Discuter:Ronald Laing

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Bonjour,

Je suis thésarde en Psychologie, et une partie de mon travail se réfère, de façon critique, aux antipsychiatres britanniques dont Laing était le chef de file. Votre article, bien que succint, me paraît intéressant. Par contre, en ce qui concerne le fait que ces théories sont un peu oubliées aujourd'hui, il ne me semble pas que cela vienne vraiment du fait qu'elles ne furent jamais pleinement acceptées par la psychiatrie traditionnelle. Certes, elles ne le furent pas. Mais il y a autre chose.

Je ne sais pas si vous avez parcouru, dans le détail, les livres de ces antipsychiatres. Eh bien je dois vous dire pour ma part que je les trouve ennuyeuses à souhait. De plus, une contradiction majeure rend la pensée de Laing tout à fait invalide, à mon avis; en effet, s'il considère que la schizophrénie n'est qu'une étiquette institutionnelle et vide de sens, et que le schizophrène n'existe pas comme espèce nosologique, comment se fait-il qu'il cherche à la traiter? De plus, comme il considère que la schizophrénie serait le cours normal de l'évolution de l'individu s'il n'était pas brimé par la société - id est si le sujet n'était pas entravé par la Loi symbolique (!) - si donc la schizophrénie était une évolution normale - selon les critères de Laing, c'est-à-dire non pas gaussienne, mais naturelle - pourquoi s'évertue-t-il donc à fustiger la famille, qu'il rend responsable de la schizophrénie de l'un de ses membres?

En outre, le personnage de Laing est très controversé: on l'a vu, moitié gourou, sous l'influence du whisky qu'il affectionnait tant, refaire le monde à Kingsley Hall, à coup de théorie du tout, mêlant mathématiques, philosophie, psychologie, religion - nous en avons rien qu'un petit aperçu dans le livre de Mary Barnes, cette infirmière qui se croyait schizophrène, Un Voyage à travers la folie, éditions du Seuil, 1973 pour la traduction française. Il faut savoir aussi que Laing lui-même souffrait d'une psychose maniaco-dépressive, et que sa théorie de la psychose est directement calquée sur sa propre expérience de la maladie, pratique qui est loin d'offrir une distance critique suffisante, me direz-vous, par rapport à l'objet que l'on étudie. Car est-il jamais possible de s'étudier soi-même? En littérature, sans doute, et l'on trouve de brillants auteurs dans ce genre, tel que Artaud, pour ne citer que l'un des plus géniaux. Mais certainement pas dans une des sciences humaines telle que la psychologie - psychanalyse y compris - ou même la psychiatrie qui y est plus apparentée qu'on ne le croit généralement - Freud n'était-il pas neurologue, et Lacan psychiatre en institution? - où l'objet, parce qu'il est sujet, demande encore plus de précaution quant à 'imagination qu'on se fait dessus. Si l'observateur y mêle directement son ego, tel que Laing l'a fait, il n'y a pas de science possible, rien que de l'imaginaire dans le cas d'un chercheur normalement névrosé, une reconstruction formelle du monde dans le cas d'un sujet psychotique.

Eh oui! car ce que Laing nous expose là, ce n'est pas une théorie scientifique, mais une définition magique de son propre système psychique, de façon à reconstruire ce qui a été brisé dans le déclenchement psychotique, à savoir la chaîne signifiante. Bref, même si ce n'est pas un délire époustouflant, c'est un délire: l'extérieur, ben tiens, est responsable, par sa méchanceté, par sa perversité intrinsèque, du mal-être qui le caractérise.

Bref, il me semble simplement que les théories antipsychiatriques de ce bord là ne sont pas reconnues parce que, ni plus, ni moins, elles n'ont aucune cohérence, ni même aucun sérieux, sans compter qu'elles sont à dormir; il suffit de lire Laing lui-même pour s'en rendre compte.

Mes salutations et voeux de bonne continuation,

Ann Quark.