République du Rif

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Drapeau de la Republique du Rif
Drapeau de la Republique du Rif

En 1921, la tribu berbère des Aït Ouriaghel de la région d'Alhoceima, sous la conduite du jeune Abdelkrim El Khattabi, se soulève contre les espagnols. Le général Sylvestre dispose alors d'une puissante armée forte de 60 000 soldats espagnols pour contrer les Beni Ouriaghel. En juin la presque totalité de cette armée trouve la mort dans la bataille d'Anoual. Face à ce désastre le général se suicide.

En février 1922, Mohamed Ben Abd El-Krim Khattabi proclame la République confédérée des Tribus du Rif pour former un état rifain amazigh politiquement independant de l'occupation españole et française du Maroc.

En 1925, Mohamed Ben Abd el-Krim Khattabi lance une offensive vers le sud contre les forces françaises du général Lyautey qui sont battues sans difficulté et doivent se replier sur Fès et Taza. Paris envoie alors Philippe Pétain en lui accordant les moyens qui avaient été refusés à Lyautey. Le « vainqueur de Verdun » allié au général Primo de Rivera lance une vaste offensive. Des armes chimiques larguées par avion furent massivement utilisées. Elle firent des milliers de mort et les séquelles perdurent encore aujourd'hui chez la population du Rif. Le conflit, extrêmement dur, pousse les hommes de Mohamed Ben Abd el-Krim Khattabi à demander à leur chef d'engager des négociations. Des pourparlers s'engagent à Oujda mais, face à l'intransigeance des Français et des Espagnols, Mohamed Abd el-Krim Khattabi est contraint à la rédition.

Mohamed ben Abd el-Krim Khattabi est exilé à la Réunion. En 1947, il est autorisé par le gouvernement français à se rendre dans le sud de la France ( côte d'Azur). Il ramène avec lui le cercueil de sa grand mère décédée en exil. Remontant de l'Océan Indien vers la Méditerranée par le canal de Suez, il est invité à faire escale par le roi Farouk. Il interrompt là définitivement son voyage, à la grande fureur des Français et décide de rester en Égypte. Au Caire devenue la capitale des nationalistes arabes et où on se presse de toute part même de Chine, pour le visiter, il restera jusqu'à sa mort en 1963.


Pour les révolutionnaires et les indépendantistes du monde entier la guerre du Rif reste aujourd'hui encore un modèle de guerilla et un symbole de la lutte contre le colonialisme.


[modifier] Rif. Histoire d’une république éphémère

(Le mémorial du Maroc) Elle est née suite à la bataille d’Anoual et a vécu deux ans. En plus d’une armée, Abdelkrim y a instauré une Banque d’Etat, un fisc, des tribunaux. Mais l’expérience a tourné court.

La république du Rif a bel et bien existé même si l’histoire officielle du Royaume du Maroc ne semble pas trop y prêter attention. “Les Rifains avaient un territoire déterminé, un drapeau, une monnaie, une capitale (Ajdir), des institutions...”, confirment de nombreux historiens avant de spécifier que “la légendaire bataille d’Anoual (Juillet 1921) a été pour beaucoup dans l’avènement de cette république”.

Les tribus rifaines, emmenées par leur chef de guerre Mohammed Ben Abdelkrim, ont fait un massacre lors de cet affrontement avec les Espagnols, entre 19 000 et 20 000 morts dans les rangs de l’armée espagnole selon un rapport fourni aux Cortés. “Ce fut, dira Abdelkrim, une bataille d ’une folle sauvagerie qui tourna bientôt à la boucherie”. Dans son ouvrage, Abdelkrim, une épopée d’or et de sang, Zakya Daoud parle de “la plus grande catastrophe militaire de tous les temps pour l’armée espagnole”.

Une armée moderne, ce serait insuffisant

Abdelkrim, auréolé de cette impressionnante victoire, sait qu’il vient de franchir un point de non retour. Lui qui connaît très bien les Espagnols, pour avoir été élevé avec son frère à leurs côtés, ne se fait plus aucun doute “Ils voudront se venger et laver leur honneur”. Son entourage, vu les circonstances, semble inquiet et le lui montre. Même le Chérif Ouazzani, un grand chef de tribu, enthousiaste jusqu’alors, le lui fait dire : “Je suis d’avis que tu cherches à faire la paix avec les Espagnols pour le bien de ces Rifains incultes”. Il faut donc réagir. Dans le souci de défendre au mieux son peuple, il décide de remettre à niveau son armée. “Je vais m’appuyer en priorité sur les 39 000 ouriaghlis, (la tribu dont il est issu), et constituer, à partir d’eux et des meilleurs éléments des tribus, un corps de quelques milliers de réguliers”, ajoutant qu’“on ne peut mener cette guerre qui va s’intensifier, si l’on juge par l’ampleur des renforts espagnols débarqués à Melilla, avec les méthodes ancestrales des harkas, conduites par des chefs de tribu sans cohésion et qui se débandent à la moindre occasion”, Abdelkrim est conscient d’une chose : il faut aller plus loin que réformer l’armée. Assoiffé de modernisme - il qualifie à maintes reprises les Rifains d’arriérés culturellement et scientifiquement - il estime que le moment est venu de leur apporter tout le progrès qu’ils méritent. Il se met à imaginer un grand Rif moderne, riche en routes, écoles, trains... et arrive à la conclusion que le développement passe seulement par la création d’un Etat qui fusionnerait les ressources de toutes les tribus en une seule entité. Dans la même lignée, un rapport secret espagnol de l’époque stipule que Abdelkrim “rêve à la grandeur du peuple musulman et souhaite ardemment l’indépendance du Rif non encore occupé”.

L’Etat, une affaire de famille

Aussitôt, il réunit autour de lui sa famille et ses plus proches collaborateurs seulement, pour leur faire part de son dessein. Abdelkrim est connu pour ne pas faire confiance aux notables rifains, il se rabat toujours sur ses proches. Ces derniers lui font part de leur inquiétude, ne s’attendant aucunement à ce que le chef de famille arrive avec un projet aussi considérable. “Les tâches qui nous attendent sont énormes. J ’ai pensé créer une armée régulière que tu dirigeras Mhamed (son frère). Tu seras aussi mon délégué. Tu géreras avec moi le gouvernement que nous allons constituer et une assemblée unissant toutes les tribus, qui sera le parlement de notre futur état en même temps qu’un conseil supérieur. Toi Abdesslam (son oncle), tu te chargeras des finances. Azekane (son beau-frère), tu prendras en charge les relations extérieures avec Boujibar (son beau-frère). Je pense nommer le caïd Lyazid Belhaj Hamou à l’intérieur et confier la justice au Fquih Mohammed Ben Ali Elouakili, un homme intègre des Bent Taurine ou bien à Temsamani. Zerhouni sera chargé de l’instruction. Boudra s’occupera de la guerre”. Ainsi fut composé le premier gouvernement rifain. Une affaire de famille en somme dont Abdelkrim sera le président légitime. La majorité des tribus lui ont proposé après la bataille d’Anoual de l’élire comme chef. La République confédérée des tribus du Rif est ainsi proclamée, selon les uns et les autres, entre le 18 et le 21janvier 1923.

Soutien international à une république naissante

Les projecteurs du monde entier s’orientent instinctivement vers le Rif. Dans le monde arabo- musulman, Abdelkrim qu’on présente comme un nouvel Atatürk, devient l’idole des foules. A Londres, l’émir Chakib Arsalane le traite de héros d’une nouvelle Andalousie. D’Inde, Gandhi lui apporte également son soutien. “Il y avait naturellement un mouvement de sympathie, d’enthousiasme populaire aux quatre coins du globe et quelques tractations avec des états étrangers mais ça se limitait à cela. La République du Rif n’a pu avoir aucune reconnaissance de la part de pays tiers” nous apprend l’historien Tayeb Boutbouqalt. De son QG d’Ajdir où il est installé avec son gouvernement, dans un grand bâtiment blanc appelé l’Officina ou encore la Mahkma, Abdelkrim dirige son pays comme n’importe quel chef d’Etat de par le monde. D’après Zakya Daoud, “il y supervise tout, reçoit chaque mois des fonctionnaires, des caïds et des cadis. C’est là aussi que siège une fois par mois, sous sa présidence ou celle de son frère, l’assemblée constituée de 80 membres groupant les tribus et dont les pouvoirs sont exécutifs et législatifs”. Pour ce qui est de la forme de I’Etat en question, qui se dit républicain, il ne faut réellement y voir aucune forme précise de gouvernance. “Abdelkrim l’a bien dit (Les mots, République du Rif étaient sympathiques à des partis européens qui me soutenaient, Parti socialiste et communiste français, opposition espagnole et bien d’autres”. Une chose est sûre, l’idéologie qui l’imprègne est bien précise. L’état du Rif est islamique. Un islam moderne qu’Abdelkrim s’évertue à appliquer : il prohibe les mutilations corporelles, institue plutôt des amendes et des peines de prison au lieu de la loi du talion, abolit l’enlèvement des jeunes filles, protège la communauté israélite qui lui voue une extrême reconnaissance.

Les administrations d’une structure éphémère

Sur le terrain, les tribunaux fonctionnent normalement, des impôts sont collectés par des fonctionnaires, la State Bank of the Rif voit le jour, une constitution en 40 articles (brûlée lors de la prise d’Ajdir) est rédigée : l’état rifain prend forme. Ce qui dérange forcément les grands pays colonisateurs, dont essentiellement la France, l’Espagne et l’Angleterre, qui craignent que les Rifains ne deviennent une source d’inspiration pour d’autres. “Ce qui se joue là-bas, c’est toute la puissance coloniale de I ’Europe occidentale et surtout le destin de l’Empire africain de la France” dira par exemple Lyautey. Le 8 juillet 1925, les Français et les Espagnols se mettent d’accord pour écraser la révolte rifaine. Objectif qu’ils vont réussir à atteindre, après de nombreux combats entre, d’une part des Rifains fiers et courageux et d’autre part, deux des plus grandes nations du monde, décidées à mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour arriver à leurs fins. Résultat, la mort de la République du Rif coïncide logiquement avec la capitulation d’Abdelkrim, le 27 mai 1926. Seulement, Espagnols et Français ont réagi tardivement, puisque la brève expérience rifaine servira réellement d’inspiration à la résistance marocaine, ainsi qu’à d’autres un peu partout dans le monde... jusqu’au Vietnam.

À droite : Mhamed ben Abdelkrim (délégué général de la république). Cet ingénieur de formation issu des écoles espagnoles est non seulement le frère du président de la république mais aussi son plus proche collaborateur et son homme de confiance. Il sera d’ailleurs son délégué général, dirigera l’armée et le gouvernement à ses côtés tout en étant à la tête des délégations qui iront à l’étranger notamment à Londres ou Paris pour des pourparlers.

À gauche : Abdesslam El Khattabi (ministre des finances). Oncle de Mohammed ben Abdelkrim. Il aura pour charge de s’occuper des finances de la république du Rif dont il sera le ministre. Il est avec Mhamed un desproches collaborateurs qui le suivront jusqu’en exil où il décédera en 1953.


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