Psychopathie

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Voir « psychopathie » sur le Wiktionnaire.

La psychopathie est un trouble du comportement caractérisé par le déni de l'individualité d'autrui et un comportement généralement impulsif et antisocial pouvant aller jusqu'au crime.
Le psychopathe est celui qui est atteint de psychopathie.

En psychologie, ce type de personnalité se caractérise par des conduites anti-sociales fondées sur des impulsions sans éprouver de culpabilité.

Ce sont en général des actes de délinquance, des mensonges ou le mépris du danger. La vie sociale est instable avec de nombreux changements professionnels, des absences ou des fugues[réf. nécessaire]. Les règles de la vie sociale et les valeurs sont enfreintes. Ces personnes sont enclines à infliger des mauvais traitements à leurs familles. Pour eux, manifester des émotions est un signe de faiblesse et de la déchéance de leur influence sur autrui.

Environ 3 % des hommes et 1 % des femmes sont touchés par le comportement antisocial[1]. En général, un psychopathe est un sujet qui a sa propre vision du bien et du mal, qui n'est pas celle acceptée socialement, pouvant donner lieu à une multitude de manifestations singulières asociales, antisociales délictueuses ou criminelles à divers degrés.

Sommaire

[modifier] Définition

La psychopathie est un processus déviant du développement, qui se traduit par un trouble fonctionnel de la personnalité, caractérisé notamment par un excès d’agressivité pulsionnelle et une incapacité à nouer des relations d’objet. Le terme de psychopathie représente à la fois une catégorie, une classe diagnostique, et un continuum de perturbations psychologiques, dont l’intensité et la nature sont variables d’un individu à l’autre en termes de traitement notamment. (J. Reid Meloy)

[modifier] Contexte théorique + sémiologique

Retenons en premier lieu que le terme « psychopathie » véhicule ainsi une notion de trouble de caractère avec d’importantes implications historiques et cliniques :

  • Le courant américain s’appuie essentiellement sur une approche symptomatologique ; ainsi dans le DSM IV de l’American Psychiatric Association les critères ne recouvrent que les troubles de la personnalité anti-sociale, orientés vers la criminalité ; la transgression de la loi est un élément clef de diagnostic de psychopathie aux EU, or en France ce rapport à la loi apparaît comme l’un des éléments sémiologiques mais non central car si beaucoup de psychopathes sont des délinquants car privilégiant les passages à l’acte au détriment de toute élaboration mentale, souvent avec des conséquences légales, tous les délinquants ne sont pas psychopathes (Diatkine). Néanmoins, en s‘appuyant sur ces critères et ceux dégagés par Hare et al. (1991), Meloy (2001) a pu dégager certaines caractéristiques de personnalité des psychopathes criminels : une absence d’anxiété ou d’inquiétude, une dévaluation agressive et réelle d’autrui qui permet d’étayer les vécus d’un soi grandiose et de réparer les blessures émotionnelles, un contrôle omnipotent sur les autres, un charme superficiel associé à une faconde certaine, une insensibilité relationnelle, un manque de remords, ainsi qu’un ennui terrible et inquiétant.
  • On peut noter par ailleurs que Meloy, en remettant au premier plan une clinique vivante, s’est posé la question des relations d’objet chez les sujets psychopathes, dans la tradition de Mélanie Klein, Jacobson ou encore Kernberg. En effet, tout en affirmant une prédisposition psychobiologique nécessaire à la psychopathie, il s’est intéressé aux expériences d’objet primaires vécues comme déficientes et conflictuelles ; les origines développementales de la personnalité psychopathique sont caractérisées par une séparation précoce d’avec le parent primaire pendant la phase symbiotique de maturation, des défauts d’internalisation, une prédominance d’une identification archétypique à l’objet-soi étranger, un échec dans la constance de l’objet et l’attachement narcissique primaire au soi grandiose et enfin un mode agressif et sadomasochiste dans la relation à l’autre.
  • A l’instar de Kernberg qui place la psychopathie dans une variante grave des troubles de la personnalité narcissique (eux-mêmes inscrits dans une fonction et un niveau élevé de l’organisation limite) en s’appuyant sur les pulsions agressives mais avec des données constitutives, les Européens ont essentiellement développé une approche structuraliste ou organisationnelle de la psychopathie ; P.-C. Racamier parlera de perversion narcissique tandis que Balier, psychanalyste lacanien, a distingué la perversion (carences plus tardives donc début d’élaboration et symbolisme d’où les allers-retours entre dépression majeure et mégalomanie, on serait là plutôt dans les Etats limites) de la perversité, qui rejoint alors ce que d’autres appellent psychopathie, avec des carences parentales extrêmes. Le sujet psychopathe passerait à l’acte pour éviter le réveil de la trace d’une menace d’envahissement par l’image maternelle.

Pour d’autre, comme Bergeret, l’organisation limite va englober ce que d’autres appellent psychopathie car certains signes tels le caractère factice, le fonctionnement en faux self du borderline résonnent aux traits de simulation, d’imitation et d’imposture de la sémiologie américaine. Cela étant dit, de nombreux travaux ont montré que les personnalités psychopathiques et borderline étaient différentes d’un point de vue de l’examen clinique, de l’accès thérapeutique et de ses aménagements, la comorbidité des deux étant de meilleur pronostic.

  • Enfin, la plupart des auteurs s’accordent cependant sur l’économie narcissique au cœur du fonctionnement psychopathique : la relation d’objet est marquée par la pulsion agressive et ses dérivatifs, par la recherche de pouvoir et de contrôle, avec une lutte importante contre la dépendance et une dévalorisation systématique de l‘autre.

Le maintien d’un soi grandiose, pour protéger le sujet des épreuves liées au doute de soi, demandent alors la mise en place de mécanismes de défense plus ou moins archaïques, à base de clivage, de déni, d’identification projective, de rationalisation, de projection, d’identification à l’agresseur et d’omnipotence.

  • De plus, la description traditionnelle fait du passage à l’acte psychopathique un substitut de la pensée et l’attribue à une carence de l’élaboration mentale, un raté de la symbolisation, une décharge pulsionnelle avec incapacité à différer la satisfaction. Cependant, certains auteurs ont montré que chez certains psychopathes graves, on serait face à une pathologie de l’action et non de mentalisation (Andronikof, 2001) avec passages à l’acte agressifs lors de moments de dissociation.

[modifier] Évaluation

L’entretien clinique reste l’outil privilégié du clinicien français. Néanmoins, il existe différents outils pour évaluer la psychopathie :

  • l’Echelle de Psychopathie de Hare et al. qui distingue deux grands facteurs : le premier concerne le détachement émotionnel et pathologique narcissique et le second les comportements antisociaux et d’impulsivité ; cela dit, au-delà de la quarantaine, ces derniers comportements ont tendance à décliner (l'âge serait donc un allié thérapeutique).
  • Le Rorschach, système intégré d’Exner, très utilisé dans ce domaine, a permis par exemple de dégager un pattern de réponses psychopathiques avec une mise en avant de caractéristiques narcissiques pathologiques (grandiosité et perception égocentrique de soi, omnipotence etc.) et un détachement émotionnel marqué (Ganaco, Meloy etc.).

D’autres chercheurs, grâce à l’utilisation du Rorschach-Exner, ont validé l’hypothèse d’un conflit entre haute valeur personnelle et image de soi détériorée (Réveillère, Pham).

[modifier] Psychopathie et sociopathie

Selon Robert Hare, la différence entre psychopathie et sociopathie peut s'expliquer par l'origine du trouble[2]. La plupart des sociologues, des criminologues et même certains psychologues pensent que le trouble s'explique par l'environnement social et préfèrent parler de "sociopathes". Ceux qui, comme Hare, pensent que le trouble s'explique par une combinaison de facteurs psychologiques, biologiques, génétiques et environnementaux utiliseront de préférence le terme "psychopathe".

Selon David Lykken, le psychopathie et la sociopathie sont deux manifestations différentes du trouble de la personnalité antisociale. Il avance que les psychopathes naissent avec des caractéristiques psychologiques particulières comme l'impulsivité ou l'absence de peur, qui les conduisent à chercher le risque et les rendent incapables d'intégrer les normes sociales. Par opposition, les sociopathes ont un tempérament plus "normal"; leur trouble de la personnalité tient davantage à un environnement social défavorable (parents absents, proches délinquants, pauvreté, intelligence extrêmement faible ou développée). Ces deux troubles de la personnalité résultent d'une interaction de facteurs génétiques et de facteurs environnementaux, mais la psychopathie tient surtout à des facteurs héréditaires, tandis que la sociopathie tient surtout à des facteurs environnementaux[3].

[modifier] Thérapeutique

La psychopathie est souvent décrite comme incurable ; certains facteurs ont néanmoins une influence sur l’efficacité des traitements des psychopathes : une capacité, même précaire, à mettre en place une relation d’alliance, une comorbidité dépressive ou des signes de dépressivité, une réceptivité aux relations familiales soutenantes.

On peut décrire brièvement plusieurs approches (dont on ne présume pas de l'efficacité) :

  • la médication dans un cadre thérapeutique dit « institutionnel ou communautaire » qui inhibent certains symptômes, comme l’agressivité.
  • la thérapie familiale peut permettre une réduction des récidives d’actes criminels en centrant la thérapie sur la gestion de la situation par les parents.
  • la thérapie communautaire qui se base sur le lien entre les membres du groupe, en se soumettant à l’autorité de ce groupe, par système de récompenses ou de sanctions. Une régulation thérapeutique se fait au sein des réunions journalières. Le groupe de recherche Darkstone propose ainsi un programme thérapeutique basé sur un environnement favorisant notamment la socialisation et la neutralisation des attitudes prédélinquantes.
  • Pour réduire les comportements impulsifs et antisociaux, on peut proposer une approche cognitivo-comportementale multiple : gestion de soi individuelle, travail sur les aptitudes sociales, prévention de comportements agressifs. Templeman et al. proposent par exemple une thérapie par jeux de rôle et opérationnalisation de problèmes pour traiter les distorsions cognitives.
  • La pauvreté des processus primaires et la manipulation spécifiques des sujets psychopathes ont amené les thérapeutes d’obédience psychanalytique à modifier le cadre afin d’apaiser les excitations ; il va s’agir ici d’être actif pour atteindre les conditions qui rendent possibles l’émergence de la pensée, des affects, de la représentation de soi entraînant une identification à l’autre et de l’empathie : le patient peut alors revivre les états traumatiques, cette fois sans effondrement, puisqu’il se sentirait conforté dans son narcissisme de base par le partage affectif de nature empathique de ses expériences avec le clinicien.

On peut relever enfin que la plupart des auteurs s’accordent sur l’importance du contrôle, de la maîtrise et de la gestion des réactions contre transférentielles du thérapeute ; le risque étant pour ce dernier de se sentir dévalorisé, trompé, agressé, ou croire en une alliance thérapeutique qui n’existe pas ce qui entachera le projet thérapeutique.

[modifier] Notes

  1. DSM-IV
  2. Robert D. Hare, Without Conscience: The Disturbing World of Psychopaths Among Us, (New York: Pocket Books, 1993) page 23.
  3. David T. Lykken, The Antisocial Personalities (1995).

[modifier] Voir aussi