Veille juridique

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La veille juridique est une veille spécialisée dans le domaine du droit. Elle intègre naturellement la veille législative et/ou règlementaire.

En France, l'Association des professionnels de l'information et de la documentation(ADBS) définit le premier terme :

Le veilleur-documentaliste alimente les décideurs d'une entreprise en informations sélectionnées et traitées en vue de les alerter sur l'évolution de l'environnement (technique, concurrentiel, économique, réglementaire, etc.) de l'entreprise et de les aider dans leurs prises de décision.

La veille juridique consiste plus spécifiquement pour une organisation ou un individu :

  1. à identifier à travers différentes sources d’informations sélectionnées, toute nouvelle disposition juridique ou texte de droit. Celle-ci peut être actuelle – droit positif opposable car publié - ou en cours d’élaboration. Elle a ou peut avoir une influence sur l’activité d’une personne juridique , une personne morale (organisation publique ou privée : administration, entreprise, syndicat, association, etc.) voire une personne physique (majeur, mineur, salarié, électeur, etc.).
  2. à traiter cette information en lui donnant une pertinence juridique,
  3. à diffuser cette information à son demandeur (« on demand »), à un réseau de personnes intéressées (diffusion par « abonnement », ou en mode « push »), voire un lectorat sur tout support approprié et adapté à l’organisation (publication papier, internet, intranet).

Sommaire

[modifier] Besoins d'information juridique

L'information juridique est un besoin pour tout citoyen membre d'un Etat et vivant dans un Etat de droit ou pour toute organisation, personne morale, reconnue comme un acteur juridique avec des droits et obligations.

Si "tout est politique", l'adage "tout est droit" s'impose à son tour en particulier dans les Etats de droits des sociétés développées.

Ce besoin étant universel et non sectoriel tout comme l'estle besoin de sécurité juridique qui motive le décryptage des règles applicables.

Cette recherche d'information juridique pour répondre aux questions posées par une situation juridique dans le cadre d'une analyse dynamique impose de plus en plus une veille professionnelle.

Parmi les éléments discrets qui poussent à une demande ou besoin d'information juridique, la certification Iso 9001 qui s'impose dans l'ensemble des organisations à la recherche d'un management certifié, exige la mise en place d'une veille juridique. Une telle veille sovuent doublée d'une veille technique permet à celle-ci de maîtriser le cadre juridique dans lequel évolue son activité et anticiper les modifications auxquelles ce cadre sera inévitablement confronté. De la même manière, la mise en place d'un système de management environnemental (ISO 14001), oblige la société à introduire une procédure de veille juridique et réglementaire.

[modifier] Méthodologie

[modifier] Un constat: l'inflation normative

Le monde du droit voit sa production de dispositions augmenter sans cesse, face à la complexité des sociétés modernes et fort d'une demande sociale et politique source d'inflation normative.

Pour la France, l’État a des difficultés à connaître exactement le nombre de textes en stock. En 2005, les dernières évaluations du Conseil d'État (Rapport 2006) évoquent 9.350 lois, 127.500 décrets (France, un aperçu quotidien du JO ou Journal officiel:[1]), sans compter les décisions des autorités nationales et locales (arrêtés) et les décisions de justice "au nom du Peuple Français" de la part multiples instances juridictionnelles dont certaines font évoluer l'interprétation d'une règle de droit.

Grâce au site de Légifrance, sa légistique permet depuis juin 2005 d'avoir une idée quantitative très précise de cette inflation normative en nombre de lois et de réglementations (décrets, arrêtés) repris partiellement dans les 64 codes français.

[modifier] Le choix d'une recherche critique

Le champ juridique objet de la veille peut varier selon le type de veille choisie. La dynamique de recherche est soit systématique (balayage des sources) ou ponctuelle (question juridique posée renouvelée le cas échéant).

Ces veilles peuvent être limitées :

  • à des sources normatives spécifiques d'un ordre juridique donné, (législative, règlementaire, jurisprudentielle, doctrinale),
  • à une ou plusieurs branches du droit prédéfinies (civil, pénal, commercial, etc.)
  • et/ou à des ordres juridiques présélectionnés (droit international, régional, européen, national, local, municipal).

Ces approches sont combinées en fonction de la stratégie de recherche choisie.

[modifier] Panorama des sources gratuites et payantes

Parmi les sources communément utilisées par les professionnels du droit (juges, fonctionnaires, juristes d'entreprise, de syndicats, d'ONG en association etc.) y compris les Auxiliaire de justice (avocat, notaires, huissiers et avoués), les références publiques papier et/ou électroniques généralement gratuites (Journaux officiels (France)[2], sites internet des administrations publiques (France [3]) et des grandes juridictions) apportent les éléments juridiques essentiels et définissent le droit positif applicable à une situation juridique.

Les blogs juridiques commencent également à trouver leur place parmi les sources d'information et de réflexion en particulier lorsqu'ils émanent de professeurs universitares et praticiens reconnus par la profession

Outre ces sources publiques gratuites qui contribuent au service public du droit et de la justice, des références payantes existent également, émanant d’éditeurs qui enrichissent la qualité de l’information de la veille grâce à des contributions d'experts qui permettent d'affiner l'analyse (bases de données juridiques, revues juridiques en ligne, jurisprudences présélectionnées en ligne).

[modifier] Du citoyen au professionnel de la veille juridique

Le profil de l’organisation ou du demandeur, les nouvelles problématiques juridiques (biotechnologies, informatique, etc.), la multiplicité et le développement des sources, imposent au veilleur, juriste de formation qui maîtrise le langage juridique, ses concepts et notions, une remise en cause continuelle de ses sources et outils de recherche.

La recherche informatique par internet ne peut remplacer la recherche juridique traditionnelle sur support papier, mais elle prend une place de plus en plus grande dans l'analyse du droit actuel (France:[4]).

A défaut d'une veille constante et précise, le professionnel du droit a l'obligation de vérifier ses sources et d'avertir son client en cas d'incertitude sous peine de voir engager sa responsabilité de conseil. Tel est le cas d'un notaire pour ne pas avoir averti ses clients des incertitudes du droit positif quant à la validité d'une pratique, coutume locale, qu'elle était validée une cour d'appel mais n'ayant pas encore fait l'objet d'une cassation (Cour de Cassation. 1re civ., 7 mars 2006 : Juris-Data n° 2006-032548).

[modifier] Bénéfices

[modifier] Des bénéfices d'une veille juridique efficace...

La veille est la première étape du questionnement juridique et conditionne la performance de la réponse qui lui est apportée en termes de solutions possibles pour un décideur. "La veille juridique permet de réduire l'incertitude et de ne pas se reposer uniquement sur la croyance et l'expérience, même si cette dernière est importante pour les juristes. La recherche d'information est une étape critique dans la résolution d'un problème, et ce dans de nombreux domaines impliquant une prise de décision. Cette phase de veille juridique pose la question des modalités de recherche de l'information et de l'étendue de cette recherche. Une fois les informations collectées,la phase d'audit peut commencer" (....)"la veille juridique, doit permettre de réduire au maximum l'incertitude quant à l'état de l'environnement et d'identifier aussi bien les risques négatifs que les risques positifs" (Cf. Christophe Roquilly" Performance juridique et avantage concurrentiel, chronique n° 1, Petites Affiches, 30/04/2007, pp.7-19).

La veille juridique qui intègre la veille réglementaire comme contractuelle concourt directement à la gestion des connaissances juridiques mais elle sert avant tout la prévention juridique qui s’impose à tout sujet de droit et à la sécurité juridique dont il est demandeur. En effet, les risques juridiques qui concourent à l'insécurité juridique doivent être constamment pris en compte et réévalués face à des normes croissantes, en application de l’adage de droit romain : « nul n’est censé ignorer la loi ».


[modifier] ...aux bénéfices d'une intelligence juridique agile

[modifier] Emergence du concept en France

Cette veille juridique contribue à un stade plus avancé à nourrir l'intelligence juridique de la personne qu'elle sert (Réflexions SGDN sur l'intelligence juridique, en tant que part de l'intelligence économique). Le passage sémantique de la veille à l'intelligence juridique a été parfaitement cerné par les travaux du CIGREF dans son rapport de 2004 intitulé "Intelligence juridique et système d'information"(cf. pp. 15-16): "Relevant de l’intelligence économique et stratégique, le vocable de « veille juridique » semblait jusqu’à présent plus approprié que celui d’« intelligence juridique ». Cette veille spécialisée consistait à étudier les systèmes juridiques nationaux et étrangers (réglementations existantes et émergentes, jurisprudence) et à en apprécier les conséquences pour l’entreprise, ainsi qu’à surveiller les contrefaçons (surveillance des dépôts de brevets et des enregistrements de marques). Néanmoins, la prise de conscience par l’entreprise de la nécessité de gérer le risque juridique et de rationaliser les prestations juridiques, ainsi que de la possibilité d’utiliser le droit pour gagner des parts de marché, conduit de nombreux professionnels à observer qu’un « management juridique » est en train de s’imposer, et que le concept d’« intelligence juridique » répond mieux à la corrélation entre droit et stratégie au sein de l’entreprise.Cette intelligence juridique est essentielle pour l’entreprise, qui évolue dans un cadre juridique de plus en plus précis et mouvant.Elle doit se renseigner en permanence sur cet environnement juridique pour être en mesure d’agir sur celui-ci :éviter les déconvenues (versement de dommages et intérêts, amendes, voire peines de prison) et saisir les opportunités avant les autres (notamment en matière de propriété intellectuelle). « L’intelligence juridique » peut ainsi se définir comme un système de surveillance de l’environnement juridique de l’entreprise afin d’en détecter les menaces et opportunités. Elle se fonde sur la recherche et la collecte systématique, continue et rigoureuse d’informations juridiques provenant de sources diverses et ensuite sur le tri, l’analyse, la diffusion et enfin l’exploitation de ces informations (« veille juridique »). Ces informations doivent aider l’entreprise à prendre des décisions stratégiques et à renforcer sa position concurrentielle'".

[modifier] Concrétisation au sein des organisations

Comme l'indiquait avec acuité dès 1999 B. Warusfel (cf. Bibliographie), les pistes managériales et organisationnelles pour faire vivre l'intelligence juridique au sein d'une organisation sont:

  • d'une part, de "promouvoir les méthodes et les outils de gestion de l'information juridique"
  • et, d'autre part, "favoriser l'utilisation stratégique du droit", "seconde étape de développement d'une intelligence économique efficace" grâce à une "bonne capacité d'anticipation" et une "coordination étroite et en temps réel" entre les juristes et non-juristes.

Du point de vue opérationnel, l'information extraite d'une intelligence juridique adaptée à l'organisation doit être source de connaissances par son appropriation effective par les experts et autres conseils; puis contribuer à éclairer la décision qui en résultera sous forme d'action d'anticipation, de prévention, d'adaptation voire d'abstention sur le terrain juridique comme non-juridique.

Selon l'expression d'Alain Louvet, avocat, on ne peut que confirmer sans conteste que "le droit est une arme de l'intelligence économique".

[modifier] Complémentarité et reconnaissance de cette veille singulière

La veille juridique enrichit et complète utilement d’autres types de veille (par exemple, la veille en droit de la concurrence complète la veille concurrentielle, la veille règlementaire et normative complète la veille technologique, la veille réglementaire peut être complétée par une veille médiatique durant les travaux législatifs pour mieux connaître les perceptions et impacts d'un projet, etc.).

Selon C. Schmitt « Tout droit est "droit en situation" » (cf.Théologie politique, 1922, rééd. Gallimard, 1988). Dans un schéma inverse, la veille juridique tend non seulement à cerner la règle de droit applicable à une situation juridique donnée mais également se complète avec d'autres veilles. Celles-ci permettent par fertilisation croisée au juriste d'appréhender l'environnement factuel, son contexte ou environnement souvent complexe, d'une situation à qualifier.

La reconnaissance professionnelle de la fonction de veille juridique est principalement d’inspiration anglo-saxonne avec la création dans les cabinets d'avocats anglo-saxons de la fonction de KML (Knowledge Manager Lawyer). Ce dernier a pour mission de superviser la veille juridique dans son ensemble au service d'une stratégie d'intelligence juridique pour le compte d'un conseil optimal.

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

[modifier] Bibliographie

(classement par ordre chronologique)

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