sous la direction du poète Michel Deguy, qui crée également une collection ambitieuse, «l’Extrême contemporain». En novembre, paraît le premier numéro de la revue mensuelle Pour la Science, édition française de Scientific American ; au cours des 28 années de la publication, sous la vigilante houlette de Philippe Boulanger, la revue s’est considérablement développée, francisée et européanisée, œuvre que continue l’équipe maintenant sous la direction de Françoise Petry. D’autres revues dans les années 1980 viendront s’ajouter à ce premier noyau : Genèses, revue de socio-histoire, l’Espace géographique, revue de référence fondée et dirigée par Roger Brunet, la Revue française d’études américaines, la vénérable et toujours vivace Revue d’Histoire moderne et contemporaine, la Revue de démographie historique ; toutes revues sont aujourd’hui en version numérique sur le site Cairn dont Belin est un actionnaire. La vulgarisation scientifique, vieille tradition de la maison prend beaucoup d’importance, avec les collections «Un savant une époque», «Regards», «Débats», et les collections émanant de Pour la Science. «L’Antiquité au présent», «Le Français retrouvé», «Sujets», «Cultures américaines» ornent le côté Lettres et Sciences humaines. Les années de la réforme Haby, de 1977 à 1981, suivies de la réforme Beullac, 1981-1983 impriment à tous les éditeurs scolaires un rythme assez haletant de publications annuelles régies par des programmes souvent tardivement promulgués. Cependant, en histoire-géographie, en langues, en mathématiques, en Sciences naturelles, Belin tire son épingle du jeu, grâce à de très grands auteurs, comme MM. Knafou et Zanghellini, Becker, Frank, Goodey et Gibbs, Debrune, etc, tant en collège qu’en lycée. Advient alors cette situation paradoxale que la réforme Beullac, émanant d’un ministre de droite, est appliquée par Alain Savary, ministre de gauche en juin 1981: en effet, quand le vaisseau Éducation nationale est lancé (en mai les livres de la rentrée de septembre sont publiés et déjà envoyés dans les établissements), c’est comme un pétrolier de 500000 tonnes, il faut beaucoup de milles pour le stopper. Du coup, la réforme suivante sera celle de M. Chevènement, en 1986: elle porte essentiellement sur le primaire. Belin, comme les autres, part sur les matières censées être remises à l’honneur dans les écoles, nommément les sciences et l’histoire-géographie. Las, les achats des communes ne suivent pas, il a même été calculé que pour que tous les écoliers de France soient équipés de ce qu’il faut pour appliquer la réforme, cela prendrait 32 ans… Cela n’empêche pas de publier pour le lycée, classique mais aussi technologique, du français, de l’histoire, de la géographie. Dans cette même période, la révolution micro informatique se déroule doucement: traitement de texte d’abord, dès 1986, informatisation des devis (sur Multiplan!), puis en 1989, le plongeon dans la mise en pages avec les premières versions d’Xpress. Au fur et à mesure que ce processus s’amplifie, il faut bien voir que toutes sortes de tâches qui étaient auparavant accomplies par des fournisseurs extérieurs reviennent dans le giron des éditeurs et maquettistes. En 1994, Max Brossollet, atteint par la limite d’âge, prend sa retraite après 40 années où il a transformé une vieille dame un peu chevrotante en allègre jeunesse. Marie-Claude Brossollet lui succède.


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