Qilin

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Qilin de style Qing devant le Palais d'été
Qilin de style Qing devant le Palais d'été

Le qilin ou kilin (en mandarin 麒麟 qílín, en japonais kirin, en vietnamien kỳ lân) est un animal fabuleux de la mythologie chinoise. Il est souvent appelé licorne dans les langues occidentales. Il ne réside que dans les endroits paisibles ou au voisinage d’un sage. En découvrir un est donc un bon présage. On lui prête aussi le pouvoir de donner un fils talentueux. est le nom du mâle et lín celui de la femelle, qílín la combinaison des deux.

Il est parfois appelé familièrement sibuxiang (四不象)[1]. Comme il apparaît dans les textes (mais pas toujours dans les représentations) avec une corne unique, on le nomme aussi licorne.

Sommaire

[modifier] Description

La girafe ramenée par Zheng He en 1414 fut qualifiée de qilin. Peinture de Shen Du, artiste de la cour des Ming.
La girafe ramenée par Zheng He en 1414 fut qualifiée de qilin. Peinture de Shen Du, artiste de la cour des Ming.

Selon le Shuowen jiezi (說文解字), dictionnaire de la dynastie Han, le qilin est un animal doux et aimable, avec un corps de cerf, une queue de bœuf et une corne unique (parfois un bois de cerf). Duan Yucai (段玉裁), lettré ayant vécu sous les Qing, précise dans son édition commentée que sa corne, enveloppée de chair contrairement à celle du rhinocéros, est symbole de sagesse et non arme, qu'elle lui permet de séparer les justes de ceux qui ont quelque chose à se reprocher. Il a des sabots fendus ou cinq doigts. D’autres lui prêtent un pelage tacheté et un ventre jaune ; cette description est peut-être influencée par l’aspect de la girafe ramenée d’Afrique en 1414 par Zheng He et accueillie par l’empereur comme un qilin, témoignage de son bon gouvernement.

Le qilin est l’incarnation même de l’harmonie : sa voix est mélodieuse, sa démarche régulière. Il ne fait pas un pas sans avoir regardé auparavant où il va mettre le pied et ne détruit rien sous son sabot, pas même les brins d’herbe. Il ne traverse que les bons endroits et couche en terrain plat. Végétarien, il est nommé « bête bienveillante » (仁獸/仁兽 rén shòu) ou « bête auspicieuse » (瑞獸/瑞兽 ruì shòu). On prétend qu’il est l’émanation de Taisui, dieu astral de Jupiter qui gouverne le destin de l’année, et qu’il peut vivre deux mille ans.

Selon certains, le cri du mâle présage l’apparition d’un sage, celui de la femelle le retour à la paix ; le cri d’été est favorable à la croissance des enfants, celui d’automne restitue les forces.

Malgré son tempérament pacifique, le qilin peut, pour lutter contre le mal, cracher des flammes et rugir d’une voix de tonnerre.

[modifier] Symbolisme

« Le qilin apporte un fils » : image de Nouvel An
« Le qilin apporte un fils » : image de Nouvel An

[modifier] Roi des animaux

Selon le Livre des rites, les quatre animaux sont le qilin, le phénix, le dragon et la tortue. Le qilin règne donc sur les animaux à poil, le phénix sur ceux à plumes, le dragon sur les bêtes à écailles et la tortue sur celles à carapace. Dans le Mencius, il domine les animaux qui marchent alors que le phénix règne sur ceux qui volent. Dans les régions encore infestées de bêtes sauvages, on plaçait sur les autels l’inscription « Ici demeure un qilin » (麒麟在此) pour les éloigner.

[modifier] Gage de paix et de félicité

L'apparition d'un qilin est bon signe pour la région, sa disparition mauvais signe. Selon le Kongzi jiayu (孔子家語), tuer de jeunes animaux éloigne le qilin, briser les œufs dans les nids fait disparaitre le phénix, assécher les cours d’eau chasse le dragon. La tradition rapporte que lorsque Confucius travaillait à la rédaction des Annales de Lu vers la fin de ses jours, on annonça qu’un qilin avait été tué par un chasseur à l’ouest de la capitale. Il comprit alors que le roi Ai n’en avait plus pour longtemps et déclara : « Mon travail est fini. » Les Annales sont parfois appelées Livre du qilin (麟經 ou 麟史).

[modifier] Annonce de la venue d’un sage, d’un bon souverain ou de la naissance d’un fils talentueux

Le Classique des vers utilise l’expression « trace du qilin » (麟 趾) pour désigner les descendants du roi Wen de Zhou et vanter leurs talents. On raconte qu’une licorne apparut à la mère de Confucius peu avant sa conception et déposa un livre de jade sorti de sa bouche (麟吐玉書). Le thème de la licorne donneuse d’un fils promis à une belle carrière (麒麟送子) était autrefois très populaire : il apparaît sur les estampes de Nouvel An ou les décorations de mariage. Un jeune garçon ou un jeune homme vêtu en aristocrate y est monté sur un qilin, accompagné de la déesse donneuse d’enfants. Dans le sud de la Chine, des « danses de licorne » avaient lieu pendant la période du Nouvel An. Les femmes désireuses d'avoir un fils devaient toucher la frange représentant sa barbichette. L’apparition d’un qilin est aussi gage de bon gouvernement et motif de réjouissances. Un qilin blanc serait apparu durant le règne de Han Wudi. Il proclama alors une nouvelle ère, celle du « grand commencement » (太始 tài shĭ, 96-93 av. J.-C.). Il fit fondre une nouvelle monnaie d’or appelée « empreinte de qilin » (麟趾金) et bâtir un pavillon du qilin (麒麟閣) dans le palais de Weiyang (未央宮). Le nom des ministres émérites devait y être gravé. La girafe ramenée d’Afrique en 1414 par Zheng He et ses compagnons fut accueillie par l’empereur Yongle comme un qilin.

[modifier] Représentation

Qilin couché au temple de Shaolin
Qilin couché au temple de Shaolin

Les sculptures de qilin les montrent avec le corps couvert d’écailles, des sabots de bœuf et, contrairement aux descriptions des textes, plus souvent une paire de cornes qu’une corne unique. Sous les Ming, les cornes (ou la corne unique) sont en général couchées vers l’arrière suivant la crinière traitée à la façon de flammes. Du feu sort parfois de la bouche, ainsi qu’un livre comme dans la légende de Confucius, mais il s’agit ici d’un soutra. Sous les Qing (16441911), les cornes se dressent comme celles d’un cerf, la licorne a souvent une barbichette et une queue de lion. Les kirin japonais sont très semblables aux qilin des Qing. On trouve souvent les qilin aux abords des temples et des palais ; l’impératrice Wu Zetian en avait placé une sur la tombe de sa mère. Sous les Qing, le costume des fonctionnaires militaires de premier grade portait le qilin sur les manches. Les « animaux saluant la licorne » était un motif de broderie prisé pour les jupes des dames de la haute société.

[modifier] Dans la culture japonaise

Le kirin est bien connu de la culture japonaise, où il porte parfois sous le nom de ikkakujū, contraction de ichi (« un »), kaku (« corne ») et , (« bête »). Kirin est le nom de la girafe et aussi celui de l’une des trois plus grandes marques de bière (Kirin Brewery Company) à laquelle il sert de logo. Des personnages de dessin animé s’en inspirent, comme les kirin des Douze Royaumes ou Shishi Gami de Princesse Mononoké.

[modifier] Notes

  1. Le terme sibuxiang (四不象, littéralement « qui ne ressemble à rien ») peut désigner à la fois divers animaux fantastiques ou réels d'aspects composites et une espèce zoologique précise, le cerf du père David.

[modifier] Voir aussi