Princesses d'ivoire et d'ivresse

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C’est à la fin de sa vie, en 1902, que Jean Lorrain, de son vrai nom Martin Paul Alexandre Duval, publie un recueil de contes intitulé Princesses d’ivoire et d’ivresse.

À la fin du XIXe siècle et dans les premières années du XXe, un courant littéraire va s’approprier un domaine propre à l’enfance en le pervertissant par un immoralisme triomphant. C’est pour contrer l’hégémonie de la science et le réalisme littéraire de cette fin de siècle que les contes prolifèrent.

En écrivant Princesses d’ivoire et d’ivresse, Jean Lorrain ressuscite le plaisir enfantin des évocation merveilleuses qui ont considérablement marqué son enfance.

[modifier] Structure du recueil

Le recueil se divise en quatre grandes parties :

  • Princesses d’ivoire et d’ivresse
  • Princesses d’ambre et d’Italie
  • Masques dans la tapisserie
  • Contes de givre et de sommeil

[modifier] Principaux thèmes et personnages

Dès sa préface, l’auteur évoque des personnages à la beauté de « madones avec leur blancheur immaculée aux vêtements de brocarts d’argent et de satins luisants bossués de perles ». Ainsi, une certaine esthétique de la femme est mise en valeur, les princesses sont de belles jeunes femmes pourvues de qualités enchanteresses, dévoilant leur chevelure de ténèbres « blondes » ou « rousses ». Lorrain nous plonge dans une atmosphère de volupté, de richesses et de sensualité.

Puisant son inspiration à travers les âges et les époques, tels le Moyen Âge, l’Italie et le Danemark, avec des personnages comme Illys, Mandosiane, Oriane, ou encore Mélusine, Lorrain nous plonge dans des univers merveilleux et fantastique.

Cependant, l’aspect féerique se trouve retourné, la beauté surnaturelle des fées laisse place à la laideur et la corruption ; l’auteur s’inscrit parfaitement dans la lignée des décadents,] inversant la fin heureuse traditionnelle du conte en obscurcissant les miroirs et travestissant le genre en intégrant une atmosphère de morbide et mélancolique dans ce monde féerique.

La cruauté, thème décadent par excellence, illustre bien ce retournement. Une princesse comme Cendrillon possède un charme et une innocence pure. Dans le monde de Jean Lorrain, la cruauté tient une place prépondérante, et l’ivresse provient du sang et de la mort. La femme cruelle s’allie à la luxure, Andovère et Oriane sont perverses et sanguinaires. Au moment où l’on s’attend à voir apparaître un prince charmant venant délivré son aimée, arrive un homme qui punit et châtie : Andovère est punie par le Christ, Simonetta par son mari et Oriane par Amadis.

Aussi, dans cette œuvre, les registres s’entrecroisent, on trouve un univers dans lequel se mêlent un climat d’épouvante et l’épanouissement du bonheur. Lorrain se rapproche beaucoup plus d’Andersen que de Perrault, où l’on trouve un prince charmant venu délivrer sa princesse. Chez Lorrain, ce sont les fées qui ensorcèlent et charment leur proie : Andovère tue de ses baisers, Oriane ensorcelle les chevaliers venant l’adorer. Nous basculons dans un univers où séduction et péril sont mêlés. Les nouvelles de Lorrain sont en fait « des contes cruels » dans lesquelles la perversité du conte atteint son paroxysme.