Trésor des langues parlées

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Sommaire

[modifier] Trésors des langues parlées

Cet article vise à recenser des expressions imagées utilisées dans la langue parlée (par exemple, le français "comme on le parle") par opposition à la langue littéraire (le français comme on l'écrit).

Le terme "langues parlées" désigne :

  • La langue parlée commune
  • L'argot
  • Les dialectes ou "patois"

Les "pidgins" ont une place à part puisqu'ils sont une combinaison de termes de plusieurs langues et qu'ils tendent à devenir eux-mêmes des langues à part entière (avec une littérature écrite).

Cet article ne traite pas des jargons ou des technolectes qui sont des langages spécialisés.

[modifier] Langues parlées de l'espace français

[modifier] Trésor du breton parlé

En plus des expressions imagées de la langue parlée, on recense plusieurs argots bretons - dont le tunodo est le mieux documenté.

Intermédiaires entre le breton et le français, des "dialectes" ont vu le jour au moment du déclin du breton. Ces "dialectes" ont une base française avec une forte influence bretonne soit au niveau de la syntaxe, soit au niveau du vocabulaire, soit des deux. Un "dialecte" de ce genre, bien documenté, est le franco-breton parlé un temps à Douarnenez (le "douarneniste").

[modifier] Références

[1]Jules Gros : Le trésor du breton parlé
[2]Le douarneniste comme on le parle

[modifier] Quelques exemples en breton

"Penaos emañ ar bed ganit ?" (Formule de salutation, littéralement : "Comment est le monde avec toi ?")

"Dihaloupet d'an daou lamm ruz" (Parti très vite : littéralement "Parti au galop en deux grands sauts rouges")

"Skuizh breiñ" ("Fatigué pourri" !)

[modifier] Petit lexique des mots et des expressions d'origine bretonne qui se retrouvent de nos jours dans le français parlé dans la région de Lannion

A-dreuz : adv. de travers : t'as mis tes lunettes a-dreuz.

Baragwin : verbe parler indistinctement : Qu'est-ce qu'il nous baragwin

Bec'h : exp. : ici il y a eu du bec'h = ça a chauffé.

Bededoum : onomat. : badaboum.

Billig : nf. ( de pillig / ar billig ) : plaque à crêpes.

Bouzar : adj. sourd.

Chaquer : vb. (de chakat : mâcher ) gronder : ta mère va encore chaquer.

Chik ha brav : exp. chic et beau : hola, chik ha brav tes vêtements!

Chupenn : nf. veste.: Mets ton chupenn, il fait froid

Cléier : vb. (cf : alc'houezin ) fermer à clef : n'oublie pas de cléier la porte !

Daw : onomat. pan !

Diarzer : vb. ( de dic'harzhan ) défricher.

Diframmer : vb. ( de diframman ) arracher, démembrer : les vaches sont sorties du champ et elles ont tout diframmé les bottes de paille.

Disac'her : vb. ( de disac'han ) vider un sac, sortir d'un bourbier, débloquer, finir par dire sa pensée.

Distribille: adv (de distrilh ) tu as ta chambre à la distribille.

Drailler : vb. ( de drailhan ) déchirer, casser : tu drailles toutes tes affaires.

Flister : vb. ( de flistran ) jaillir, éclabousser : le sang du poisson m'a flisté dessus.

Frico : nm. ( de friko ) festin, bon repas.

Fri lous : morveux : arrête de faire ça, fri lous !

Friquer : vb. ( de frikan ) écraser, écrabouiller : il a friqué sa voiture!

Genou bras : grande gueule.

Genaouek : adj : imbécile.

Gwaz : nm. homme : celui-là, c'est un gwaz , c'est un costaud

Gweguer : vb (de gwegan = brimer ) casser, tordre, tuer.

Kenavo : au revoir

Krign : nom : gratin, croûte au fond d'une casserole de pommes de terre : laisse -moi manger le krign !

Liper : vb ( de lipat ) lécher : cesse de liper la sauce. Variante : licher ( forme bâtarde )

Loche : nm. ( de loch ) hutte, cabane : j'ai mis mon vélo dans le loche

Lonquer : vb ( de lonkan ) boire, engloutir : quoi ! t'as lonqué tout le jus d' orange?

Louskenn : adj. petit dégoûtant

Loukez : nm. sot : celui-là, c'est un loukez !

Luch : adj. ( qui ) louche, bigleux

Lugudenner : vb. ( de lugudin, lugudennin ) lambiner, être lent au travail.

Madé : interj. ( de mat eo = c'est bon / bien ) ok

Ma Doué : interj. ( de Ma Doue ) Mon Dieu

Marmouz : adj. ( singe ) espiègle

Opala : excl. Oh la la / Hop

Pegement : ( adv. combien ) attraper son pegement : exp. recevoir son compte, se faire tabasser.

Penn 'dach' : ( de penn an dachenn : l'extrémité de la parcelle ) loin : tu as encore envoyé le ballon à penn 'dach'. A perpette.

Pignous : adj. pleurnicheur

Poquer : vb. ( de pokan ) lancer une boule, cogner quelqu'un.

Poquès : nm. ( de paour kaezh ) pauvre gars / type : t'es un poquès!

Sac'her : (de sac'h = sac ) tomber en panne, s'embourber (en parlant d'une voiture).

Skarzer / Karzer : vb. ( de skarzhan ) décamper, se dépêcher : t'as intérêt à skarzer, si tu ne veux pas être en retard!

Strinquer : vb. (de strinkan ) éclabousser, jaillir : l'huile m'a strinqué à la figure.

Teil : nm. (fumier) : arrête de foutre ton teil : le désordre.

Zaw : onomat. vlan!

Source : Les élèves du lycée Bossuet à Lannion (Premier prix du concours "Lavar ar Vro" à Châteaulin le 26 mai 1999)

http://perso.orange.fr/lycee_bossuet.lannion/lexique.htm

[modifier] Échantillons de breton parlé par des locuteurs natifs

[modifier] Trésor du gallo parlé

Saun le galo poènt de Bertaèyn!

[modifier] Exemples

Voir le site de "Caùzon Galo!" : http://www.cauzaegalo.ht.st/

  • De la pioe a béizae lez valéz: une petite pluie fine (autrefois quand la pluie était légère les valets devaient rester dehors). Sion-les-Mines.


  • Il taet chaèt lez conn dan l'fiein
    • il était saoûl -Moenoe/Mené-

Littéralement: "il était tombé les cornes dans le foin"

Prononciation = [i teu chè les con-n dan le fyin]


  • Nan subl au qu èz ch'vaùs !
    • siffler c'est mal-poli !

littéralement>"on siffle au cul des chevaux !" (sous-entendu "uniquement")

Prononciation = [nan sub' au tchu ès ch'vao]


> Faerr un bèrr

  • couper un court, prendre un raccourci (cf. "berr" court en breton)

prononciation= [feure un bèrr]


> Aveir le parbót cóm un jaè floe

  • "avoir les cheveux dressés comme un geai en colère" Paei dou Moenoe/Pays du Mené

prononciation: [avaï le parbou coum un jai fleu]


> "Si un lièvr chaèt, i n'pasera poent!" = « On ne peut même pas y passer un orteil »

se dit lorsque l'on fait un cercle autour du foyer, du type veillée contée autour du feu


> Aveir lez dantz jliff = avoir les dents qui grincent

(est posubl de chaunjae « dantz » o « cotinn » mesm si qe le mot-là est bén pu uzaijae pór estt-latt èz garczaylh)


> IL TOMBE DES CORDES

  • I chei de l’iaù a siotaéy

Prononciation = [I cheu d’l’iao a siotéy]

  • AVOIR DES PROBLEMES AVEC QUELQU’UN
    • Yèstr dan l’z arias d’o qóuqun

Prononciation = [yèstr dan l’zaria do tcheukun]

  • Aveir dou tabut d’o qóqun (cf. breton "Tabut" = querelle)

Prononciation = [avaï dou tabu do tcheukun]

[modifier] Références

Coulabin, Henri – Dictionnaire des locutions populaires du bon pays de Rennes-en-Bretagne, Rennes : H. Caillière, 1891, 378 p.

Coupé, Maurice – Galleseries sur l’sieu de l’hus (histouères en gallo), Fréhel : Astoure, 2002, 63 p., ISBN 2-84583-053-X

Eudel, Paul – Les locutions nantaises, Rennes : La Découvrance, 1998, 131 p., ISBN 2-84265-076-X [réimpression de l’édition de Nantes, 1884]

Le Mée, Georges – Frazennoù e romaneg Sant Jili ar Menez

Vivant, Georges – N’en v’la t’i’ des rapiamus ! (patois des pays nantais), Nantes : Reflets du passé, 1995 (3e éd.), 333 p., ISBN 2-86507-006-9

En tout cas, voir : http://www.maezoe.com/maezoe-ga.htm

[modifier] Expressions en mayennais

Le mayennais est traditionnellement parlé dans le département de la Mayenne. Les parlers de la Mayenne apparaissent plus prochement apparentés au parlers de la Haute-Bretagne (gallo) que les parlers normands. Le mayennais se distingue cependant du gallo et du parler manceau (Sarthe). Contrairement au gallo, il n'est pas influencé par le breton. C'est une langue essentiellement rurale, populaire et vivante.


  • I'bis'rait eun'bique enter'les cornes (il a le visage maigre)
  • E'déculottrait eune pape sur la piace de l'église (elle ne respecte rien ni personne)
  • El'é comme la Vierge des Rogations, é n'a ni panse ni tétons ! El'é comme les biques, elle a la grèsee en d'dans ! (c'est une fausse maigre)
  • I'n'y a d'si vilain pot qui n'trouve son couverque'! (chacun peut trouver un ami)
  • S'enfier pour eun rin ! (se mettre en colère pour rien)
  • I s'écoute pour cause'. I's'parluiseI's'dit'vous ! (il s'écoute parler)
  • Van diou, la Mârrie, accot'a don à la hâ ! (Bon sang, la Marie, appuie-toi donc contre la haie)
  • c'é du suc' à pren're, d's'épines à ren're (plaisir de la conception, douleur de l'accouchement)
  • Et'franc comme eun âne qui r'cule (être un faux jeton)
  • Aller l'yab' à la d'vallée (aller très vite)
  • Faut point en déroule'pus long qu'on a d'ficelle (il ne faut pas présumer de ses forces)
  • avèr des bruch'ments de boyaux (avoir mal au ventre)

[modifier] Découverte du normand parlé

Voir le site http://magene.chez-alice.fr/

« Environ 20 000 personnes parlent encore aujourd'hui le "patois" normand. Mais, chacun le constate, le riche vocabulaire de notre langue du pays s'effrite avec le temps... À l'époque où la langue normande était parlée par tous en Normandie, il existait plus de 30 000 mots, expressions et tournures spécifiques ! Cette langue nous ouvre une formidable encyclopédie de notre histoire populaire régionale. C'est pourquoi nous voulons la sauvegarder et la faire vivre le plus longtemps possible.  »

[modifier] Un exemple : CHRONIQUE DES PLUIES NORMANDES

40 termes pour évoquer les pluies... (extrait du site de l'association Magène)

On dit que les Inuits peuvent exprimer la neige avec plus de 20 mots différents, tout comme ils désignent la glace d'un nom différent selon son degré de résistance. C'est sans doute la même chose chez les Touaregs quand ils évoquent le désert. A chacun son environnement : en Normandie, convenons que la pluie fait référence ! Un jour ...de pluie, alors que nous élaborions près du feu quelques projets de chansons, Marcel Dalarun entama une envolée sur le vocabulaire des pluies. Depuis, nous complétons tous ensemble cette rubrique et nous vous invitons à nous envoyer vos trouvailles. Chaque mot qualifie un type de pluie bien défini, même s'il semble y avoir ressemblance entre certains termes. Ouvrez vos pépins !


[modifier] le brouillard
  • C'est le "broussin", la "brousse", la "bllâse", le "buhan" (cf l'Abbé Toussaint).
  • La "breune purante" est un brouillard qui se condense en eau.
  • Avant le crachin, il se peut que le temps soit "mucre", imprégnant tout d'une désagréable humidité.
  • Il peut aussi "avriller", c'est-à-dire faire un temps doux et humide.

[modifier] les crachins
  • Quand il crachine faiblement, on dit qu'il "brouollache", ou encore qu'il "broussène".
  • "Y'a de la brousse, mille brins à la pousse !" (dicton de Guernesey) Il peut simplement "brouolli", c'est-à-dire crachiner en brouillard. Dans ce cas, on dit aussi qu'il "pllouène".
  • Enfin, si le crachin s'accentue, on dit qu'il "brouasse".


     "Mucre" vient du scandinave "mygla" (moisissure) et "mykr" (fumier).
     "Ramucri" est un verbe toujours usité chez nous qui signifie mouiller le linge pour le repasser.
     A la fin du XIIe siècle, on note l'existence du mot "broeine" (bruine).
     Au XIVe siècle, on trouve les traces des mots "broe" et "broue" (brouillard blanc).

[modifier] les petites pluies
  • "Eune pissie de cat", "eune pissie de ranne" (rainette) ou encore "eune petite iâo", c'est une petite averse sans conséquence.
  • Il peut "pleuvinaer", "plouvotaer".
  • "Eune rapillie" est une petite ondée.
  • Il peut aussi "plleuvachi" ou "boucailli" quand la pluie, bien que faible, est plutôt gênante.
  • La "riplleure" est particulière : il pleut et il fait soleil en même temps.

[modifier] les averses
  • "Eune puchie" se situe entre la simple pluie et l'averse.
  • "Eune ondaée", de même qu' "eune tapaée", c'est une averse passagère. Elle devient "eune harée" si elle se fait plus dense, ou "eune pichée", ou "eune dégelée".
  • "Eune grêlaée", c'est une averse de grêle.
  • La pluie peut être la bienvenue quand elle survient après une période de sécheresse : "I tumbe des pyiches dé chent sous" (il tombe des pièces de cent sous).
  • "Eune chilaée", c'est une sacrée averse ! Mais il y a plus fort : la "lâchie", quand le vent s'en mêle, et surtout "l'afllas d'iâo" ou "l'achanaée", le summum !
  • S'il pleut abondamment, on dit qu'il "verse" ou que "cha tumbe à crase", ou encore que "cha décllaque" (Denys Corbet, Guernesey).
  • "Acrasaer de plleure", c'est pleuvoir à verse (Maurice Fichet).
  • "Versaer coume la mé", quand il pleut à verse.


     "Puchie" vient du normano-picard "puch", issu du latin "puteum" (puits).
     "Achanée" vient de "chaable" (situé en 1080), issu du latin populaire "catabela"
     qui signifie "bois abattu par la force du vent".
     "Chaable" a donné "chaant", lequel a donné "cheoir" (choir, tomber).

[modifier] les fortes pluies. Si votre "parapie" a résisté jusqu'ici !
  • Gare à la "vouéchie", mélange agressif d'eau et de vent...
  • À la "dépêlaée" (de pêle : bassine), ou à "l'ernâpée", quand il pleut à seaux.
  • À la "décllavée", à "l'abât d'iâo", pluie très lourde qui saura vous tremper jusqu'à l'os.
  • Alors, vous direz : "I tumbe dé l'iâo à béda !", c'est-à-dire en quantité, ou encore "I tumbe à pelaées" ou à "fllés" (à fléaux), "à siâotaées" (à seaux), "à câodrounaées" (à pleins chaudrons) ...
     On retrouve certaines de ces expressions au Québec : "I mouille à sios".
  • "Cha tumbe d'abât", "cha écrase", "cha verse"...
  • Il peut pleuvoir "à trapinaées" (Louis Beuve 22/10/1918)
  • Pour aller plus loin dans l'émotion liquide, quand la pluie claque violemment sur les fenêtres, on constate qu'il "foëdrâle".
  • Enfin, quand il pleut tant que la terre est incapable d'absorber l'eau, on se souviendra d'une belle "assoume d'iâo".


     "A beda" vient de "bédache" (la bedaine) et évoque donc le contenu d'un gros ventre. 
     Pour la petite histoire, la "bedondaine" est, vers 1845, une sorte de cornemuse à grosse panse ! 
     Une "trapinaée", c'est une grande quantité car c'est le contenu d'un grand panier en osier: le trapin.
     Il s'agit d'un mot francique, tout comme "trappe" en français.
     Trappe voulait d'abord dire piège (trou recouvert de branchages) avant d'être une ouverture dans un plancher.

[modifier] Après la pluie
  • Après la pluie, "cha dépure" (dégouline).
  • "I s'ar'sitch" (patois de Blainville/mer) signifie qu'il cesse de pleuvoir et que le temps devient progressivement plus sec.


Dans son "Folklore de Guernesey", Marie de Garis énumère un grand nombre de dictons relatifs au temps qu'il fait. Choisissons cette série sur la prophétie de l'arc-en-ciel :

  • "L'ardalliance du matin fait la mare au ch'min" (the morning rainbow makes puddles on the highway)
  • "L'ardalliance du mejeu ouvre lé parapie du moussieu" (the midday rainbow opens the gentleman's umbrella)
  • "L'ardalliance du saër est belle à vei" (the evening rainbow is beautiful to behold - a sign of fine weather to come)


Un autre dicton entendu à Carteret :

  • "Bllaunche mé et neir Jérri, y a d’ l’iâo à pllens pannyis"

Cette rubrique prouve que le normand possède un vocabulaire plus riche, et surtout beaucoup plus imagé et précis que le français en ce qui concerne les éléments concrets de la vie quotidienne (nature, maladies, etc...). Par ailleurs, les innombrables dictons constituent à eux seuls une mine d'informations sur le vocabulaire populaire. Ne trouvez-vous pas cette lapalissade normande pleine de bon sens : "Quaund il plleut, ch'est sène de mâovais temps" ?

Allez, ne vous laissez pas troubler par ces évocations humides : sous le soleil, la Normandie demeure l'une des plus belles régions qui soient!


==> Tiré du site magene.com

[modifier] Voir aussi

[modifier] Notes et références

  1. Jules Gros : Le trésor du breton parlé
  2. Le douarneniste comme on le parle