Théorème adiabatique

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Le théorème adiabatique est un concept important en mécanique quantique. Sa forme originelle[1], énoncée en 1928 par Max Born et Vladimir Fock, peut être énoncée de la manière suivante :

Un système physique est maintenu dans son état propre instantané si une perturbation donnée agit sur lui suffisamment lentement et si il y a un intervalle significatif entre la valeur propre et le reste du spectre du hamiltonien.

Il peut ne pas être immédiatement compris à partir de cette formulation que le théorème adiabatique est, en fait, un concept extrêmement intuitif. Formulé simplement, un système quantique soumis à des conditions externes de modification graduelle peut adapter sa forme fonctionnelle, alors que dans le cas de modifications rapides, l'adaptation n'a pas le temps de se produire et par conséquent la densité de probabilité reste inchangée.
Les conséquences de ce résultat simple en apparence sont nombreuses, variées et extrêmement subtiles. Afin de clarifier ce propos, on débutera cet article par un description qualitative, suivie par quelques exemples avant d'entamer une analyse rigoureuse. Enfin, on présentera quelques techniques utilisées pour les calculs d'adiabaticité.

Sommaire

[modifier] Processus diabatiques et adiabatiques

[modifier] Définitions quantiques

Un processus diabatique est un processus dans lequel les conditions (externes) changeant rapidement empêchent le système d'adapter sa configuration durant son déroulement, ce qui fait que la densité de probabilité reste inchangée. Typiquement, il n'y a pas d'état propre du hamiltonien final de même forme fonctionnelle que pour l'état initial. Le système finit en une combinaison linéaire d'états dont la somme reproduit la densité de probabilité initiale.
Un processus adiabatique est un processus dans lequel les conditions (externes) permette l'adaptation du système, permettant la modification de la densité de probabilité. Si le système est initialement dans un état propre du hamiltonien de départ, il sera au final dans l'état propre « correspondant » du hamiltonien d'arrivée[2].

[modifier] Différentiation théorique

Pour un temps initial \scriptstyle{t_0} un système quantique a une énergie donnée par le hamiltonien \scriptstyle{\hat{H}(t_0)} ; le système est dans un état propre de \scriptstyle{\hat{H}(t_0)} décrit par \scriptstyle{\psi(x,t_0)}. Les conditions changeantes modifient le hamiltonien de manière continue, ce qui donne un hamiltonien final \scriptstyle{\hat{H}(t_1)} à un temps \scriptstyle{t_1}. Le système évolue selon l'équation de Schrödinger, afin d'atteindre l'état final \scriptstyle{\psi(x,t_1)}. Le théorème adiabatique indique que la modification du système dépend de manière critique du temps \scriptstyle{\tau = t_1 - t_0} durant lequel elle a lieu.
Pour un processus adiabatique véritable, on utilise \scriptstyle{\tau \rightarrow \infty} ; dans ce cas, l'état final \scriptstyle{\psi(x,t_1)} est un état propre du hamiltonien final \scriptstyle{\hat{H}(t_1)}, avec une configuration modifiée :

|\psi(x,t_1)|^2 \neq |\psi(x,t_0)|^2.

Le degré auquel un changement donné approche un processus adiabatique dépend à la fois de la séparation énergétique entre \scriptstyle{\psi(x,t_0)} et les états adjacents, et la rapport entre l'intervalle \scriptstyle{\tau} à l'échelle de temps caractéristique de l'évolution de \scriptstyle{\psi(x,t_0)} pour un hamiltonien indépendant du temps, \scriptstyle{\tau_{int} = 2\pi\hbar/E_0}, où \scriptstyle{E_0} est l'énergie de \scriptstyle{\psi(x,t_0)}.

Inversement, dans la limite \scriptstyle{\tau \rightarrow 0} on a un passage infiniment rapide, ou diabatique ; la configuration de l'état reste inchangé :

|\psi(x,t_1)|^2 = |\psi(x,t_0)|^2\quad.

La condition dite « de gap » incluse dans la définition originale de Born et Fock donnée plus haut se réfère à la condition que le spectre de \scriptstyle{\hat{H}} soit discret et non dégénéré, c'est-à-dire qu'il n'existe pas d'ambigüité dans l'ordre des états (on peut facilement établir quel état propre de \scriptstyle{\hat{H}(t_1)} correspond à \scriptstyle{\psi(t_0)}). En 1990, J.E. Avron et A. Elgart reformulèrent le théorème adiabatique, éliminant la condition de gap[3].
Le terme adiabatique est traditionnellement utilisé en thermodynamique afin de décrire des processus sans échange de chaleur entre le système et son environnement (voir adiabaticité). La définition quantique est plus proche du concept thermodynamique de transformation quasi-statique, et n'a pas de relation directe avec l'échange de chaleur. Ces deux définitions différentes peuvent être sources de confusion, particulièrement lorsque les deux concepts (échange de chaleur et processus suffisamment lents) sont présents dans un problème spécifique.

[modifier] Exemples

[modifier] Pendule simple

On peut considérer l'exemple du pendule oscillant dans un plan vertical. Si le support est déplacé, le mode d'oscillation du pendule change. Si le support est déplacé suffisamment lentement, le mouvement du pendule relatif au support reste inchangé. Un changement graduel dans les conditions externes permet au système de s'adapter, tel que le caractère initial soit conservé. Cela est un processus adiabatique au sens quantique du terme[4].

[modifier] Oscillateur harmonique quantique

Article principal : Oscillateur harmonique quantique.
Figure 1. Modification de la densité de probabilité, , d'un oscillateur harmonique quantique à l'état fondamental, en raison d'une augmentation adiabatique dans la constante de ressort. L'expression potential energy est la dénomination anglophone de l'énergie potentielle.
Figure 1. Modification de la densité de probabilité, \scriptstyle{|\psi(t)|^2}, d'un oscillateur harmonique quantique à l'état fondamental, en raison d'une augmentation adiabatique dans la constante de ressort.
L'expression potential energy est la dénomination anglophone de l'énergie potentielle.

La nature classique d'un pendule exclut une description complète des effets du théorème adiabatique. Comme exemple, on considèrera un oscillateur harmonique quantique lorsque la constante de rappel \scriptstyle{k} augmente. C'est l'équivalent classique de la raideur d'un ressort ; quantiquement, l'effet est un rétrécissement de la courbe d'énergie potentielle dans le hamiltonien du système.

Si \scriptstyle{k} est accru adiabatiquement \scriptstyle{\left(\frac{dk}{dt} \rightarrow 0\right)}, alors le système au temps \scriptstyle{t} sera dans un état propre instantané \scriptstyle{\psi(t)} du hamiltonien courant \scriptstyle{\hat{H}(t)}, correspondant à l'état propre initial de \scriptstyle{\hat{H}(0)}. Pour le cas spécial d'un système, comme l'oscillateur quantique harmonique, décrit par un seul nombre quantique, cela signifie que le nombre quantique restera inchangé. La figure 1 montre comment un oscillateur harmonique, initialement dans son état fondamental, \scriptstyle{n = 0}, reste dans cet état fondamental quand la courbe d'énergie potentielle est compressée ; la forme fonctionnelle de l'état s'adaptant aux conditions variant lentement.

Pour une constante de rappel croissant rapidement, le système subit un processus diabatique \scriptstyle{\left(\frac{dk}{dt} \rightarrow \infty\right)} dans lequel le système n'a pas le temps d'adapter sa forme fonctionnelle aux conditions changeantes. Alors que l'état final doit être identique à l'état initial \scriptstyle{\left(|\psi(t)|^2 = |\psi(0)|^2\right)} pour un processus opérant sur une période de temps non prise en compte, il n'y a pas d'état propre du nouveau hamiltonien, \scriptstyle{\hat{H}(t)}, qui ressemble à l'état initial. En fait l'état initial est composé d'une superposition linéaire de nombreux états propres différents de \scriptstyle{\hat{H}(t)} dont la somme reproduit la forme de l'état initial.

[modifier] Croisement de courbe évité

Article principal : Croisement évité.



  1. M. Born et V. A. Fock, « Beweis des Adiabatensatzes », dans Zeitschrift für Physik A Hadrons and Nuclei, 1928 (3-4), p. 165-180
  2. T. Kato, « On the Adiabatic Theorem of Quantum Mechanics », dans Journal of the Physical Society of Japan, 1950 (6), p. 435-439 [texte intégral]
  3. J. E. Avron et A. Elgart, « Adiabatic Theorem without a Gap Condition », dans Communications in Mathematical Physics, 1999 (2), p. 445-463 [texte intégral] [texte intégral]
  4. David J. Griffiths, Introduction to Quantum Mechanics, Pearson Prentice Hall, 2005 (ISBN 0-13-111892-7), chap. X
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