Tour du Breuil

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La Tour du Breuil à Dignac en Charente domine les sources de l'Échelle. Le donjon et la chapelle sont inscrits à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques.

Sommaire

[modifier] Architecture

Vue panoramique du Breuil

Vue du Breuil
Vue du Breuil

Cet ensemble de bâtiments, dont certains anciens, est quelque peu écrasé par la Tour qui donne son nom au lieu-dit. Il est situé à l'extrémité d'un mouvement de terrain dominant les sources et la haute vallée boisée de l'Échelle (qui devient la Touvre). Il se compose actuellement d'une tour carrée autrefois isolée et entourée de douves, construite fin du XIVe, début du XVe siècle, c'est-à-dire vers la fin de la guerre de Cent Ans, peut-être par les Anglais. Pour d'autres elle ne daterait que du XVIIe siècle[1].

[modifier] la tour

Cette tour rectangulaire monumentale, de 12 mètres sur 9 mètres, haute de 20 mètres, aux murs d'une épaisseur d'1,80 m à leur base, aux étages séparés par des planchers avec mâchicoulis est surmontée d'un parapet percé de créneaux. Le logis établi autour d'une cour rectangulaire est plus récent.

On remarque sur le pourtour des fenêtres, d'ailleurs modifiées, les trous des barreaux qui en défendaient l'accès. Le chemin de ronde sur mâchicoulis a été remanié au XVIIe siècle (haut mur orné extérieurement de coquilles, chemin dallé, fenêtres, archères).

Il est évident qu'il s'agissait, à l'origine, d'un bâtiment à caractère purement militaire de surveillance et de défense, flanqué d’éléments d’habitation et d’exploitation pour le personnel, petits bâtiments refermés sur une cour intérieure où l’on peut retrouver encore une meurtrière et des éléments de murs d’un bel appareillage de pierre de plus de 1 m d’épaisseur. Ce n’est que vers le XVIe siècle, sans doute, que cet ensemble fut qualifié de « Logis et Hôtel Noble » (sic).

Autrefois une tour hexagonale dont il reste une partie de l'escalier en spirale qui conduit de la cuisine à la cave voûtée et une porte d'entrée sculptée du XVe, déplacée, flanquaient le bâtiment d'habitation et commandaient sans doute une poterne d'accès.

[modifier] les autres bâtiments

  • L'habitation est formée de deux corps de bâtiment, l'ancien au Nord, en retrait de la Tour, lui-même remanié, auquel est accolé, au Sud, le bâtiment moderne datant du XIXe siècle (rez-de-chaussée du XVIIe siècle, le premier étage dont le hall actuel reliant ces bâtiments à la Tour ne datent que de 1920).

Les 1 m 20 d'épaisseur du mur entre ces deux bâtiments montre bien qu'il s'agit de l'ancien mur extérieur.

  • les communs rectangulaires ont des parties anciennes qui sont facilement reconnaissables : chapelle, tourelle et créneaux, etc.
  • La petite chapelle, bien que très abîmée (elle était déjà désaffectée avant la Révolution de 1789) reste intéressante par des restes de fresques du début du XVe, peut-être même du XIVe siècle.
Fresque dans la chapelle
Fresque dans la chapelle

On y voit un chevalier en train d'être adoubé, devant lui un évêque qui le bénit, derrière son ange gardien, plus loin saint Christophe et son bâton, saint Michel et sa lance, sainte Barbe et sa tour. Au fond à droite de l'autel on devine un roi couronne en tête et sceptre en fleur de lis à la main. À gauche on soupçonne une femme à cheval. Le poutrage très serré montre des traces des anciennes peintures.

Le donjon et la chapelle ont été inscrits à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques par arrêté du 23 décembre 1964 du ministre d’État chargé des Affaires culturelles.

[modifier] Histoire de la Tour : deux siècles d’héritage

L’époque de construction de la Tour se situe, selon les experts en général, vers la fin du XIVe siècle, début du XVe, c’est-à-dire vers la fin de la guerre de Cents Ans. Rappelons que cette guerre prit fin par les batailles de Formigny (1450) et Castillon (1453) sous le règne du roi Charles VII (Jeanne d'Arc ayant été brûlée à Rouen en 1431). Si elle fut réellement bâtie par les Anglais sur l’emplacement d’une ancienne maison forte, cette construction se placerait, sans doute, entre 1360 (traité de Brétigny dont Jean le Bon paya sa libération en cédant à Édouard III le Poitou, l'Angoumois et le Périgord) et 1732, époque où, sous Charles V , Bertrand du Guesclin reprit aux anglais la plupart des places fortes de ces provinces. Il faut se rappeler que, du début du XIIIe, l’Angoumois étant le fief des Lusignan, comtes de Poitiers, de la Marche et d’Angoulême, jusqu’au milieu du XVe siècle, cette région fut le théâtre de combats incessants entre les rois de France et le roi d’Angleterre devenu leur vassal depuis qu'Aliénor d'Aquitaine eut épousé en seconde noce Henri II roi d’Angleterre, duc d’Angou et devenu ainsi prince d’Aquitaine (1162). Mais il existerait des documents indiquant que le Breuil Maison Forte aurait été bâti aux environs des années 1280.

Sans doute cette tour, ainsi que les bâtiments d’habitation et d’exploitation construits près d’elle, était-elle tenue au début par une petite garnison placée par les comtes d’Angoulême, ou leurs vassaux les châtelains de Villebois (Dignac était à la limite de la châtellenie). Elle gardait les débouchés de Périgord par le seuil de la Marronnière vers la haute vallée de l’Échelle et de la Touvre, voie d’accès naturelle vers Angoulême, flanquée d’un côté par le Pouyaud et de l’autre par le Maine Léonard, protégeant le petit prieuré et village de Dignac.

Ce n’est qu’aux XVIe et XVIIe siècles que les premiers documents permettent d’identifier les détenteurs de ce « Logis Noble » qui étaient alors les Raymond, famille importante répandue dans la région (Raymond de Riberolle, Bourderon de Raymond Sr. d’Aubeterre (1363) et très turbulente. L’un d’eux au XVIIe siècle : Roger de Raymond, fils de Joseph, seigneur du Breuil, et de Jeanne de Lepinay, assassina Jean Arnaud à qui son père devait 26 000 livres et qui avait osé se porter acquéreur du Breuil et du Pouyaud pendant que les Raymond étaient en prison en raison de leurs méfaits et exactions.

Au XVIIIe siècle Arnauld de Boueix cède le Breuil à son parent Arnauld de Ronsenac.

En 1576, le Breuil était devenu par héritage, la propriété du « haut et puissant seigneur » François de La Laurencie, marquis de Charras, baron de Neuvicq, maître de Camp de Cavalerie, etc. Ce dernier vendit le fief le 22 avril 1774 (pour 63 000 livres, acte de Mme Laubas, notaire) à Jean Leroy de Lenchères, chevalier, brigadier des Armées du Roi, chevalier des Ordres de Saint Louis. Il était le second fils d’Anthoine sieur du Breuil de Bonneuil (château du Breuil de Bonneuil, classé, à 8 km de Chateauneuf s/Charente). La propriété s’étendait alors jusqu’aux Renonfies et au moulin de l’Etaule sur environ 300 hectares.

Ce Jean de Lenchères fut gouverneur de Corté, pacifia la Corse et mourut à 50 ans maréchal des Camps et Armées du Roi. La légende raconte qu’il mit en prison un certain M. de Bonaparte qui n’était autre que le père de Napoléon Bonaparte.

Les Leroy de Lenchères étaient une très ancienne famille du pays, apparentés aux Galard de Béarn et dont le fief d’origine semble bien avoir été le Maine Léonard (le Breuil n’étant entré dans cette famille par héritage qu’en 1716).

Le Maine Léonard est resté propriété des Lenchères jusque vers 1920. La petite-fille de Jean de Lenchères, Élisabeth, épouse Louis Benjamin Fernand des Roches de Chassay et lui apporte le Breuil vers 1845 (les biens avaient été restitués après l’émigration). Leur fille et héritière, Odette des Roches de Chassay (1846-1940, arrière grand-mère de l’actuelle propriétaire) épousa Arnaud de Laferrière qui laissa cette propriété à son second fils Robert de Laferrière, lequel, sans enfant, eut comme héritière sa nièce Marie-Thérèse de Laferrière, épouse du colonel Xavier de Villemandy de La Mesnière, père de Bruno de Villemandy de La Mesnière, fils unique et propriétaire actuel.

La Tour du Breuil est donc dans la même famille (par les femmes) depuis plus de deux siècles.

Pour mémoire (familiale) Odette de Chassay avait deux sœurs qui devinrent, l’une, Catherine, Mme de Larivière et l’autre, Marguerite, Mme X. Vignaud d’Essenat, et un frère, Richard, qui mourut pour la France pendant la guerre de 1870-1871.

[modifier] Bref Historique du comté d’Angoulême

Les Taillefer, premiers comtes d’Angoulême (les plus connus : Bougrin, Guillaume II et IV, 868 à environ 1200) étaient vassaux des ducs d’Aquitaine. Aliénor, dernière héritière de Guillaume X, duc d’Aquitaine, divorce de Louis, dauphin et futur Louis VII, et épouse en 1162 Henri d'Anjou, Plantagenêt, qui devint Henri II, roi d’Angleterre et duc d’Aquitaine. Son fils Richard Cœur de Lion s’empare du Poitou, Angoumois et Périgord mais est tué sous les murs de Châlus en 1199. Son frère Jean Sans Terre continue cette lutte épisodique au cours de laquelle les Lusignan comtes de Poitiers et les comtes d’Angoulême guerroient tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Isabelle, fille du comte d’Angoulême, d’abord fiancée de Hugues de Lusignan, épouse Jean Sans Terre et devient à son tour reine d’Angleterre (belle fille d’Aliénor). À la mort de ce dernier, tué en 1216, elle épouse son ex-fiancé Hugues de Lusignan, comte de Poitiers qui devient ainsi comte d’Angoulême. Ce sont les règnes de Philippe-Auguste († 1223) qui à Bouvines écrasa Jean Sans Terre, de son fils Louis VIII et Blanche de Castille puis leur fils Louis IX (Saint Louis) qui à Taillebourg vainquit encore les Anglais.

En 1308 à la suite de discordes dans leurs successions, Philippe le Bel confisque aux Lusignan, au profit de la couronne, le comté d’Angoulême.

De 1337 à 1453 ce fut la guerre de Cent Ans avec les revers de Crécy (1346), Poitiers (1356) et le traité de Brétigny en 1360 par lequel Jean Le Bon achète sa libération par l’abandon du Poitou, Angoumois et Périgord à Édouard III roi d’Angleterre. Mais dès 1372, ce dernier ayant refusé de se présenter devant son suzerain le roi de France pour rendre compte de ses exactions, la lutte reprend et tout est reconquis par Bertrand du Guesclin.

Puis la fortune des armes ayant tourné ce fut le désastre d’Azincourt en 1415, mais aussitôt après, l’épopée de Jeanne d’Arc (brûlée à Rouen en 1431) et la brillante reconquête du royaume par Charles VII (Xaintrailles, Dunois, Richemont) puis les écrasantes victoires de Formigny (1450) et de Castillon (1453 mort de Talbot) mettent fin à la guerre de Cent Ans.

Le comté d’Angoulême, après quelques vicissitudes, est donné en apanage à Louis d’Orléans, frère du Roi, auquel succéda après sa captivité, son fils Jean, « Le Bon Comte Jean » († 1467). Vint ensuite Charles marié à Louise de Savoie, mère de François Ier. Ce dernier, devenu roi de France, le comté, érigé en duché, fut définitivement inclus dans le domaine royal (le dernier duc d’Angoulême fut le comte d’Artois, devenu Charles X).

Ce bref aperçu montre combien cette région, entre le XIIe et le XVe siècle, fut ravagée par les guerres. Mais il faut bien se représenter celles-ci comme très épisodiques et non continues, localisées entre seigneurs vassaux des rois de France et d’Angleterre, lesquels étaient, par ailleurs, alliés par des mariages et liens familiaux inextricables et des intérêts souvent contradictoires.

Avec le XVIe siècle ce fut la Renaissance, puis les guerres de Religion qui ensanglantèrent particulièrement la Charente, la Saintonge et l’Aunis – pays de réforme – pour aboutir avec la révocation de l’édit de Nantes au XVIIe siècle (1685) par Louis XIV à l’exode de beaucoup de Charentais.

Enfin cette région totalement intégrée au royaume de France ne fut plus que le reflet, à l’échelon local, des grands évènements nationaux, guerres et révolutions, dont hélas, notre Pays ne manque pas.

[modifier] Notes et références

  1. Châteaux manoirs logis, la Charente, éditions patrimoines et médias 1993, ISBN 2.910137.05.8
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45°33′42″N 0°17′27″E / 45.56167, 0.29083