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== Essai d'économie du travail et d'économie sociale : La démocratisation de l'enseignement à l'épreuve des inégalités sociales ==

Thomas Specka, Mokhtar Boulaich Seconde licence en Informatique et Sciences Humaines Année académique 2004-2005


1. Introduction Le principe de l’égalité des chances dans l’enseignement voudrait que l’unique critère déterminant la réussite scolaire soit le mérite. Qu’en est-il dans les faits? La compétence et l'effort seraient-ils les seuls facteurs de réussite? Cet essai va tenter de mettre en évidence que la réussite, ou l'échec, est le résultat d'une alchimie complexe à laquelle participent le mérite certes, mais aussi bon nombre de variables sociologiques et de contexte. Sans prétendre à l'exhaustivité, nous montrerons les rôles (ou plutôt certains rôles) joués par le milieu socioculturel, les établissements scolaires, les enseignants, et le système social au sens large.

Sommaire

[modifier] 2. L'enseignement à l'épreuve multiculturelle

Dans le contexte du présent essai, nous envisageons la culture comme étant l’ensemble des valeurs partagées et véhiculées par la famille et le groupe auquel on s'identifie. En effet, la culture influence non seulement la personnalité de l’individu, mais aussi l’attitude de l’étudiant à l'égard des études. En amont des motivations portant sur le choix du domaine et de la forme de l’enseignement supérieur, l’élève aura déjà parcouru un long chemin. Le parcours qui précède le choix des études supérieures n’est pas sans influencer l’étudiant et ses motivations. Tant au niveau des motivations que lors du processus d’autosélection, la culture et le milieu social influencent les choix et l’attitude à l'égard du risque d'échec scolaire ou social. Comme on le verra lors de l’analyse du processus d’autosélection, tout fonctionne comme si l’élève issu d’un milieu social "moins favorisé" évaluait "à la baisse" ses capacités "d’apprenant" de manière objective (sur base des points obtenus lors du parcours scolaire) et subjective (image de soi).

[modifier] a. De la culture éducative

En quoi consiste la culture enseignée à l'école ou à l'université, dite culture élaborée ? Se voulant culture de référence par définition, quelle marge laisse-t-elle à l'expression divergente et par la même à sa propre remise en question? Ce fossé culturel est l'une des difficultés majeures de l'accès à la réussite. En effet, les étudiants issus de milieux socioculturels moins favorisés doivent d’une certaine manière se mettre en marge des valeurs partagées par le milieu dont ils sont issus[DE KERCHOVE, 2001/4]. Certains auteurs mettent également en évidence un processus de reproduction sociale, avantageant les enfants des milieux les plus aisés dont les parents, diplômés pour la plupart sont bien au courant du système scolaire et de ses "subtilités"[DE KERCHOVE, 2001/4]. François Dubet va dans le même sens : "Là encore, les groupes les plus favorisés maîtrisent mieux les stratégies et les ressources éducatives, les familles les plus ambitieuses se mobilisent efficacement en faveur de la réussite, alors que les autres ne savent pas comment s'y prendre ou pensent que ce n'est pas de leur ressort." [DUBET, 2004]

[modifier] b. Motivations prioritaires et choix des étudiants

Concernant les choix des étudiants, 4 motivations principales se dégagent [DE KERCHOVE, 2001/4]: • Les étudiants de l'enseignement supérieur de type court semblent privilégier l'accès rapide à l'emploi. • Les étudiants de l'enseignement supérieur de type long semblent préférer une certaine polyvalence débouchant sur un éventail de débouchés assez large. • Les étudiants en sciences de la santé semblent privilégier des objectifs professionnels. • Il en va de même pour les étudiants de facultés universitaires, qui ajoutent à cette motivation celle de l'intérêt intellectuel. Lorsque l’on observe les motivations des étudiants lors d’un premier choix "malheureux", on constate une tendance à la sous évaluation de la motivation "probabilité de réussite" et la survalorisation de la motivation "correspondance avec les études du secondaire".Cette attitude peut s’expliquer par un manque de maîtrise des enjeux de leurs décisions. Une réflexion sur la motivation est d’autant plus importante que celle ci est un ingrédient essentiel de la réussite d’un cursus scolaire. Au delà de l’aspect purement scolaire, la réflexion et la "bonne motivation" sont tout simplement essentielles à l'épanouissement de l’individu. Un autre facteur d’influence des motivations est, comme le souligne François Dubet, que les professeurs ont tendance à orienter l'étudiant en tenant compte du milieu socioculturel dont celui-ci est issu [DUBET, 2004].


[modifier] c. Réorientation, autosélection, coût des études et incidence du milieu socioculturel

D’aucuns mettent en avant que l’orientation de l’élève s’opère en amont de l’enseignement supérieur, soit au cours de l’enseignement secondaire. Cette affirmation occulte un phénomène important étayé par les chiffres des deux études de référence. Celles-ci nous apprennent en effet qu’une plus grande proportion d’étudiants des milieux sociaux les moins favorisés, bien qu’ils aient passé le cap de l’enseignement secondaire, se dirigent de manière plus moins volontaire vers des études plus "faciles" ou moins longues, mais dans tous les cas moins prestigieuses.

[modifier] i. Réorientation

Quels sont les déterminants du processus de réorientation d'un étudiant ayant raté sa première année d'étude ? Les jeunes issus de milieux socioculturels plus modestes se réorientent vers une forme d’enseignement revue "à la baisse" (de l’universitaire vers le supérieur de type court et le supérieur de type long ou encore du supérieur de type long vers le supérieur de type court). Par contre les étudiants réorientés au sein même du secteur universitaire sont issus des milieux socioculturels les plus privilégiés [DE KERCHOVE, 2001/4]. L'une des principales explications de ce phénomène serait le manque de conseils pertinents dont disposent les couches les moins aisées.

[modifier] ii. Autosélection

L'autosélection procède plutôt de l'opinion que peut se faire l'étudiant quant à ses aptitudes intellectuelles. Cela pousse certains à suivre des études moins prestigieuses au détriment des études universitaires qu’ils perçoivent comme idéales. Le niveau d'études de la maman aurait un rôle prépondérant dans ce processus : "les étudiants effectuant un choix "contraint" (s'étant autosélectionnés) ont un recrutement socioculturel moins favorable que leurs condisciples "non contraints"[DE KERCHOVE, 2001/4]. L'étude ne précise pas clairement les causes de ce phénomène. Implicitement, on déduit que l'influence de la culture, et du milieu social en est la principale cause. De plus, en Belgique, 33% de la population active non européenne (taux le plus élevé d'Europe, la France étant deuxième avec 23%), pour 6% de la population active européenne (7,5% en France), est sans emploi [Annexe 1]. La population immigrée étant pour la majeure partie de milieu social modeste, il peut paraître "logique" qu'étudiants et parents de ces milieux ne voient aucun avantage à investir dans des études longues et coûteuses. L'effet pervers de cette attitude est que, ce faisant, ils participent au maintient de cet ordre social.

[modifier] 3. L'obstacle financier

On serait également en droit de se poser la question ressortant comme principale conclusion de la seconde étude, à savoir : le coût des études, supposées quasi-gratuites, ne serait-il pas l'un des principaux facteurs, peut-être inconscient des choix de réorientation [DONNI Olivier, 1995]? En effet, nous savons que les études les plus prestigieuses sont également les plus chères. Pendant ce temps, les étudiants sont inactifs et n'ont pas de rentrées financières. Ce qui les rend par voie de conséquence dépendant des finances de leurs parents. Cela pourrait pousser les plus démunis à vouloir finir le plus rapidement possible leurs études. Que considérer lorsque l'on parle du financement des études ?

Les droits d'inscription certes, mais aussi les frais qu'occasionnent l'hébergement et la nourriture des étudiants, qu'ils vivent chez leurs parents ou non.

On doit également considérer les réductions d'inscriptions et autres aides sociales octroyées aux couches les plus modestes de la société. Souvent oublié des recherches, des réductions d'impôts sont octroyées aux plus riches pour leurs enfants poursuivant des études. L'étude d'Olivier Donni et Pierre Petsieau montre que les réductions les plus importantes ne sont pas octroyées aux plus démunis, mais aux couches les plus aisées des sociétés. Cela conduit à se demander dans quelle mesure les plus démunis paient les études des plus riches [DONNI Olivier, 1995].


== 4. Conclusion ==

Cet essai nous a permis de mettre en évidence que contrairement aux idées reçues, compétence et effort ne sont pas les seuls ingrédients de la réussite scolaire, loin s'en faut. Ecart culturel, problème financier, pertinence de ce qui est enseigné sont autant de facteurs qui influencent le parcours scolaire et son issue. Loin d'être le seul coupable de son manque de réussite, l'étudiant fait face à une problématique complexe construite socialement par lui bien sur, mais aussi le système scolaire, les parents, les professeurs. Néanmoins, quelques pistes de solution sont envisageables.

[modifier] a. Vers une pédagogie multiculturelle

De par sa position privilégiée dans la transmission du savoir, l'enseignant peut agir directement pour réduire les fossés culturels et faciliter l'accès à la réussite du plus grand nombre. Nous allons présenter deux pistes de solution sans entrer dans les détails qui dépassent largement le cadre de cet essai.

[modifier] i. Le relativisme culturel

Le relativisme culturel dans l'enseignement consiste à se dire que, étant conscient du fossé existant entre la culture élaborée et d'autres cultures, des mécanismes sont mis en place pour progressivement réduire cet écart, par l'exploitation d'un dénominateur commun entre les différentes cultures. Cette approche constitue le thème principal de l'ouvrage de Frédéric Tupin : Démocratiser l'école au quotidien ? Frédéric Tupin soutient qu'une culture commune se retrouve chez tous les étudiants, quelque soit leur origine socioculturelle. La culture dont il est question est la culture de masse, principalement télévisée. En effet, l'enquête de M. Tupin, ainsi que des études plus macroscopiques, ont permis de mettre en évidence que les adolescents Français, toutes cultures confondues, consomment abondamment les mêmes séries télévisées. Partant de cette "culture commune", il propose de tirer ceux qui n'ont jamais eu de contact avec la culture élaborée vers cette dernière, à travers l'art du récit bien constitué et ses particularités [TUPIN, 2004].

[modifier] ii. Les dix intelligences

Depuis 1986, Howard Gardner, psychologue Américain, relève l'existence de dix types d'intelligence que tout être humain posséderait. De ses dix intelligences, l'enseignement, telle qu'il est envisagé de nos jours, n'utiliserait que deux, à savoir l'intelligence langagière et logico mathématique. Il dénonce le recours systématique à ces deux formes d'intelligence marginalisant les autres intelligences. Cela reviendrait à dire que si les programmes scolaires tiraient profit de toutes les intelligences de l'être humain, cela donnerait plus de chances de réussite à un plus grand nombre. En effet, certaines personnes développeraient d'avantage certaines formes d'intelligence, d'autres seraient plus à l'aise avec d'autres types d'intelligences. Intégrer toutes les formes d'intelligence c'est donner d'avantage de chances à ceux qui éprouveraient des difficultés en abordant l'intelligence logico mathématique ou langagière, mais pas l'intelligence musicale, ou interpersonnelle [BAUMARD, mars 2005]. Madame Barth, chercheuse à l'institut supérieure de pédagogie de Paris, aurait expérimenté avec succès l'utilisation de l'intelligence musicale pour développer des aptitudes littéraires (lecture) chez des enfants de maternelle [CHUPIN, mars 2005].

[modifier] b. Améliorer l'information des étudiants

S'il est vrai que les futurs étudiants du supérieur ont aujourd’hui accès à une quantité importante d’informations (brochures, salons, portes ouvertes, site web…). Il faut néanmoins les aider à traiter celles-ci. Il est donc essentiel d’impliquer les professeurs dans le traitement de l’information avec les étudiants et dans l’accompagnement des élèves dans leurs démarches d’orientation. En France par exemple, la moitié des universités imposent aux étudiants un module obligatoire dont le but est d’aider les jeunes à se positionner sur le marché de l’emploi. Bien que cette initiative arrive alors que l’étudiant est déjà engagé dans ses études supérieures, elle permettrait toutefois d’éviter les remises en question trop tardives. Ne pourrait-t-on pas imaginer d’enseigner ce type de module en fin de secondaire avant d’entamer l’enseignement supérieur ? En Suisse, le projet Boussole a pour but d’informer et d’accompagner l’étudiant dans ces choix d’études supérieures. Contrairement au modèle français, ce programme commence dès la dernière année du secondaire pour continuer lors de la première année universitaire. Les étudiants doivent suivre des ateliers sur leurs goûts, besoins, valeurs…Les étudiants doivent également effectuer un stage de 6 demi-journées dans la faculté de leur choix. Grâce à une telle initiative, l’étudiant est mieux informé et mieux " armé" pour " réussir son orientation".

[modifier] c. Une année sabbatique ?

Promouvoir une année de travail ou d’étude à l’étranger devrait permettre au futur étudiant non seulement d’acquérir la connaissance d’une langue étrangère mais aussi lui permettre de réfléchir à son projet de vie, ses motivations, ses valeurs.

[modifier] d. Supprimer l'obstacle financier

Concernant l’aspect financier, nous avons vu à quel point il pouvait être difficile à cerner avec précision : qui paye pour qui ? Comme nous l’avons vu plus haut, l’aspect financier joue un rôle important dans le choix des études des couches les plus défavorisées, notamment dans les processus d’ " orientation et réorientation à la baisse ". La première réaction serait sans doute de supprimer les frais d’inscription mais ici aussi prudence et réflexion s’imposent. Au delà du problème de financement par l’Etat d’une telle mesure, se pose également le problème de motivation.En Allemagne où les études universitaires sont gratuites on assiste à un mouvement de retour en arrière pour des raisons financières mais également de diminution de motivation des étudiants [BONTE, Mars 2005] D’autre part, les écoles des quartiers les moins favorisées devraient se voir octroyées des moyens accrus pour leur permettre de combler l’écart qui les sépare des écoles mieux loties.

[modifier] e. Réflexions

[modifier] i. Vers une gestion flexible de la durée des études ?

Pourquoi enfermer l’étudiant dans un programme rigide ? L’important en définitive est-il d’atteindre un niveau de compétence, ou de l’atteindre endéans une durée imposée par le système ou scolaire ? La durée nécessaire à l'accomplissement du cursus scolaire doit-elle nécessairement l'emporter sur le contenu et les compétences acquises ? En d'autres termes, ne pourrait-on pas envisager une plus grande souplesse dans l'organisation des études ? Ne faudrait-il pas permettre à tous les étudiants, à l'instar des cours du soir au SISH, d’étaler leur année académique en 2 ans, voire de construire eux-mêmes leur programme scolaire en fonction de leurs préférences.

[modifier] ii. Quelle culture enseigner ?

Que définit la culture élaborée enseignée à l'école ? Héritage transmis de père en fils, gage de reproduction sociale, que gagnerait-elle à envisager sa propre remise en question ? Les sociétés multiculturelles sont une source d'enrichissement de la vie si elles sont bien gérées. Nous soutenons que ce qui est vrai pour la société l'est également pour l'enseignement. Pourquoi en serait-il autrement ? L'une des tâches primordiales de l'école ne serait-elle pas de former les individus de la société de demain ?

[modifier] iii. Gratuité des études, frein à la motivation, ou suppression d’un obstacle à la démocratisation des études ?

Faut il aller dans le sens de la gratuité des études comme suggérée dans l’étude d'Olivier Donni et Pierre Petsieau ? D’un autre côté, l’expérience allemande tend à montrer que les choses ne sont pas si simples. En effet, en Allemagne ce débat oppose partisans de la gratuité au nom de l’accès au plus grand nombre ; et opposants, dénonçant le manque de motivation (les étudiants Allemands sont parmi les plus lents du monde) et les conséquences financières qui en découlent.

[modifier] 5. Bibliographie

BAUMARD Maryline, Une école unique pour des intelligences multiples, in Le Monde De L'Education, mars 2005

BONTE Marie-Elizabeth, L'Allemagne met fin à l'université gratuite, in Le Monde De L'Education, mars 2005

CHUPIN Julie, Chemins buissonniers, in Le Monde De L'Education, mars 2005

DE KERCHOVE Anne-Marie, LAMBERT Jean-Paul, Choix des étudiants des études supérieures et motivations des étudiant(e)s, in Reflets et Perspectives, XL, 2001/4

DONNI Olivier, PETSIEAU Pierre, Peut-on parler de démocratisation de l’enseignement supérieur, in Reflets et Perspectives de la vie économique – Tome XXXIV, 1995

DUBET François, L’école des chances. Qu’est-ce qu’une école juste, Paris, Editions du Seuil et La République des Idées, 2004

TUPIN Frédéric, Démocratiser l'école au quotidien?, Presses Universitaires de France, 2004